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Le Voyage de monsieur Perrichon

MONSIEUR DE PERRICHON

EN QUATRE ACTES

représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Gymnase , le 10 septembre 1860.

COLLABORATEUR : M. E. MARTIN

Le Commandant Mathieu

Armand Desroches

Daniel Savary

Joseph , domestique du commandant

Jean , domestique de Perrichon

Madame Perrichon

Henriette , sa fille

Un Aubergiste

Un Employé de chemin de fer

Commissionnaires

ACTE PREMIER

La gare du chemin de fer de Lyon, à Paris. — Au fond, barrière ouvrant sur les salles d’attente. Au fond, à droite, guichet pour les billets. Au fond, à gauche, bancs, marchande de gâteaux ; à gauche, marchande de livres.

Scène Première

Ce Perrichon n’arrive pas ! Voilà une heure que je l’attends… C’est pourtant bien aujourd’hui qu’il doit partir pour la Suisse avec sa femme et sa fille… (Avec amertume.) Des carrossiers qui vont en Suisse ! des carrossiers qui ont quarante mille livres de rente ! des carrossiers qui ont voiture ! Quel siècle ! Tandis que, moi, je gagne deux mille quatre cents francs… un employé laborieux, intelligent, toujours courbé sur son bureau… Aujourd’hui, j’ai demandé un congé… j’ai dit que j’étais de garde. Il faut absolument que je voie Perrichon avant son départ… je veux le prier de m’avancer mon trimestre… six cents francs ! Il va prendre son air protecteur… faire l’important !… un carrossier ! ça fait pitié ! Il n’arrive toujours pas ! on dirait qu’il le fait exprès ! (S’adressant à un facteur qui passe suivi de voyageurs.) Monsieur, à quelle heure part le train direct pour Lyon ?…

Demandez à l’employé.

Merci… manant ! (S’adressant à l’employé qui est près du guichet.) Monsieur, à quelle heure part le train direct pour Lyon ?…

Ça ne me regarde pas ! voyez l’affiche.

Merci… (À part.) Ils sont polis dans ces administrations ! Si jamais tu viens à mon bureau, toi !… Voyons l’affiche…

Par ici !… ne nous quittons pas ! nous ne pourrions plus nous retrouver… Où sont nos bagages ?… (Regardant à droite ; à la cantonade.) Ah très bien ! Qui est-ce qui a les parapluies ?…

Et le sac de nuit ?… les manteaux ?…

Les voici !

Et mon panama ?… Il est resté dans le fiacre ! (Faisant un mouvement pour sortir et s’arrêtant.) Ah ! non ! je l’ai à la main !… Dieu, que j’ai chaud !

C’est ta faute !… tu nous presses, tu nous bouscules !… je n’aime pas à voyager comme ça !

Ce n’est pas ouvert ! Dans un quart d’heure !

Ah ! pardon ! c’est la première fois que je voyage… (Revenant à sa femme.) Nous sommes en avance.

Là ! quand je te disais que nous avions le temps… Tu ne nous as pas laissés déjeuner !

Il vaut mieux être en avance !… on examine la gare ! (À Henriette.) Eh bien, petite fille, es-tu contente ?… Nous voilà partis !… encore quelques minutes, et, rapides comme la flèche de Guillaume Tell, nous nous élancerons vers les Alpes ! (À sa femme.) Tu as pris la lorgnette ?

Mais oui !

Sans reproches, voilà au moins deux ans que tu nous promets ce voyage.

Ma fille, il fallait que j’eusse vendu mon fonds… Un commerçant ne se retire pas aussi facilement des affaires qu’une petite fille de son pensionnat… D’ailleurs, j’attendais que ton éducation fût terminée pour la compléter en faisant rayonner devant toi le grand spectacle de la nature !

Ah çà ! est-ce que vous allez continuer comme ça ?…

Quoi ?…

Vous faites des phrases dans une gare !

Je ne fais de phrases… j’élève les idées de l’enfant. (Tirant de sa poche un petit carnet.) Tiens, ma fille, voici un carnet que j’ai acheté pour toi.

Pour quoi faire ?…

Pour écrire d’un côté la dépense, et de l’autre les impressions.

Quelles impressions ?…

Nos impressions de voyage ! Tu écriras, et moi je dicterai.

Comment ! Vous allez vous faire auteur à présent ?

Il ne s’agit pas de me faire auteur… mais il me semble qu’un homme du monde peut avoir des pensées et les recueillir sur un carnet !

Ce sera bien joli !

Elle est comme ça, chaque fois qu’elle n’a pas pris son café !

Certainement ! Mais, auparavant, je vais les compter… parce que, quand on sait son compte… Un, deux, trois, quatre, cinq, six, ma femme, sept, ma fille, huit, et moi, neuf. Nous sommes neuf.

Enlevez !

Dépêchons-nous !

Pas par là, c’est par ici !

Ah ! très bien ! (Aux femmes.) Attendez-moi là !… ne nous perdons pas !

Pauvre père ! quelle peine il se donne !

Il est comme un ahuri !

Je ne sais pas encore où je vais, attendez ! (Apercevant Henriette.) C’est elle ! je ne me suis pas trompé !

Quel est ce monsieur ?…

C’est un jeune homme qui m’a fait danser la semaine dernière au bal du huitième arrondissement.

Un danseur !

Madame !… mademoiselle !… je bénis le hasard… Ces dames vont partir ?…

Oui, monsieur !

Ces dames vont à Marseille, sans doute ?…

Non, monsieur.

À Nice, peut-être ?…

Non, monsieur !

Pardon, madame… je croyais… si mes services…

Bourgeois ! vous n’avez que le temps pour vos bagages.

C’est juste ! allons ! (À part.) J’aurais voulu savoir où elles vont… avant de prendre mon billet… (Saluant.) Madame… mademoiselle… (À part.) Elles partent, c’est le principal !

Il est très-bien, ce jeune homme !

Portez ma malle aux bagages… je vous rejoins ! (Apercevant Henriette.) C’est elle !

C’est encore un jeune homme qui m’a fait danser au bal du huitième arrondissement.

Ah çà ! ils se sont donc tous donné rendez-vous ici ?… N’importe, c’est un danseur ! (Saluant.) Monsieur…

Madame… mademoiselle… je bénis le hasard… Ces dames vont partir ?

Oui, monsieur.

Tiens, comme l’autre ! (Haut.) Non, monsieur !

Pardon, madame, je croyais… Si mes services…

Après ça, ils sont du même arrondissement.

Je ne suis pas plus avancé… je vais faire enregistrer ma malle… je reviendrai ! (Saluant.) Madame… mademoiselle…

Il est très-bien, ce jeune homme !… Mais que fait ton père ? Les jambes me rentrent dans le corps !

Je me suis trompé, ce train ne part que dans une heure !

Tiens, monsieur Majorin !

Vous ! comment n’êtes-vous pas à votre bureau ?…

J’ai demandé un congé, belle dame ; je ne voulais pas vous laisser partir sans vous faire mes adieux !

Comment ! c’est pour cela que vous êtes venu ! Ah ! que c’est aimable !

Mais, je ne vois pas Perrichon !

Papa s’occupe des bagages.

Les billets d’abord ! très-bien !

Ah ! le voici ! Bonjour, cher ami.

Ah ! c’est toi ! tu es bien gentil d’être venu !… Pardon, il faut que je prenne mes billets !

Il est poli !

Monsieur, on ne veut pas enregistrer mes bagages avant que j’aie pris mes billets ?

Ce n’est pas ouvert ! attendez !

Et moi, je ne tiens plus sur mes jambes !

Eh bien, asseyez-vous. (Indiquant le fond à gauche.) Voilà des bancs… Vous êtes bonnes de rester plantées là comme deux factionnaires.

C’est toi-même qui nous a dit : « Restez là ! » Tu n’en finis pas ! tu es insupportable !

Voyons, Caroline !

Ton voyage ! j’en ai déjà assez !

On voit bien que tu n’as pas pris ton café ! Tiens, va t’asseoir !

Oui, mais dépêche-toi !

Joli petit ménage !

Oui, je voulais te parler d’une petite affaire.

Et mes bagages qui sont restés là-bas sur une table… Je suis inquiet ! (Haut.) Ce bon Majorin ! c’est bien gentil à toi d’être venu !… (À part.) Si j’y allais ?…

J’ai un petit service à te demander.

À moi ?…

J’ai déménagé… et, si tu voulais m’avancer un trimestre de mes appointements… six cents francs !

Comment, ici ?…

Je crois t’avoir toujours rendu exactement l’argent que tu m’as prêté.

Il ne s’agit pas de ça !

Pardon ! je tiens à le constater… Je touche mon dividende des paquebots le 8 du mois prochain ; j’ai douze actions… et, si tu n’as pas confiance en moi, je te remettrai les titres en garantie.

Allons donc ! es-tu bête !

Pourquoi diable aussi viens-tu me demander ça au moment où je pars ?… j’ai pris juste l’argent nécessaire à mon voyage.

Après ça si ça te gêne… n’en parlons plus. Je m’adresserai à des usuriers qui me prendront cinq pour cent par ans… je n’en mourrai pas !

Voyons, ne te fâche pas !… tiens, les voilà, tes six cents francs, mais n’en parle pas à ma femme.

Je comprends : elle est si avare !

Comment ! avare ?

Je veux dire qu’elle a de l’ordre!

Il faut ça, mon ami !… il faut ça !

Allons ! c’est six cents francs que je te dois… Adieu ! (À part.) Que d’histoires ! pour six cents francs !… et ça va en Suisse !… Carrossier !…

Eh bien, il part ! il ne m’a seulement pas dit merci ! mais, au fond, je crois qu’il m’aime ! (Apercevant le guichet ouvert.) Ah ! sapristi ! on distribue les billets !…

Faites donc attention, monsieur !

Prenez votre tour, vous, là-bas !

Et mes bagages !… et ma femme !…

Tu m’entends bien ?

Oui, mon commandant.

Et si elle demande où je suis… quand je reviendrai… tu répondras que tu n’en sais rien… Je ne veux plus entendre parler d’elle.

Tu diras à Anita que tout est fini… bien fini…

J’ai mes billets !… Vite ! à mes bagages ! Quel métier que d’aller à Lyon !

Tu m’as bien compris ?

Sauf votre respect, mon commandant, c’est bien inutile de partir.

Pourquoi ?…

Parce qu’à son retour, mon commandant reprendra mademoiselle Anita.

Alors, autant vaudrait ne pas la quitter ; les raccommodements coûtent toujours quelque chose à mon commandant.

Ah ! cette fois, c’est sérieux ! Anita s’est rendue indigne de mon affection et des bontés que j’ai pour elle.

On peut dire qu’elle vous ruine, mon commandant. Il est encore venu un huissier ce matin… et les huissiers, c’est comme les vers… quand ça commence à se mettre quelque part…

À mon retour, j’arrangerai toutes mes affaires… Adieu.

Adieu, mon commandant.

Ah ! tu m’écriras à Genève, poste restante… Tu me donneras des nouvelles de ta santé…

Mon commandant est bien bon !

Et puis tu me diras si l’on a eu du chagrin en apprenant mon départ… si l’on a pleuré…

Qui ça, mon commandant ?…

Eh parbleu ! elle ! Anita !

Vous la reprendrez, mon commandant !

Jamais !

Ça fera la huitième fois. Ça me fait de la peine de voir un brave homme comme vous harcelé par des créanciers… et pour qui ? pour une…

Allons, c’est bien ! donne-moi ma valise, et écris-moi à Genève… demain ou ce soir ! Bonjour !

Bon voyage, mon commandant ! (À part.) Il sera revenu avant huit jours ! Oh ! les femmes ! et les hommes !…

Il sort. — Le Commandant va prendre son billet et entre dans xxxxx la salle d’attente.

Je suis lasse d’être assise !

Enfin ! c’est fini ! j’ai mon bulletin ! je suis enregistré !

Ce n’est pas malheureux !

Monsieur… n’oubliez pas le facteur, s’il vous plaît…

Ah ! oui… Attendez… (Se concertant avec sa femme et sa fille.) Qu’est-ce qu’il faut lui donner à celui-là ? Dix sous ?…

Allons… va pour vingt sous ! (Les lui donnant.) Tenez mon garçon.

Merci, monsieur !

Un instant… Henriette, prends ton carnet et écris.

Déjà !

Dépenses : fiacre, deux francs… chemin de fer, cent soixante-douze francs cinq centimes… facteur, un franc.

C’est fait !

Attends ! Impression !

Il est insupportable !

Adieu, France… reine des nations ! (S’interrompant.) Eh bien, et mon panama ?… je l’aurai laissé aux bagages !

Mais non ! le voici !

Ah ! oui ! (Dictant.) Adieu, France ! reine des nations !

Le signal ! tu vas nous faire manquer le convoi !

Entrons, nous finirons cela plus tard !

L’employé l’arrête à la barrière pour voir les billets. Perrichon querelle sa femme et sa fille, finit par trouver les billets dans sa poche. Ils entrent dans la salle d’attente.

Prenez donc garde !

Faites attention vous-même !

Daniel !

Armand !

Vous partez ?…

À l’instant ! et vous ?…

Moi aussi !

C’est charmant ! nous ferons route ensemble ! j’ai des cigares de première classe… Et où allez-vous ?

Ma foi, mon cher ami, je n’en sais rien encore.

Vraiment ? moi aussi ! je me dispose à suivre une demoiselle charmante.

Tiens ! moi aussi !

La fille d’un carrossier !

Perrichon ?

Perrichon !

C’est la même !

Mais je l’aime, mon cher Daniel.

Je l’aime également, mon cher Armand.

Je veux l’épouser !

Moi, je veux la demander en mariage… ce qui est à peu près la même chose.

Mais nous ne pouvons l’épouser tous les deux !

En France, c’est défendu !

C’est bien simple ! Puisque nous sommes sur le marchepied du wagon, continuons gaiement notre voyage… cherchons à plaire… à nous faire aimer, chacun de notre côté !

Alors, c’est un concours !… un tournoi !…

Une lutte loyale… et amicale… Si vous êtes vainqueur… je m’inclinerai… si je l’emporte, vous ne me tiendrez pas rancune ! Est-ce dit ?

Soit ! j’accepte.

La main, avant la bataille.

Et la main après.

Je te dis que j’ai le temps !

Tiens ! notre beau-père !

Madame, je voudrais un livre pour ma femme et ma fille… un livre qui ne parle ni de galanterie, ni d’argent, ni de politique, ni de mariage, ni de mort.

Robinson Crusoe !

Monsieur, j’ai votre affaire.

Les Bords de la Saône  : deux francs ! (Payant.) Vous me jurez qu’il n’y a pas de bêtises là dedans ? (On entend la cloche.) Ah diable ! Bonjour, madame.

Suivons-le.

Suivons ! C’est égal, je voudrais bien savoir où nous allons ?…

Un intérieur d’auberge au Montanvert, près de la mer de Glace. — Au fond, à droite, porte d’entrée ; au fond, à gauche, fenêtre ; vue de montagnes couvertes de neige ; à gauche, porte et cheminée. — À droite, table où est le livre des voyageurs, et porte.

Ces messieurs prendront-ils autre chose ?

Tout à l’heure… du café…

Faites manger le guide ; après, nous partirons pour la mer de Glace.

Venez, guide.

Eh bien, mon cher Daniel ?

Les opérations sont engagées, nous avons commencé l’attaque.

Notre premier soin a été de nous introduire dans le même wagon que la famille Perrichon ; le papa avait déjà mis sa calotte.

Nous les avons bombardés de prévenances, de petits soins.

Vous avez prêté votre journal à M. Perrichon, qui a dormi dessus… En échange, ils vous a offert les Bords de la Saône … un livre avec des images.

Et vous, à partir de Dijon, vous avez tenu un store dont la mécanique était dérangée ; ça a dû vous fatiguer.

Oui, mais la maman m’a comblé de pastilles de chocolat.

Gourmand !… vous vous êtes fait nourrir.

À Lyon, nous descendons au même hôtel…

Et le papa, en nous retrouvant, s’écrie : « Ah ! quel heureux hasard !… »

À Chamouny, même situation ; et le Perrichon de s’écrier toujours : « Ah ! quel heureux hasard ! »

Hier soir, vous apprenez que la famille se dispose à venir voir la mer de Glace, et vous venez me chercher dans ma chambre… dès l’aurore… c’est un trait de gentilhomme !

C’est dans notre programme… lutte loyale !… Voulez-vous de l’omelette ?

Merci… Mon cher, je dois vous prévenir… loyalement… que, de Châlon à Lyon, mademoiselle Perrichon m’a regardé trois fois.

Et moi, quatre !

Diable ! c’est sérieux !

Ça le sera bien davantage quand elle ne nous regardera plus… Je crois qu’en ce moment elle nous préfère tous les deux… ça peut durer longtemps comme ça ; heureusement nous sommes gens de loisir.

Ah çà ! expliquez-moi comment vous avez pu vous éloigner de Paris, étant le gérant d’une société de paquebots ?…

Les Remorqueurs sur la Seine … capital social, deux millions. C’est bien simple ; je me suis demandé un petit congé, et je n’ai pas hésité à me l’accorder… J’ai de bons employés ; les paquebots vont tout seuls, et, pourvu que je sois à Paris le 8 du mois prochain pour le payement du dividende… Ah çà ! et vous ?… un banquier… Il me semble que vous pérégrinez beaucoup !

Oh ! ma maison de banque ne m’occupe guère… J’ai associé mes capitaux en réservant la liberté de ma personne, je suis banquier…

Amateur !

Je n’ai, comme vous, affaire à Paris que vers le 8 du mois prochain.

Et, d’ici là, nous allons nous faire une guerre à outrance…

À outrance ! comme deux bons amis… J’ai eu un moment la pensée de vous céder la place ; mais j’aime sérieusement Henriette…

C’est singulier… je voulais vous faire le même sacrifice… sans rire… À Châlon, j’avais envie de décamper mais je l’ai regardée.

Elle est si jolie !

Si douce !

Il n’y a presque plus de blondes ; et des yeux !

Comme nous les aimons.

Alors je suis resté !

Ah ! je vous comprends !

À la bonne heure ! C’est un plaisir de vous avoir pour ennemi ! (Lui serrant la main.) Cher Armand !

Bon Daniel ! Ah çà ! M. Perrichon n’arrive pas. Est-ce qu’il aurait changé son itinéraire ? si nous allions les perdre ?

Diable ! c’est qu’il est capricieux, le bonhomme… Avant-hier, il nous a envoyé nous promener à Ferney, où nous comptions le retrouver…

Et, pendant ce temps, il était allé à Lausanne.

Eh bien c’est drôle de voyager comme cela ! (Voyant Armand qui se lève.) Où allez-vous donc ?

Je ne tiens pas en place, j’ai envie d’aller au-devant de ces dames.

Je n’en prendrai pas… Au revoir !

Quel excellent garçon ! c’est tout cœur, tout feu… mais ça ne sait pas vivre, il est parti sans prendre son café ! (Appelant.) Holà !… monsieur l’aubergiste !

Monsieur ?

Le café. (L’Aubergiste sort. Daniel allume un cigare.) Hier, j’ai voulu faire fumer le beau-père… ça ne lui a pas réussi…

Monsieur est servi.

Approchez cette chaise… très bien… (Il a désigné une autre chaise ; il y étend l’autre jambe.) Merci !… Ce pauvre Armand ! il court sur la grande route, lui, en plein soleil… et moi, je m’étends ! Qui arrivera le premier de nous deux ? nous avons la fable du Lièvre et de la Tortue.

Moi ?… je n’écris jamais après mes repas, rarement avant… Voyons les pensées délicates et ingénieuses des visiteurs. (Il feuillette le livre, lisant.) « Je ne me suis jamais mouché si haut !… » Signé : « Un voyageur enrhumé… » (Il continue à feuilleter.) Oh ! la belle écriture ! (Lisant.) « Qu’il est beau d’admirer les splendeurs de la nature, entouré de sa femme et de sa nièce !… » Signé : « Malaquais, rentier… » Je me suis toujours demandé pourquoi les Français, si spirituels chez eux, sont si bêtes en voyage !

Ah ! mon Dieu !

Qu’y a-t-il ?

Vite ! de l’eau ! du sel ! du vinaigre !

Qu’est-il donc arrivé ?

Mon père a manqué de se tuer !

Ma femme !… ma fille !… Ah ! je me sens mieux !…

Tiens !… bois !… ça te remettra…

Merci… quelle culbute !

C’est ta faute aussi… vouloir monter à cheval, un père de famille… et avec des éperons encore !

Les éperons n’y sont pour rien… c’est la bête qui est ombrageuse.

Tu l’auras piquée sans le vouloir, elle s’est cabrée…

Et, sans M. Armand, qui venait d’arriver… mon père disparaissait dans un précipice…

Il y était déjà… je le voyais rouler comme une boule… nous poussions des cris !…

Alors, Monsieur s’est élancé !…

Avec un courage, un sang-froid !… Vous êtes notre sauveur… car, sans vous, mon mari… mon pauvre ami.

Non ! ça me fait du bien ! (À son mari.) Ça t’apprendra à mettre des éperons. (Sanglotant plus fort.) Tu n’aimes pas ta famille.

Permettez-moi d’ajouter mes remerciements à ceux de ma mère, je garderai toute ma vie le souvenir de cette journée… toute ma vie !…

Ah ! mademoiselle !

À mon tour ! (Haut.) Monsieur Armand !… non, laissez-moi vous appeler Armand ?

Comment donc !

Armand… donnez-moi la main… Je ne sais pas faire de phrases moi… mais, tant qu’il battra, vous aurez une place dans le cœur de Perrichon ! (Lui serrant la main.) Je ne vous dis que cela !

Merci, monsieur Armand !

Mademoiselle Henriette !

Vous ferez reconduire le cheval, nous retournerons tous en voiture…

Mais je t’assure, ma chère amie, que je suis assez bon cavalier… (Poussant un cri.) Aïe !

Quoi ?

Rien !… les reins ! Vous ferez reconduire le cheval !

Viens te reposer un moment. Au revoir, monsieur Armand !

Au revoir, monsieur Armand !

À bientôt… Armand ! (Poussant un second cri.) Aïe !… j’ai trop serré !

Qu’est-ce que vous dites de cela, mon cher Daniel ?

C’est bien le hasard…

Le papa vous appelle Armand, la mère pleure et la fille vous décoche des phrases bien senties… empruntées aux plus belles pages de M. Bouilly… Je suis vaincu, c’est clair ! et je n’ai plus qu’à vous céder la place…

Allons donc ! vous plaisantez…

Je plaisante si peu, que, dès ce soir, je pars pour Paris…

Comment ?

Où vous retrouverez un ami… qui vous souhaite bonne chance !

Vous partez ? ah ! merci !

Voilà un cri du cœur !

Ah ! pardon ! je le retire !… après le sacrifice que vous me faites…

Moi ? entendons-nous bien… je ne vous fais pas le plus léger sacrifice. Si je me retire, c’est que je ne crois avoir aucune chance de réussir ; car, maintenant encore, s’il s’en présentait une… même petite, je resterais.

Est-ce singulier ! Depuis qu’Henriette m’échappe, il me semble que je l’aime davantage.

Je comprends cela… aussi, je ne vous demanderai pas le service que je voulais vous demander…

Quoi donc ?

Parlez… je vous en prie.

J’avais songé… puisque vous partez, à vous prier de voir M. Perrichon, de lui toucher quelques mots de ma position, de mes espérances.

Ah ! diable !

Je ne puis le faire moi-même… j’aurais l’air de réclamer le prix du service que je viens de lui rendre.

Enfin, vous me priez de faire la demande pour vous. Savez-vous que c’est original, ce que vous me demandez là ?

Vous refusez ?…

Mon ami !

Avouez que je suis un bien bon petit rival, un rival qui fait la demande ! (Voix de Perrichon dans la coulisse.) J’entends le beau-père ! Allez fumer un cigare et revenez !

Vraiment ! je ne sais comment vous remercier…

Soyez tranquille, je vais faire vibrer chez lui la corde de la reconnaissance.

Mais certainement il m’a sauvé ! certainement il m’a sauvé, et, tant qu’il battra, le cœur de Perrichon… je lui ai dit…

Eh bien, monsieur Perrichon… vous sentez-vous mieux ?

Ah ! je suis tout à fait remis… je viens de boire trois gouttes de rhum dans un verre d’eau, et dans un quart d’heure, je compte gambader sur la mer de Glace. Tiens, votre ami n’est plus là ?

C’est un brave jeune homme !… ces dames l’aiment beaucoup.

Oh ! quand elles le connaîtront davantage !… un cœur d’or ! obligeant, dévoué, et d’une modestie !

Oh ! c’est rare.

Et puis il est banquier… c’est un banquier !…

Associé de la maison Turneps Desroches et C ie  ! Dites donc, c’est assez flatteur d’être repêché par un banquier… car, enfin, il vous a sauvé !… Hein ?… sans lui !…

Certainement… certainement. C’est très gentil, ce qu’il a fait là !

Comment, gentil ?

Est-ce que vous allez vouloir atténuer le mérite de son action ?

Par exemple !

Ma reconnaissance ne finira qu’avec ma vie… Çà !… tant que le cœur de Perrichon battra. Mais, entre nous, le service qu’il m’a rendu n’est pas aussi grand que ma femme et ma fille veulent bien le dire.

Ah bah !

Oui. Elles se montent la tête. Mais, vous savez, les femmes !…

Cependant, quand Armand vous a arrêté, vous rouliez…

Je roulais, c’est vrai… Mais, avec une présence d’esprit étonnante… j’avais aperçu un petit sapin après lequel j’allais me cramponner ; je le tenais déjà quand votre ami est arrivé.

Tiens, tiens ! vous allez voir qu’il s’est sauvé tout seul.

Au reste, je ne lui sais pas moins gré de sa bonne intention… Je compte le revoir… lui réitérer mes remerciements… je l’inviterai même cet hiver.

Une tasse de thé !

Il paraît que ce n’est pas la première fois qu’un pareil accident arrive à cet endroit-là… c’est un mauvais pas… L’Aubergiste vient de me raconter que, l’an dernier, un Russe… un prince… très bon cavalier !… car ma femme a beau dire, ça ne tient pas à mes éperons ! avait roulé dans le même trou.

Son guide l’a retiré… Vous voyez qu’on s’en retire parfaitement… Eh bien, le Russe lui a donné cent francs !

C’est très bien payé !

Je le crois bien !… Pourtant c’est ce que ça vaut !…

Pas un sou de plus. (À part.) Oh ! mais je ne pars pas.

Ah çà ! ce guide n’arrive pas.

Est-ce que ces dames sont prêtes ?

Non… elles ne viennent pas… vous comprenez ? mais je compte sur vous…

Et sur Armand ?

S’il veut être des nôtres, je ne refuserai certainement pas la compagnie de M. Desroches.

M. Desroches ! Encore un peu il va le prendre en grippe.

Monsieur !…

Eh bien, ce guide ?

Ah ! oui ! il paraît qu’on glisse dans les crevasses là-bas… et, comme je ne veux avoir d’obligation à personne…

Monsieur écrit-il sur le livre des voyageurs ?

Certainement… mais je ne voudrais pas écrire quelque chose d’ordinaire… il me faudrait là… une pensée !… une jolie pensée… (Rendant le livre à l’aubergiste.) Je vais y rêver en mettant mes chaussons. (À Daniel.) Je suis à vous dans la minute.

Ce carrossier est un trésor d’ingratitude. Or, les trésors appartiennent à ceux qui les trouvent, article 716 du Code civil…

Eh bien ?

Pauvre garçon !

L’avez-vous vu ?

Je lui ai parlé.

Alors vous avez fait ma demande ?…

Tiens ! pourquoi ?

Nous nous sommes promis d’être francs vis-à-vis l’un de l’autre… Eh bien, mon cher Armand, je ne pars plus, je continue la lutte.

Ah ! c’est différent !… et peut-on vous demander les motifs qui ont changé votre détermination ?

Les motifs… j’en ai un puissant… je crois réussir.

Vous ?

Je compte prendre un autre chemin que le vôtre et arriver plus vite.

C’est très-bien… vous êtes dans votre droit…

Mais la lutte n’en continuera pas moins loyale et amicale ?

Voilà un oui, un peu sec !

Pardon… (Lui tendant la main.) Daniel, je vous le promets…

À la bonne heure !

Je suis prêt… j’ai mis mes chaussons… Ah ! monsieur Armand.

Vous sentez-vous remis de votre chute ?

Tout à fait ! ne parlons plus de ce petit accident… c’est oublié !

Oublié ! Il est plus vrai que la nature…

Nous partons pour la mer de Glace… êtes-vous des nôtres ?

Très-volontiers ! ne vous gênez pas ! (À l’aubergiste, qui entre.) Ah ! monsieur l’aubergiste, donnez-moi le livre des voyageurs.

Il paraît qu’il a trouvé sa pensée… la jolie pensée.

La !… voilà ce que c’est ! (Lisant avec emphase.) « Que l’homme est petit quand on le contemple du haut de la mère de Glace ! »

Sapristi ! c’est fort !

Courtisan !

Ce n’est pas l’idée de tout le monde.

Ni l’orthographe ; il a écrit mère, re, re  !

Prenez garde ! c’est frais !

Le guide attend ces messieurs avec les bâtons ferrés.

Allons ! en route !

En route !

Quel singulier revirement chez Daniel ! Ces dames sont là… elles ne peuvent tarder à sortir, je veux les voir… leur parler… (S’asseyant vers la cheminée et prenant un journal.) Je vais les attendre.

Par ici, monsieur…

Je ne reste qu’une minute… je repars à l’instant pour la mer de Glace… (S’asseyant devant la table sur laquelle est resté le registre ouvert.) Faites-moi servir un grog au kirsch, je vous prie.

Tout de suite, monsieur.

Ah ! ah ! le livre des voyageurs ! Voyons !… (Lisant.) « Que l’homme est petit quand on le contemple du haut de la mère de Glace !… » Signé Perrichon… Mère ! Voilà un monsieur qui mérite une leçon d’orthographe.

Voici, monsieur.

Vous n’auriez pas, parmi les personnes qui sont venues chez vous ce matin, un voyageur du nom d’Armand Desroches ?

Hein ?… c’est moi, monsieur.

Vous, monsieur ?… pardon. (À l’aubergiste.) Laissez-nous. (L’Aubergiste sort.) C’est bien à M. Armand Desroches de la maison Turneps, Desroches et C ie que j’ai l’honneur de parler ?

Oui, monsieur…

Je suis le commandant Mathieu.

Ah ! enchanté !… mais je ne crois pas avoir l’avantage de vous connaître, commandant.

Vraiment ? Alors je vous apprendrai que vous me poursuivez à outrance pour une lettre de change que j’ai eu l’imprudence de mettre dans la circulation…

Une lettre de change ?

C’est possible, commandant, mais ce n’est pas moi, c’est la maison qui agit.

Aussi n’ai-je aucun ressentiment contre vous… ni contre votre maison… Seulement, je tenais à vous dire que je n’avais pas quitté Paris pour échapper aux poursuites.

je n’en doute pas.

Au contraire !… Dès que je serai de retour à Paris, dans une quinzaine, avant peut-être… je vous le ferai savoir et je vous serai infiniment obligé de me faire mettre à Clichy… le plus tôt possible…

Vous plaisantez, commandant…

Pas le moins du monde !… Je vous demande cela comme un service…

J’avoue que je ne comprends pas…

Mon Dieu, je suis moi-même un peu embarrassé pour vous expliquer… Pardon, êtes-vous garçon ?

Oui, commandant.

C’est bien ridicule à mon âge, n’est-ce pas !

Je ne dis pas ça.

Oh ! ne vous gênez pas ! Je me suis affolé d’une petite… égarée que j’ai rencontrée un soir au bal Mabille… Elle se nomme Anita…

Anita ! J’en ai connu une.

Ce doit être celle-là !… Je comptais m’en amuser trois jours, et voilà trois ans qu’elle me tient ! Elle me trompe, elle me ruine, elle me rit au nez !… Je passe ma vie à lui acheter des mobiliers… qu’elle revend le lendemain !… Je veux la quitter, je pars, je fais deux cents lieues ; j’arrive à la mer de Glace… et je ne suis pas sûr de ne pas retourner ce soir à Paris… C’est plus fort que moi !… L’amour à cinquante ans… voyez-vous… c’est comme un rhumatisme, rien ne le guérit.

Commandant, je n’avais pas besoin de cette confidence pour arrêter les poursuites… Je vais écrire immédiatement à Paris…

Mais cependant.

Permettez ! j’ai la loi pour moi.

Allons, commandant, puisque vous le voulez…

Je vous en prie… instamment… Dès que je serai de retour… je vous ferai passer ma carte et vous pourrez faire instrumenter… Je ne sors jamais avant dix heures. (Saluant.) Monsieur, je suis bien heureux d’avoir eu l’honneur de faire votre connaissance.

Mais c’est moi, commandant…

À la bonne heure ! il n’est pas banal, celui-là ! (Apercevant madame Perrichon qui entre de la gauche.) Ah ! madame Perrichon !

Comment ! vous êtes seul, monsieur ? Je croyais que vous deviez accompagner ces messieurs.

Ah ! monsieur… (À part.) C’est tout à fait un homme du monde !… (Haut.) Vous aimez beaucoup la Suisse ?

Il faut bien aller quelque part.

Oh ! moi, je ne voudrais pas habiter ce pays-là… il y a trop de précipices et de montagnes… Ma famille est de la Beauce…

Ah ! je comprends.

Près d’Étampes…

Nous devons avoir un correspondant à Étampes ; ce serait un lien. (Haut.) Vous ne connaissez pas M. Pingley, à Étampes ?

Pingley ?… c’est mon cousin ! Vous le connaissez ?

Beaucoup. (À part.) Je ne l’ai jamais vu !

Quel homme charmant !

Ah ! oui !

C’est un bien grand malheur qu’il ait son infirmité !

Sourd à quarante-sept ans !

Tiens ! il est sourd, notre correspondant ? C’est donc pour ça qu’il ne répond jamais à nos lettres.

Est-ce singulier ? c’est un ami de Pingley qui sauve mon mari !… Il y a de bien grands hasards dans le monde.

Souvent aussi on attribue au hasard des péripéties dont il est parfaitement innocent.

Ah ! oui… souvent aussi on attribue… (À part.) Qu’est-ce qu’il veut dire ?

Ainsi, madame, notre rencontre en chemin de fer, puis à Lyon, puis à Genève, à Chamouny, ici même, vous mettez tout cela sur le compte du hasard ?

En voyage, on se retrouve…

Certainement… surtout quand on se cherche.

Oui, madame, il ne m’est pas permis de jouer plus longtemps la comédie du hasard ; je vous dois la vérité, pour vous, pour mademoiselle votre fille.

Me pardonnerez-vous ? Le jour où je la vis, j’ai été touché, charmé… J’ai appris que vous partiez pour la Suisse… et je suis parti.

Mais alors, vous nous suivez ?…

Pas à pas… Que voulez-vous !… j’aime…

Monsieur !

Oh ! rassurez-vous ! j’aime avec tout le respect, toute la discrétion qu’on doit à une jeune fille dont on serait heureux de faire sa femme.

Une demande en mariage ! et Perrichon qui n’est pas là ! (Haut.) Certainement, monsieur… je suis charmée… non, flattée !… parce que vos manières… votre éducation… Pingley… le service que vous nous avez rendu… mais M. Perrichon est sorti… pour la mer de Glace… et aussitôt qu’il rentrera…

Maman !… (S’arrêtant.) Ah ! tu causais avec M. Armand ?

Nous causions, c’est-à-dire oui ! nous parlions de Pingley ! monsieur connaît Pingley. — N’est-ce pas ?

Certainement, je connais Pingley !

Ah ! comme tu es coiffée !… et ta robe ! ton col ! (Bas.) Tiens-toi donc droite !

Qu’est-ce qu’il y a ?

Un événement affreux ! (S’interrompant.) Faites-le boire ! frottez-lui les tempes !

Merci… Je me sens mieux.

Sans le courage de M. Perrichon…

Non, pas vous ! ne parlez pas !… (Racontant.) C’est horrible !… Nous étions sur la mer de Glace… Le mont Blanc nous regardait, tranquille et majestueux…

Le récit de Théramène !

Mais dépêche-toi donc !

Mon père !

Un instant, que diable ! Depuis cinq minutes, nous suivions, tout pensifs, un sentier abrupt qui serpentait entre deux crevasses… de glace ! Je marchais le premier.

Quelle imprudence !

Tout à coup, j’entends derrière moi comme un éboulement ; je me retourne : Monsieur venait de disparaître dans un de ces abîmes sans fond dont la vue seule fait frissonner…

Alors, n’écoutant que mon courage, moi, père de famille, je m’élance…

Sur le bord du précipice, je lui tends mon bâton ferré… Il s’y cramponne. Je tire… il tire… nous tirons, et, après une lutte insensée, je l’arrache au néant et je le ramène à la face du soleil, notre père à tous !…

Oh ! papa !

Oui, mes enfants, c’est une belle page…

Comment vous trouvez-vous ?

Très bien ! ne vous inquiétez pas ! (Il se lève.) Monsieur Perrichon, vous venez de rendre un fils à sa mère…

C’est vrai !

Un frère à sa sœur !

Et un homme à la société.

Les paroles sont impuissantes pour reconnaître un tel service.

Monsieur Daniel ! Non, laissez-moi vous appeler Daniel…

Comment donc ! (À part.) . Chacun son tour !

Daniel, mon ami, mon enfant !… votre main. (Il lui prend la main.) Je vous dois les plus douces émotions de ma vie… Sans moi, vous ne seriez qu’une masse informe et repoussante, ensevelie sous les frimas… Vous me devez tout, tout ! (Avec noblesse.) Je ne l’oublierai jamais !

Ni moi !

Ah ! jeune homme !… vous ne savez pas le plaisir qu’on éprouve à sauver son semblable.

Mais, papa, Monsieur le sait bien, puisque tantôt…

Ah ! oui, c’est juste !… Monsieur l’aubergiste, apportez-moi le livre des voyageurs.

Pour quoi faire ?

Avant de quitter ces lieux, je désire consacrer par une note le souvenir de cet événement !

Voilà, Monsieur.

« Je ferai observer à M. Perrichon que la mer de Glace n’ayant pas d’enfant, l’ e qu’il lui attribue devient un dévergondage grammatical. » Signé  : « Le Commandant. »

Hein ?

Oui, papa ! mer ne prend pas d’ e à la fin.

Je le savais ! Je vais lui répondre à ce monsieur. (Il prend une plume et écrit.) « Le Commandant est un paltoquet ! » Signé  : « Perrichon. »

La voiture est là.

Allons ! dépêchons-nous. (Aux jeunes gens.) Messieurs, si vous voulez accepter une place ?

Perrichon, aide-moi à mettre mon manteau. (Bas.) On vient de me demander notre fille en mariage…

Tiens ! à moi aussi !

C’est M. Armand.

Mais il me semble que l’autre…

Nous parlerons de cela plus tard…

Ah ! il pleut à verse !

Ah diable ! (À l’aubergiste.) Combien tient-on dans votre voiture ?

Quatre dans l’intérieur et un à côté du cocher…

C’est juste le compte.

Ne vous gênez pas pour moi.

Daniel montera avec nous.

Et M. Armand ?

Dame, il n’y a que quatre places ! il montera sur le siège.

Par une pluie pareille !

Un homme qui t’a sauvé !

Allons ! en route ! en route !

Je savais bien que je reprendrais la corde !

Un salon chez Perrichon, à Paris — Cheminée au fond ; porte d’entrée dans l’angle à gauche ; appartement dans l’angle à droite ; salle à manger à gauche ; au milieu, guéridon avec tapis ; canapé à droite du guéridon.

Midi moins un quart… C’est aujourd’hui que M. Perrichon revient de voyage avec Madame et Mademoiselle… J’ai reçu hier une lettre de monsieur… la voilà. (Lisant.) « Grenoble, 5 juillet. Nous arriverons mercredi, 7 juillet, à midi. Jean nettoiera l’appartement et fera poser les rideaux. » (Parlé.) C’est fait. (Lisant.) « Il dira à Marguerite, la cuisinière, de nous préparer le dîner. Elle mettra le pot-au-feu… un morceau pas trop gras… de plus, comme il y a longtemps que nous n’avons mangé de poisson de mer, elle nous achètera une petite barbue bien fraîche… Si la barbue était trop chère, elle la remplacerait par un morceau de veau à la casserole. » (Parlé.) Monsieur peut arriver… tout est prêt… Voilà ses journaux, ses lettres, ses cartes de visite… Ah ! par exemple, il est venu ce matin de bonne heure un monsieur que je ne connais pas… il m’a dit qu’il s’appelait le commandant… Il doit repasser. (Coup de sonnette à la porte extérieure.) On sonne !… c’est monsieur… je reconnais sa main !…

Jean !… c’est nous !

Ah ! monsieur !… madame !… mademoiselle !…

Ah ! qu’il est doux de rentrer chez soi, de voir ses meubles, de s’y asseoir.

Nous devrions être de retour depuis huit jours…

Nous ne pouvions passer à Grenoble sans aller voir les Darinel… ils nous ont retenus… (À Jean.) Est-il venu quelque chose pour moi en mon absence ?

Oui, monsieur… tout est là sur la table.

Daniel Savary… brave jeune homme !… Armand Desroches… Daniel Savary… charmant jeune homme !… Armand Desroches…

Ces messieurs sont venus tous les jours s’informer de votre retour.

Tu leur dois une visite.

Certainement j’irai le voir… ce brave Daniel !

J’irai le voir aussi… après.

Aidez-moi à porter ces cartons dans la chambre.

Oui, mademoiselle. (Regardant Perrichon.) Je trouve monsieur engraissé. On voit qu’il a fait un bon voyage.

Splendide, mon ami, splendide ! Ah ! tu ne sais pas, j’ai sauvé un homme.

Monsieur ?… Allons donc !…

Comment, allons donc ?… Est-il bête, cet animal-là !

Maintenant que nous voilà de retour, j’espère que tu vas prendre un parti… Nous ne pouvons tarder plus longtemps à rendre réponse à ces deux jeunes gens… Deux prétendus dans la maison… c’est trop !…

Moi, je n’ai pas changé d’avis… j’aime mieux Daniel !

Pourquoi ?

Je ne sais pas… je le trouve plus… enfin, il me plaît, ce jeune homme !

Mais l’autre… l’autre t’a sauvé !

Il m’a sauvé ! Toujours le même refrain !

Qu’as-tu à lui reprocher ? Sa famille est honorable, sa position excellente…

Il ne manquerait plus que ça !

Mais je lui trouve un petit air pincé.

Oui, il a un ton protecteur… des manières… il semble toujours se prévaloir du petit service qu’il m’a rendu…

Il ne t’en parle jamais !

Je le sais bien ! mais c’est son air ! son air me dit : « Hein ! sans moi ?… » C’est agaçant à la longue tandis que l’autre…

L’autre te répète sans cesse : « Hein ! sans vous… hein ! sans vous ? » Cela flatte ta vanité… et voilà… et voilà pourquoi tu le préfères.

Moi, de la vanité ? J’aurais peut-être le droit d’en avoir !

Oui, madame !… l’homme qui a risqué sa vie pour sauver son semblable peut être fier de lui-même… mais j’aime mieux me renfermer dans un silence modeste… signe caractéristique du vrai courage !

Henriette n’aime pas… ne peut pas aimer M. Armand.

Qu’en sais-tu ?

Dame, je suppose…

Il y a un moyen de le savoir : c’est de l’interroger… et nous choisirons celui qu’elle préférera.

Soit !… mais ne l’influence pas !

Henriette… ma chère enfant… ton père et moi, nous avons à te parler sérieusement.

À moi ?

Te voilà bientôt en âge d’être mariée… deux jeunes gens se présentent pour obtenir ta main… tous deux nous conviennent… mais nous ne voulons pas contrarier ta volonté, et nous avons résolu de te laisser l’entière liberté du choix.

Pleine et entière…

L’un de ces jeunes gens est M. Armand Desroches.

N’influence pas !…

L’autre est M. Daniel Savary…

Un jeune homme charmant, distingué, spirituel, et qui, je ne le cache pas, a toutes mes sympathies…

Mais tu influences…

Du tout ! je constate un fait !… (À sa fille.) Maintenant te voilà éclairée… choisis…

Mon Dieu !… vous m’embarrassez beaucoup… et je suis prête à accepter celui que vous me désignerez…

Non ! non ! décide toi-même !

Eh bien, puisqu’il faut absolument faire un choix, je choisis… M. Armand.

Armand ! Pourquoi pas Daniel ?

Mais M. Armand t’a sauvé, papa.

Allons, bien ! encore ! c’est fatigant, ma parole d’honneur !

Eh bien, tu vois… il n’y a pas à hésiter…

Ah ! mais permets, chère amie, un père ne peut pas abdiquer… Je réfléchirai, je prendrai mes renseignements.

Monsieur Perrichon, c’est de la mauvaise foi !

Caroline !…

Entrez !… ils viennent d’arriver !

Tiens ! c’est Majorin !…

Madame… mademoiselle… j’ai appris que vous reveniez aujourd’hui… alors j’ai demandé un jour de congé… J’ai dit que j’étais de garde…

Ce cher ami ! c’est très aimable… Tu dînes avec nous ? nous avons une petite barbue…

Mais… si ce n’est pas indiscret…

Monsieur… c’est du veau à la casserole !

Ah ! (À Majorin.) Allons, n’en parlons plus, ce sera pour une autre fois…

Comment ! il me désinvite ? S’il croit que j’y tiens, à son dîner ! (Prenant Perrichon à part. Les dames s’asseyent sur le canapé.) J’étais venu pour te parler des six cents francs que tu m’as prêtés le jour de ton départ…

Tu me les rapportes ?

Non… Je ne touche que demain mon dividende des paquebots… mais à midi précis…

Pardon… j’ai hâte de m’acquitter…

Ah ! tu ne sais pas ?… je t’ai rapporté un souvenir.

Un souvenir ! à moi ?

En passant à Genève, j’ai acheté trois montres… une pour Jean, une pour Marguerite, la cuisinière… et une pour toi, à répétition.

Il me met après ses domestiques ! (Haut.) Enfin ?

Avant d’arriver à la douane française, je les avais fourrées dans ma cravate…

Tiens ! je n’avais pas envie de payer les droits. On me demande : « Avez-vous quelque chose à déclarer ? » Je réponds non ; je fais un mouvement et voilà ta diablesse de montre qui sonne : dig dig dig !

Eh bien, j’ai été pincé… on a tout saisi…

J’ai eu une scène atroce ! J’ai appelé le douanier «  méchant gabelou ». Il m’a dit que j’entendrais parler de lui… Je regrette beaucoup cet incident… Elle était charmante, ta montre.

Je ne t’en remercie pas moins… (À part.) Comme s’il ne pouvait pas acquitter les droits… c’est sordide !

M. Armand Desroches !

Soyez le bienvenu… nous attendions votre visite…

Madame… monsieur Perrichon…

Enchanté !… enchanté ! (À part.) Il a toujours son petit air protecteur !…

Présente-le donc à Majorin.

Certainement… (Haut.) Majorin… je te présente M. Armand Desroches… une connaissance de voyage…

Allons, bien !… encore !

Comment ! tu as couru quelque danger ?

Non… une misère…

Cela ne vaut pas la peine d’en parler…

Toujours son petit air !

M. Daniel Savary !…

Ah ! le voilà, ce cher ami !… ce bon Daniel !…

Mesdames… Bonjour, Armand !

Venez, que je vous présente à Majorin… (Haut.) Majorin, je te présente un de mes bons… un de mes meilleurs amis… M. Daniel Savary…

Ah ! sans moi, il ne te payerait pas demain ton dividende.

Pourquoi ? (Avec fatuité.) Tout simplement parce que, je l’ai sauvé, mon bon !

Toi ? (À part.) Ah çà ! ils ont donc passé tout leur temps à se sauver la vie !

Nous étions sur la mer de Glace… Le mont Blanc nous regardait, tranquille et majestueux…

Second récit de Théramène !

Nous suivions, tout pensifs, un sentier abrupt.

Tiens, papa qui est dans le journal !

Comment ! je suis dans le journal ?

Lis toi-même… là…

Tiens !

« Un événement qui aurait pu avoir des suites déplorables vient d’arriver à la mer de Glace… M. Daniel S… a fait un faux pas et a disparu dans une de ces crevasses si redoutées des voyageurs. Un des témoins de cette scène, M. Perrichon (qu’il nous permette de le nommer)… » (Parlé.) Comment donc ! si je le permets ! (Lisant.) « M. Perrichon, notable commerçant de Paris et père de famille, n’écoutant que son courage, et au mépris de sa propre vie, s’est élancé dans le gouffre… » (Parlé.) C’est vrai ! « Et, après des efforts inouïs, a été assez heureux pour en retirer son compagnon. Un si admirable dévouement n’a été surpassé que par la modestie de M. Perrichon, qui s’est dérobé aux félicitations de la foule émue et attendrie… Les gens de cœur de tous les pays nous sauront gré de leur signaler un pareil trait. »

Trois francs la ligne !

« Les gens de cœur de tous les pays nous sauront gré de leur signaler un pareil trait. » (À Daniel, très-ému.) Mon ami… mon enfant ! embrassez-moi !

Décidément, j’ai la corde…

Certes, je ne suis pas un révolutionnaire, mais, je le proclame hautement, la presse a du bon ! (Mettant le journal dans sa poche et à part.) J’en ferai acheter dix numéros !

Dis donc, mon ami, si nous envoyions au journal le récit de la belle action de M. Armand ?

Oh ! oui ! cela ferait un joli pendant !

C’est inutile ! je ne peux pas toujours occuper les journaux de ma personnalité…

Le concierge vient de me remettre un papier timbré pour vous.

Un papier timbré ?

N’aie donc pas peur ! je ne dois rien à personne… Au contraire, on me doit…

C’est pour moi qu’il dit ça !

Une assignation à comparaître devant la sixième chambre pour injures envers un agent de la force publique dans l’exercice de ses fonctions.

Vu le procès-verbal dressé au bureau de la douane française par le sieur Machut, sergent douanier…

Qu’est-ce que cela signifie ?

Un douanier qui m’a saisi trois montres… j’ai été trop vif… je l’ai appelé « gabelou ! rebut de l’humanité !… »

C’est très-grave ! très-grave !

Injures qualifiées envers un agent de la force publique dans l’exercice de ses fonctions.

De quinze jours à trois mois de prison…

En prison !…

Moi ! après cinquante ans d’une vie pure et sans tache… j’irais m’asseoir sur le banc de l’infamie ? Jamais ! jamais !

C’est bien fait ! ça lui apprendra à ne pas acquitter les droits !

Voyons, calme-toi !

Papa !

Du courage !

Attendez ! je puis peut-être vous tirer de là.

Vous ! mon ami… mon bon ami !

Je suis lié assez intimement avec un employé supérieur de l’administration des douanes… Je vais le voir… peut-être pourra-t-on décider le douanier à retirer sa plainte.

Ça me paraît difficile !

Pourquoi ? un moment de vivacité…

Que je regrette !

Donnez-moi ce papier… j’ai bon espoir… ne vous tourmentez pas, mon brave monsieur Perrichon !

Ah ! Daniel ! (se reprenant) non, Armand ! tenez, il faut que je vous embrasse !

À mon tour, j’ai la corde !

Parbleu ! (À part.) Je crois avoir affaire à un rival et je tombe sur un terre-neuve.

Je sors avec vous.

Tu nous quittes ?

Oui… (Fièrement.) Je dîne en ville !

Eh bien, que penses-tu maintenant de M. Armand ?

Lui ? c’est-à-dire que c’est un ange ! un ange !

Et tu hésites à lui donner ta fille ?

Non, je n’hésite plus.

Enfin, je te retrouve ! Il ne te reste plus qu’à prévenir M. Daniel.

Dame, à moins que tu ne veuilles attendre l’envoi des billets de faire-part ?

Oh non !

Je te laisse avec lui… Courage ! (Haut.) Viens-tu, Henriette ? (Saluant Daniel.) Monsieur…

Il est évident que mes actions baissent… Si je pouvais…

Ce brave jeune homme… ça me fait de la peine… Allons, il le faut ! (Haut.) Mon cher Daniel… mon bon Daniel… j’ai une communication pénible à vous faire.

Nous y voilà !

Je comprends.

Car on a beau dire, il m’a sauvé la vie, cet homme !

Eh bien, et le petit sapin auquel vous vous êtes cramponné ?

Certainement… le petit sapin… mais il était bien petit… il pouvait casser… et puis je ne le tenais pas encore.

Non… mais ce n’est pas tout… dans ce moment, cet excellent jeune homme brûle le pavé pour me tirer des cachots… Je lui devrai l’honneur… l’honneur !

Monsieur Perrichon, le sentiment qui vous fait agir est trop noble pour que je cherche à le combattre…

Vrai ! vous ne m’en voulez pas ?

Je ne me souviens que de votre courage… de votre dévouement pour moi…

Ah ! Daniel ! (À part.) C’est étonnant comme j’aime ce garçon-là !

Avant de vous quitter…

Comment ! me quitter ? vous ? Et pourquoi ?

Je ne puis continuer des visites qui seraient compromettantes pour mademoiselle votre fille… et douloureuses pour moi.

Allons, bien ! Le seul homme que j’aie sauvé !

Oh ! mais votre image ne me quittera pas !… J’ai formé un projet… c’est de fixer sur la toile, comme elle l’est déjà dans mon cœur, l’héroïque scène de la mer de Glace.

Un tableau ! Il veut me mettre dans un tableau !

Je me suis adressé à un de nos peintres les plus illustres… un de ceux qui travaillent pour la postérité !…

La postérité ! Ah ! Daniel ! (À part.) C’est extraordinaire comme j’aime ce garçon-là !

Je tiens surtout à la ressemblance…

Mais il sera nécessaire que vous nous donniez cinq ou six séances…

Comment donc, mon ami ! quinze ! vingt ! trente ! ça ne m’ennuiera pas… nous poserons ensemble !

Ah ! non… pas moi !

Parce que… voici comment nous avons conçu le tableau… on ne verra sur la toile que le mont Blanc…

Eh bien, et moi ?

Le mont Blanc et vous !

C’est ça… moi et le mont Blanc… tranquille et majestueux !… Ah çà ! et vous, où serez-vous ?

Dans le trou… tout au fond… on n’apercevra que mes deux mains crispées et suppliantes…

Quel magnifique tableau !

Nous le mettrons au Musée…

Non, de Paris…

Ah ! oui… à l’Exposition !…

Et nous inscrirons sur le livret cette notice…

Non ! pas de banque ! pas de réclame ! Nous mettrons tout simplement l’article de mon journal… « On nous écrit de Chamouny… »

C’est un peu sec.

Oui… mais nous l’arrangerons ! (Avec effusion.) Ah ! Daniel, mon ami !… mon enfant !

Adieu, monsieur Perrichon !… nous ne devons plus nous revoir…

Non ! c’est impossible ! c’est impossible ! Ce mariage… rien n’est encore décidé…

Restez ! je le veux !

Allons donc !

M. le commandant Mathieu !

Qu’est-ce que c’est que ça ?

Pardon, messieurs, je vous dérange peut-être.

Est-ce à M. Perrichon que j’ai l’honneur de parler ?

C’est moi, monsieur.

Ah !… (À Perrichon.) Monsieur, voilà douze jours que je vous cherche. Il y a beaucoup de Perrichon à Paris… j’en ai déjà visité une douzaine… mais je suis tenace…

Vous avez quelque chose à me communiquer ?

Oui, monsieur, c’est moi-même ! je crois avoir le droit de m’en vanter !

Alors, c’est vous qui avez écrit sur le registre des voyageurs : « Le Commandant est un paltoquet. »

Comment ! vous êtes… ?

Oui, monsieur… c’est moi !

Enchanté !

Diable ! l’horizon s’obscurcit !…

Monsieur, je ne suis ni querelleur ni ferrailleur, mais je n’aime pas à laisser traîner sur les livres d’auberge de pareilles appréciations à côté de mon nom…

Mais vous avez écrit le premier une note… plus que vive !

Moi ? je me suis borné à constater que mer de Glace ne prenait pas d’ e à la fin : voyez le dictionnaire…

Eh ! monsieur, vous n’êtes pas chargé de corriger mes… prétendues fautes d’orthographe ! De quoi vous mêlez-vous ?

Pardon !… pour moi, la langue française est une compatriote aimée… une dame de bonne maison, élégante, mais un peu cruelle… vous le savez mieux que personne.

Moi ?…

Et, quand j’ai l’honneur de la rencontrer à l’étranger… je ne permets pas qu’on éclabousse sa robe. C’est une question de chevalerie et de nationalité.

Ah çà ! monsieur, auriez-vous la prétention de me donner une leçon ?

Loin de moi cette pensée…

Ah ! ce n’est pas malheureux ! (À part.) Il recule.

Mais, sans vouloir vous donner une leçon, je viens vous demander poliment… une explication.

Mathieu !… c’est un faux commandant.

De deux choses l’une : ou vous persistez…

Je n’ai pas besoin de tous ces raisonnements. Vous croyez peut-être m’intimider ? Monsieur… j’ai fait mes preuves de courage, entendez-vous ! et je vous les ferai voir…

À l’Exposition… l’année prochaine…

Oh ! permettez !… Il me sera impossible d’attendre jusque-là… Pour abréger, je vais au fait : retirez-vous, oui ou non… ?

Rien du tout !

Prenez garde !

Monsieur Perrichon !

Rien du tout ! (À part.) Il n’a pas seulement de moustaches !

Alors, monsieur Perrichon, j’aurai l’honneur de vous attendre demain, à midi, avec mes témoins, dans les bois de la Malmaison…

Commandant, un mot !

Nous vous attendrons chez le garde !

Mais, commandant…

Mille pardons… j’ai rendez-vous avec un tapissier pour choisir des étoffes, des meubles… À demain… midi… (Saluant.) Messieurs… j’ai bien l’honneur…

Diable ! vous êtes raide en affaires ! avec un commandant surtout !

Lui ! un commandant ? Allons donc ! Est-ce que les vrais commandants s’amusent à éplucher les fautes d’orthographe ?

N’importe ! Il faut questionner, s’informer… (il sonne à la cheminée.) , savoir à qui nous avons affaire.

Pourquoi as-tu laissé entrer cet homme qui sort d’ici ?

Monsieur, il est déjà venu ce matin… J’ai même oublié de vous remettre sa carte…

Ah ! sa carte !

Donne ! (La lisant.) Mathieu, ex-commandant au 2 e zouaves.

Saprelotte !

Rien ! Laissez-nous !

Eh bien, vous voilà dans une jolie situation !

Que voulez-vous ! j’ai été trop vif… Un homme si poli !… Je l’ai pris pour un notaire gradé !

Que faire ?

Il faudrait trouver un moyen… (Poussant un cri.) Ah !…

Rien ! rien ! Il n’y a pas de moyen ! je l’ai insulté, je me battrai !… Adieu !…

Où allez-vous ?

Mettre mes affaires en ordre… vous comprenez…

Mais cependant…

Daniel… quand sonnera l’heure du danger, vous ne me verrez pas faiblir !

Allons donc !… c’est impossible !… je ne peux pas laisser M. Perrichon se battre avec un zouave !… c’est qu’il a du cœur, le beau-père !… je le connais, il ne fera pas de concessions… De son côté, le commandant… et tout cela pour une faute d’orthographe ! (Cherchant.) Voyons donc !… si je prévenais l’autorité ! oh ! non !… au fait, pourquoi pas ? personne ne le saura. D’ailleurs, je n’ai pas le choix des moyens… (Il prend un buvard et un encrier sur une table, près de la porte d’entrée, et se place au guéridon.) Une lettre au préfet de police !… (Écrivant.) « Monsieur le préfet… j’ai l’honneur de… » (Parlant tout en écrivant.) Une ronde passera par là à point nommé… le hasard aura tout fait… et l’honneur sera sauf. (Il plie et cachète sa lettre et remet en place ce qu’il a pris.) Maintenant, il s’agit de la faire porter tout de suite… Jean doit être là ! (Il sort en appelant.) Jean ! Jean !

« Monsieur le préfet, je crois devoir prévenir l’autorité que deux insensés ont l’intention de croiser le fer demain, à midi moins un quart… » (Parlé.) Je mets moins un quart afin qu’on soit exact. Il suffit quelquefois d’un quart d’heure !… (Reprenant sa lecture.) « À midi moins un quart… dans les bois de la Malmaison. Le rendez-vous est à la porte du garde… Il appartient à votre haute administration de veiller sur la vie des citoyens. Un des combattants est un ancien commerçant, père de famille, dévoué à nos institutions et jouissant d’une bonne notoriété dans son quartier. Veuillez agréer, monsieur le préfet, etc. etc. » S’il croit me faire peur, ce commandant !… Maintenant l’adresse… (Il écrit.) « Très-pressé, communication importante… » Comme ça, ça arrivera… Où est Jean ?

Impossible de trouver ce domestique. (Apercevant Perrichon.) Oh !

Eh bien, monsieur Perrichon ?

Vous voyez… je suis calme… comme le bronze ! (Apercevant sa femme et sa fille.) Ma femme, silence !

Mon ami, le maître de piano d’Henriette vient de nous envoyer des billets de concert pour demain… midi…

Midi !

C’est à son bénéfice, tu nous accompagneras ?

Impossible ! demain, ma journée est prise !

Mais tu n’as rien à faire…

Si, j’ai une affaire… très-importante… Demande à Daniel…

Très-importante !

Quel air sérieux ! (À son mari.) Tu as la figure longue d’une aune ; on dirait que tu as peur.

Moi ? peur ! On me verra sur le terrain !

Le terrain !

Sapristi ! ça m’a échappé !

Un duel ! papa !

Mais avec qui ?

Avec un commandant au 2 e zouaves.

Ah ! grand Dieu !

Demain, à midi, dans le bois de la Malmaison, à la porte du garde.

Mais tu es fou… toi ! un bourgeois !

Madame Perrichon, je blâme le duel… mais il y a des circonstances où l’homme se doit à son honneur ! (À part, montrant sa lettre.) Où est donc Jean ?

Non, c’est impossible ! je ne souffrirai pas… (Elle va à la table au fond et écrit à part.) « Monsieur le préfet de police… »

Le dîner est servi.

Cette lettre à son adresse… c’est très-pressé !

Allons, à table !

Je vais faire prévenir M. Armand.

Chut !

Quel est ce mystère ? (Lisant l’adresse des trois lettres.) « Monsieur le préfet… Monsieur le préfet… Monsieur le préfet… » (Étonné, et avec joie.) Tiens ! il n’y a qu’une course !

Dix heures ! le rendez-vous n’est que pour midi. (Il s’approche du pavillon et fait signe.) Psit ! psit !

Ah ! c’est vous… ne faites pas de bruit… dans une minute je suis à vous.

Ce pauvre M. Perrichon ! il a dû passer une bien mauvaise nuit… heureusement ce duel n’aura pas lieu.

Me voici… je vous attendais…

Calme comme le bronze !

J’ai des épées dans la voiture.

Moi, j’en ai là.

Deux paires !

Une peut casser… je ne veux pas me trouver dans l’embarras.

Décidément, c’est un lion !… (Haut.) Le fiacre est à la porte… si vous voulez…

Un instant ! Quelle heure est-il ?

Dix-heures !

Je ne veux pas arriver avant midi… ni après. (À part.) Ça ferait tout manquer.

Vous avez raison… pourvu qu’on soit à l’heure. (À part.) Ça ferait tout manquer.

Arriver avant… c’est de la fanfaronnade… après, c’est de l’hésitation ; d’ailleurs, j’attends Majorin… je lui ai écrit hier soir un mot pressant.

Ah ! le voici.

J’ai reçu ton billet, j’ai demandé un congé… De quoi s’agit-il ?

Majorin… je me bats dans deux heures !…

Toi ? allons donc ! et avec quoi ?

Des épées !

Et j’ai compté sur toi pour être mon second.

Sur moi ? Permets, mon ami, c’est impossible !

Il faut que j’aille à mon bureau… je me ferais destituer.

Pas pour être témoin !… On leur fait des procès, aux témoins !

Il me semble, monsieur Majorin, que je vous ai rendu assez de services pour que vous ne refusiez pas de m’assister dans une circonstance capitale de ma vie.

Il me reproche ses six cents francs !

Mais, si vous craignez de vous compromettre… si vous avez peur.

Je n’ai pas peur… (Avec amertume.) D’ailleurs, je ne suis pas libre… tu as su m’enchaîner par les liens de la reconnaissance. (Grinçant.) Ah ! la reconnaissance !

Encore un !

Je ne te demande qu’une chose… c’est d’être de retour à deux heures… pour toucher mon dividende… Je te rembourserai immédiatement et alors… nous serons quittes !

Je crois qu’il est temps de partir. (À Perrichon.) Si vous désirez faire vos adieux à madame Perrichon et à votre fille…

Non ! je veux éviter cette scène… ce serait des pleurs, des cris… elles s’attacheraient à mes habits pour me retenir… Partons ! (On entend chanter dans la coulisse.) Ma fille !

Tra la la ! tra la la ! (Parlé.) Ah ! c’est toi, mon petit papa…

Oui… tu vois… nous partons… avec ces deux messieurs… il le faut !… (Il l’embrasse avec émotion.) Adieu !

Adieu, papa. (À part.) Il n’y a rien à craindre, maman a prévenu le préfet de police… et moi, j’ai prévenu M. Armand.

Allons, ne pleure pas !… Si tu ne me revois pas, songe… (S’arrêtant.) Tiens ! elle arrose !

Ça me révolte ! mais c’est bien fait !

Mon ami… peut-on couper quelques dahlias ?

Ma femme !

Cueille !… dans un pareil moment, je n’ai rien à te refuser… Je vais partir, Caroline.

Ah ! tu vas là-bas ?

Oui… je vais… là-bas, avec ces deux messieurs.

Allons ! tâche d’être revenu pour dîner.

Cette tranquillité… est-ce que ma femme ne m’aimerait pas ?

Tous les Perrichon manquent de cœur ! c’est bien fait !

Il est l’heure… si vous voulez être au rendez-vous à midi !…

Précis !

Précis ! vous n’avez pas de temps à perdre.

Dépêche-toi, papa.

Allons, Caroline, ma fille, adieu ! adieu !

Restez, monsieur Perrichon, le duel n’aura pas lieu.

M. Armand ! j’étais bien sûre de lui !

Mais expliquez-nous…

C’est bien simple… je viens de faire mettre à Clichy le commandant Mathieu.

À Clichy ?

Il est très actif, mon rival !

Ah ! monsieur, que de reconnaissance !…

Vous êtes notre sauveur !

Eh bien, je suis contrarié de ça… j’avais si bien arrangé ma petite affaire… À midi moins un quart, on nous mettait la main dessus.

Remercie donc.

Qui ça ?

Eh bien, M. Armand.

Ah ! oui. (À Armand, sèchement.) Monsieur, je vous remercie.

On dirait que ça l’étrangle. (Haut.) Je vais toucher mon dividende. (À Daniel.) Croyez-vous que la caisse soit ouverte ?

Oui, sans doute. J’ai une voiture, je vais vous conduire. Monsieur Perrichon, nous nous reverrons ; vous avez une réponse à me donner.

Restez. Perrichon a promis de se prononcer aujourd’hui : le moment est favorable, faites votre demande.

Courage, monsieur Armand !

Vous ? Oh ! quel bonheur !

Adieu, Perrichon.

Madame… mademoiselle…

Je suis très-contrarié… très-contrarié !… j’ai passé une partie de la nuit à écrire à mes amis que je me battais… je vais être ridicule.

Il doit être bien disposé… Essayons. (Haut.) Mon cher monsieur Perrichon…

Je suis plus heureux que je ne puis le dire d’avoir pu terminer cette désagréable affaire…

Toujours son petit air protecteur ! (Haut.) Quant à moi, monsieur, je regrette que vous m’ayez privé du plaisir de donner une leçon à ce professeur de grammaire !

Comment ! mais vous ignorez donc que votre adversaire…

Est un ex-commandant au 2 e zouaves… Eh bien, après ? J’estime l’armée, mais je suis de ceux qui savent la regarder en face.

Le Commandant Mathieu.

Vous me disiez qu’il était en prison !

J’y étais, en effet, mais j’en suis sorti. (Apercevant Armand.) Ah ! monsieur Armand, je viens de consigner le montant du billet que je vous dois plus les frais…

Très-bien, commandant… Je pense que vous ne me gardez pas rancune… vous paraissiez si désireux d’aller à Clichy.

Oh ! ce pauvre bourgeois !

Je pense, monsieur, que vous me rendrez la justice de croire que je suis tout à fait étranger à l’incident qui vient de se produire ?

Tout à fait ! car, à l’instant même Monsieur me manifestait ses regrets de ne pouvoir se rencontrer avec vous.

Je n’ai jamais douté, monsieur, que vous ne fussiez un loyal adversaire.

Je me plais à l’espérer, monsieur.

Il est très solide, le bourgeois.

Mes témoins sont à la porte… Partons.

Partons !

Il est midi.

Midi !… déjà !

Nous serons là-bas à deux heures.

Qu’avez-vous donc ?

J’ai… j’ai… messieurs, j’ai toujours pensé qu’il y avait quelque noblesse à reconnaître ses torts.

Que dit-il ?

Jean… laisse-nous !

Je me retire aussi…

Oh ! pardon ! je désire que tout ceci se passe devant témoins.

Je vous prie de rester.

Commandant… vous êtes un brave militaire… et moi… j’aime les militaires ! Je reconnais que j’ai eu des torts envers vous… et je vous prie de croire que… (À part.) Sapristi ! devant mon domestique ! (Haut.) Je vous prie de croire qu’il n’était ni dans mes intentions… (Il fait signe de sortir à Jean, qui a l’air de ne pas comprendre. À part.) Ça m’est égal, je le mettrai à la porte ce soir, (Haut.) ni dans ma pensée… d’offenser un homme que j’estime et que j’honore !

Il canne, le patron !

Alors, monsieur, ce sont des excuses ?

Oh ! des regrets !…

N’envenimez pas ! n’envenimez pas ! laissez parler le commandant.

Sont-ce des regrets ou des excuses ?

Mais… moitié l’un… moitié l’autre…

Monsieur, vous avez écrit en toutes lettres sur le livre de Montanvert : « Le Commandant est un… »

Je retire le mot ! il est retiré !

Il est retiré… ici… mais là-bas ! il s’épanouit au beau milieu d’une page que tous les voyageurs peuvent lire.

Ah ! dame, pour ça ! à moins que je ne retourne moi-même l’effacer.

Je n’osais pas vous le demander, mais, puisque vous me l’offrez…

Oh ! je ne vous demande pas de repartir aujourd’hui… non !… mais demain.

Comment ? Par le premier convoi, et vous bifferez vous-même, de bonne grâce, les deux méchantes lignes échappées à votre improvisation… ça m’obligera.

Oui… comme ça… il faut que je retourne en Suisse ?

D’abord, le Montanvert était en Savoie… Maintenant c’est la France !

La France, reine des nations.

C’est bien moins loin !

Il ne me reste plus qu’à rendre hommage à vos sentiments de conciliation.

Je n’aime pas à verser le sang !

Je me déclare complètement satisfait. (À Armand.) Monsieur Desroches, j’ai encore quelques billets en circulation. S’il vous en passe un par les mains, je me recommande toujours à vous ! (Saluant.) Messieurs, j’ai bien l’honneur de vous saluer !

Commandant !

Eh bien, monsieur… voilà votre affaire arrangée.

Toi, je te donne ton compte ! va faire tes paquets, animal.

Ah, bah ! qu’est-ce que j’ai fait !

Il n’y a pas à dire… j’ai fait des excuses ! moi dont on verra le portrait au musée !… Mais à qui la faute ? à ce M. Armand !

Pauvre homme ! je ne sais que lui dire.

Monsieur Perrichon ?

Hier, en vous quittant, je suis allé chez mon ami… l’employé à l’administration des douanes… Je lui ai parlé de votre affaire.

Vous êtes trop bon.

C’est arrangé !… on ne donnera pas suite au procès.

Seulement, vous écrirez au douanier quelques mots de regrets.

C’est ça ! des excuses ! encore des excuses !… De quoi vous mêlez-vous, à la fin ?

Est-ce que vous ne perdrez pas l’habitude de vous fourrer à chaque instant dans ma vie ?

Oui, vous touchez à tout ! Qui est-ce qui vous a prié de faire arrêter le commandant ? Sans vous, nous étions tous là-bas, à midi !

Mais rien ne vous empêchait d’y être à deux heures.

Ce n’est pas la même chose.

Vous me demandez pourquoi ? Parce que… non, vous ne saurez pas pourquoi ! (Avec colère.) Assez de services, monsieur ! assez de services ! Désormais, si je tombe dans un trou, je vous prie de m’y laisser ! j’aime mieux donner cent francs au guide… car ça coûte cent francs… Il n’y a pas de quoi être si fier ! Je vous prierai aussi de ne plus changer les heures de mes duels, et de me laisser aller en prison si c’est ma fantaisie.

Mais, monsieur Perrichon…

Je n’aime pas les gens qui s’imposent… c’est de l’indiscrétion ! Vous m’envahissez !…

Non, Monsieur ! on ne me domine pas, moi ! Assez de services ! assez de services !

Je n’y comprends plus rien… je suis abasourdi !

Ah ! monsieur Armand !

Avez-vous causé avec papa ?

Oui, mademoiselle.

Je viens d’acquérir la preuve de sa parfaite antipathie.

Que dites-vous là ? C’est impossible.

Il a été jusqu’à me reprocher de l’avoir sauvé au Montanvert… J’ai cru qu’il allait m’offrir cent francs de récompense.

Il dit que c’est le prix !…

Mais c’est horrible !… c’est de l’ingratitude…

J’ai senti que ma présence le froissait, le blessait… et je n’ai plus, mademoiselle, qu’à vous faire mes adieux.

Mais pas du tout ! restez !

À quoi bon ? c’est à Daniel qu’il réserve votre main.

Monsieur Daniel ?… mais je ne veux pas !

Ma mère ne veut pas ! elle ne partage pas les sentiments de papa ; elle est reconnaissante, elle ; elle vous aime… Tout à l’heure elle me disait encore : « M. Armand est un honnête homme… un homme de cœur, et ce que j’ai de plus cher au monde, je le lui donnerai… »

Mais ce qu’elle a de plus cher… c’est vous !

Je le crois.

Ah ! mademoiselle, que je vous remercie !

Et vous, mademoiselle, me permettez-vous d’espérer que vous aurez pour moi la même bienveillance ?

Moi, monsieur ?…

Oh ! parlez, je vous en supplie…

Monsieur, lorsqu’une demoiselle est bien élevée, elle pense toujours comme sa maman.

Elle m’aime ! elle me l’a dit !… Ah ! je suis trop heureux !… ah !…

Bonjour, Armand.

C’est vous… (À part.) Pauvre garçon !

Voici l’heure de la philosophie… M. Perrichon se recueille… et, dans dix minutes, nous allons connaître sa réponse. Mon pauvre ami !

Dans la campagne que nous venons de faire, vous avez commis fautes sur fautes…

Tenez, je vous aime, Armand… et je veux vous donner un bon avis qui vous servira… pour une autre fois ! Vous avez un défaut mortel !

Lequel ?

Vous aimez trop à rendre service… c’est une passion malheureuse !

Ah ! par exemple !

Croyez-moi… j’ai vécu plus que vous, et dans un monde… plus avancé ! Avant d’obliger un homme, assurez-vous bien d’abord que cet homme n’est pas un imbécile.

Parce qu’un imbécile est incapable de supporter longtemps cette charge écrasante qu’on appelle la reconnaissance ; il y a même des gens d’esprit qui sont d’une constitution si délicate…

Voulez-vous un exemple : M. Perrichon…

Mon nom !

Vous me permettrez de ne pas le ranger dans la catégorie des hommes supérieurs.

Eh bien, M. Perrichon vous a pris tout doucement en grippe.

J’en ai bien peur.

Et pourtant vous lui avez sauvé la vie. Vous croyez peut-être que ce souvenir lui rappelle un grand acte de dévouement ? Non ! il lui rappelle trois choses : Primo , qu’il ne sait pas monter à cheval ; secundo , qu’il a eu tort de mettre des éperons, malgré l’avis de sa femme ; tertio , qu’il a fait en public une culbute ridicule…

Soit, mais…

Et, comme il fallait un bouquet à ce beau feu d’artifice, vous lui avez démontré, comme deux et deux font quatre, que vous ne faisiez aucun cas de son courage, en empêchant un duel… qui n’aurait pas eu lieu.

Ah ! vous voyez bien !

Oui, mais, moi, je me cache… je me masque ! Quand je pénètre dans la misère de mon semblable, c’est avec des chaussons et sans lumière… comme dans une poudrière ! D’où je conclus…

Qu’il ne faut obliger personne ?

Oh non ! mais il faut opérer nuitamment et choisir sa victime ! D’où je conclus que ledit Perrichon vous déteste : votre présence l’humilie, il est votre obligé, votre inférieur ! vous l’écrasez, cet homme !

Mais c’est de l’ingratitude !…

L’ingratitude est une variété de l’orgueil… « C’est l’indépendance du cœur », a dit un aimable philosophe. Or, M. Perrichon est le carrossier le plus indépendant de la carrosserie française ! J’ai flairé cela tout de suite… Aussi ai-je suivi une marche tout à fait opposée à la vôtre.

Laquelle ?

Je me suis laissé glisser… exprès ! dans une petite crevasse… pas méchante.

Exprès ?

Vous ne comprenez pas ? Donner à un carrossier l’occasion de sauver son semblable, sans danger pour lui, c’est un coup de maître ! Aussi, depuis ce jour, je suis sa joie, son triomphe, son fait d’armes ! Dès que je parais, sa figure s’épanouit, son estomac se gonfle, il lui pousse des plumes de paon dans sa redingote… Je le tiens ! comme la vanité tient l’homme… Quand il se refroidit, je le ranime, je le souffle… je l’imprime dans le journal… à trois francs la ligne !

Ah bas ? c’est vous ?

Parbleu ! Demain, je le fais peindre à l’huile… en tête-à-tête avec le mont Blanc ! J’ai demandé un tout petit mont Blanc et un immense Perrichon ! Enfin, mon ami, retenez bien ceci… et surtout gardez-moi le secret : les hommes ne s’attachent point à nous en raison des services que nous leur rendons, mais en raison de ceux qu’ils nous rendent !

Les hommes… c’est possible… mais les femmes ?

Eh bien, les femmes…

Elles comprennent la reconnaissance, elles savent garder au fond du cœur le souvenir du bienfait.

Dieu ! la jolie phrase !

La maman est peut-être pour vous… mais j’ai pour moi l’orgueil du papa… Du haut du Montanvert ma crevasse me protège !

Messieurs, je suis heureux de vous trouver ensemble… vous m’avez fait tous deux l’honneur de me demander la main de ma fille… vous allez connaître ma décision…

Voici le moment.

Monsieur Daniel… mon ami !

Je suis perdu !

J’ai déjà fait beaucoup pour vous… je veux faire plus encore… Je veux vous donner…

Ah ! monsieur !

Oui… je vous remercie de la leçon. (Haut.) Monsieur Armand… vous avez moins vécu que votre ami… vous calculez moins, mais vous me plaisez davantage… je vous donne ma fille…

Ah ! monsieur !…

Et remarquez que je ne cherche pas à m’acquitter envers vous… je désire rester votre obligé… (Regardant Daniel.) car il n’y a que les imbéciles qui ne savent pas supporter cette charge écrasante qu’on appelle la reconnaissance.

Attrape !

Oh ! ce pauvre Daniel !

Je suis battu ! (À Armand.) Après comme avant, donnons-nous la main.

Oh ! de grand cœur !

Ah ! monsieur Perrichon, vous écoutez aux portes !

Où ça ?

Dans le trou ?

Oui… mais je ne le dirai à personne.

Je vous en prie !

Monsieur Perrichon, j’ai touché mon dividende à trois heures… et j’ai gardé la voiture de monsieur pour vous rapporter plus tôt vos six cents francs… Les voici !

Mais cela ne pressait pas.

Pardon, cela pressait… considérablement ! maintenant nous sommes quittes… complètement quittes.

Quand je pense que j’ai été comme ça !…

Voici le numéro de votre voiture, il y a sept quarts d’heure.

Monsieur Armand, nous resterons chez nous demain soir… et, si vous voulez nous faire plaisir, vous viendrez prendre une tasse de thé…

Demain ? vous n’y pensez pas… et votre promesse au commandant !

Ah ! c’est juste ! (Haut.) Ma femme… ma fille… nous repartons demain matin pour la mer de Glace.

Ah ! par exemple, nous en arrivons ! Pourquoi y retourner ?

Pourquoi ? peux-tu le demander ? tu ne devines pas que je veux revoir l’endroit où Armand m’a sauvé.

Assez ! ce voyage m’est commandant… (Se reprenant.) commandé par la reconnaissance !

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Le voyage de monsieur Perrichon d'Eugène Labiche et Édouard Martin

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  • Ressource proposée par : Comédie-Française

Description

Ce dossier présente le Voyage de monsieur Perrichon d'Eugène Labiche et Édouard Martin, mis en scène par Julie Brochen pour la Comédie-Française. Comédie de caractère, satire du bourgeois vaniteux, le Voyage dégénère en une observation cruelle de la classe dominante du second Empire. Ce dossier permettra notamment à l'enseignant de comparer deux genres théâtraux : le vaudeville et la comédie, genre noble incarné dans les spectacles joués à la Comédie-Française. (d'après www.comedie-francaise.fr)

Sujet et thèmes

  • Le Voyage de monsieur Perrichon -
  • Édouard Martin (dramaturge) -
  • Vaudeville (théâtre) -
  • Vie quotidienne -
  • Eugène Labiche -
  • XIXe siècle -

Discipline artistique

  • Mise en scène -

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Théâtre. Le voyage de M. Perrichon, d’Eugène Labiche (1860)

Le 10 septembre 1860, Eugène Labiche donnait au théâtre du Gymnase à Paris la première de sa pièce la plus représentative de la bourgeoisie du Second Empire : Le Voyage de Monsieur Perrichon , une comédie en quatre actes avec, dans le rôle de Monsieur Perrichon, un célèbre comédien de l'époque : Geoffroy (1813-1883)*. Les représentations durèrent jusqu'au 15 septembre suivant (cf. Le Moniteur universel , des 11, 12, 13, 14 et 15 septembre 1860).   Historique de la pièce En 1860, Eugène Labiche est le principal auteur comique. Auteur pour le théâtre depuis 1844, il a remporté son premier  grand succès en 1851 avec Un chapeau de paille en Italie. Le Voyage de Monsieur Perrichon , écrite avec la collaboration d'Edouard Martin, est très différente des autres pièces de Labiche. Alors que ses habituels personnages évoluent plutôt au sein de leurs intérieurs, la famille Perrichon entraîne les spectateurs de la Gare de Lyon à Paris aux glaciers de Savoie. Ecrite en peu de temps, au cours de l'année 1860, la pièce s'inspire évidemment de l'actualité, à savoir le rattachement de Nice et la Savoie à la France. Mais le rapprochement s'arrête là, à l'unique destination. Comédie de moeurs, aux situations cocasses et absurdes, ce n'est pas à la société savoyarde que l'auteur s'intéresse mais bien à son bourgeois parisien et ce n'est pas de politique dont il s'agit mais de chemin de fer. En effet si les chemins de fer ont été longs à s'imposer, en 1860 c'est chose faite. La compagnie de Paris à Lyon et à la Méditerranée a été fondée en 1867 par la fusion de plusieurs compagnies. Le réseau s'est largement prolongé dans des directions variées, notamment vers Genève par Lyon, comme dans la pièce, le matériel ne cesse de se perfectionner et les locomotives atteignent déjà la vitesse de 60 kilomètres à l'heure. Créée au théâtre du Gymnase le 10 septembre 1860, Le Voyage de Monsieur Perrichon connut un accueil triomphal et valut à Labiche le surnom de « roi du Vaudeville ». Le succès de cette pièce ne se démentira jamais. Elle entra ainsi au répertoire de La Comédie française en 1906.   Résumé Honnête bourgeois mais vaniteux, riche carrossier de son état, Monsieur Perrichon entreprend, accompagné de sa femme Caroline et de sa fille Henriette, un voyage d'agrément par chemin de fer vers les alpes Suisses. A la gare de Lyon, deux jeunes prétendants d'Henriette se retrouvent fortuitement avec le même projet de demander la main de la jeune fille au cours du voyage. Commence alors une lutte loyale mais acharnée entre les deux hommes.

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VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON (le) d'Eugène Labiche (résumé & analyse)

Publié le 08/11/2018

Extrait du document

labiche

Dangereux voyage qui le met, lui et sa famille, à la merci des intrigants, des douaniers et des commandants de zouaves, bref de tous ceux qu'il eût évités en demeurant tranquillement à sa place. Ce voyage, la langue bourgeoise qui permet de sauver la face dans des situations humiliantes ( >, IV, 5) ou de se glorifier des comportements les plus mesquins ( >, II, 10), le maintient pourtant toujours dans le champ de la comédie.

Telle est la leçon, sans doute peu exaltante, que Labiche adresse à ses congénères saisis par la bougeotte, que celle-ci soit géographique (la Cagnotte, 1864) ou sociale (la Poudre aux yeux, 1861; Un mari qui lance sa fe mme, 1864, etc.). Heureusement, la maîtrise du dramaturge, la subtilité du portrait sauvent la pièce de tout moralisme simpliste à la manière de Dumas fils ou d'Augier. Car l'auteur sait, en son héros > (Zola), coupler de façon inattendue deux caractères dont la mise en œuvre alter

VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON (le) . Comédie en quatre actes et en prose d'Eugène Labiche (1815-1888) et Édouard Martin (1828-1866), créée à Paris au théâtre du Gymnase le 10 septembre 1860, et publiée à Paris chez Bourdilliat la même année.

La gare de Lyon, à Paris. Le riche Perrichon, carrossier retiré des affaires, a décidé d'emmener à Chamouny (l'actuel Chamonix) sa femme et sa fille Henriette. Départ laborieux sous les yeux de Daniel et d'Armand, tous deux épris d'Henriette. Assiste aussi à la scène Majorin, petit employé envieux, venu, lui, emprunter de l'argent à Perri chon. Dans le même convoi prend place le commandant Mathieu, désireux d'oublier une cocotte qui le ruine. Daniel et Armand décident de suivre la famille Perrichon et de se livrer une « lutte loyale et amicale » (Acte 1).

Une auberge de montagne, près de la mer de Glace. Daniel et Armand devisent en attendant leurs compagnons de voyage. Parti en éclaireur, Armand revient avec un Perrichon décomposé qu'il a tiré d'une crevasse, mais dont la reconnais sance se mue bientôt en agacement contre son sauveur - ce que Daniel constate avec satisfac tion. Perrichon et Daniel reprennent seuls l'excursion, alors qu'arrive le commandant, qui corrige ironiquement sur le « livre des voya geurs» la graphie incertaine (« Que l'homme est petit quand on le contemple du haut de la mère de Glace ») du carrossier. Celui-ci, tout glorieux.

« fortu ne. Resté, dans l'âme, un produc­ teur -non plus de biens, mais de phra­ ses « Adieu, France, reine des nations >> (I, 8) -, le rentier, puisqu'il a renoncé à > davantage, tente pa r conséq uent d'> un autre : un conquérant, voire un héros de la mon­ tagne, un duelliste ... Dangereux voyage qui le met, lui et sa famille, à la merci des intrigants, des douaniers et des commandants de zouaves, bref de tous ce ux qu'il eût évités en demeurant tranquillement à sa place. Ce voyage, la langue bourgeoise qui permet de sau­ ver la face dans des situations humi­ liantes (>, Il, 10), le maintient pourtant touj ours dans le champ de la comédie. Telle est la leçon, sans doute peu e xaltante, que Labiche adresse à ses congénères saisis par la bougeotte, que celle-ci soit géographique (la Cagnotte, 186 4) ou sociale (la Poudre aux yeux, 1861 ; Un mari qui lance sa femme, 186 4, etc.). Heureusement, la maîtrise du dramaturge, la subtilité du portrait sauvent la pièce de tout moralisme simpliste à la manière de Dumas fils ou d'A ugier.

Car l'auteur sait, en son héros > (Zola), coupler de façon inattendue deux caractères dont la mise en œuvre alter- née rythme la pièce comme le va-et­ vient d'une machine à vapeur, et per­ met de plaisantes symétries : Perrichon est en effet, à la fois, le Bienfaisant - mais pratiquée ainsi, cette vertu devient un vice, l'expression d'une insupportable volonté de puissance -, et l'Ingrat -mais ce vice est aussi le contrepoint d'une formidable énergie vitale : > (I V, 6). Autour de ce point focal gravi­ tent les autres personnages, actualisant dive rses modalités du dispen­ dieu ses ne lui ramènent pas la volage Anita), ou se situant par rapport à lui, soit pour en profiter (Daniel) soit pour en figurer l'antith èse, bougonne (Mme Perrichon) ou naïve (Armand, Henr iette). La loi de compor tement incarnée par Perrichon dépasse ainsi sa seule personne, pour devenir le prin­ cipe d'unité d'une pièce dont le dénoue ment miraculeux confirme le ju gement de Zola sur un écrivain qui a >.. »

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Eugène Labiche

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9782290334591

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Fiche de lecture sur Voyage de Monsieur Perrichon d'Eugène Labiche. Notre analyse du Voyage de Monsieur Perrichon comprend : un résumé du Voyage de Monsieur Perrichon, une analyse des personnages principaux et une analyse des axes de lecture.

Cette fiche de lecture sur Le Voyage de Monsieur Perrichon a été rédigé par un professeur de français.

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  • Monsieur Perrichon
  • Madame Perrichon
  • Henriette Perrichon
  • Armand Desroches
  • Daniel Savary
  • le commandant Mathieu 
  • Le genre du vaudeville
  • La critique de la bourgeoisie
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