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Consultez nos dossiers à travers différents thèmes de l'histoire des arts : Le Grand Tour, l'Orientalisme, Joséphine Baker, Charlotte Perriand, le portrait, les femmes photographes au XXe siècle, etc.​

Le Grand Tour et voyage d’artistes en Italie du XVIIe au XIXe siècles

Le xviie siècle : les débuts du grand tour et les échanges artistiques en italie, le xviiie siècle : l’apogée du grand tour, au xixe siècle : la fin du grand tour et l’avènement du tourisme.

Le programme d'enseignement de spécialité d'histoire des arts institue trois questions limitatives, qui s'inscrivent dans les trois thématiques : un artiste en son temps ; arts, ville, politique et société ; objets et enjeux de l'histoire des arts. Elles sont définies et renouvelées par publication au Bulletin officiel de l'éducation nationale.

Pour les années scolaires 2021-2022 et 2022-2023, la question retenue pour la thématique "Arts, ville, politique et société" est  "Le voyage des artistes en Italie, XVIIe-XIXe siècles"

Le retour du troupeau par temps d’orage, 1651, Claude Lorrain (1600-1682), Art Institute of Chicago, COO

Ce Grand Tour ne correspond pas littéralement à un tour de l’Europe mais à un voyage dans quelques foyers artistiques et culturels européens (la France, les Pays-Bas, l’Allemagne…). Il permet de se familiariser à d’autres manières de vivre en Europe mais aussi de découvrir les grands artistes et œuvres du patrimoine culturel occidental. Le pays de prédilection du Grand Tour est l’Italie. Ainsi, les voyages en Italie permettent de « mettre de l’ordre » dans l’héritage de la Renaissance italienne. Au XVIIe siècle, le séjour à Rome devient un passage obligatoire pour la formation des artistes français. Afin de favoriser la présence des artistes français à Rome, Louis XIV crée en 1666 l’Académie de France à Rome.

A partir de cette époque, deux tendances vont s’opposer dans la représentation picturale : •    La représentation d’après nature ou le rendu d’après nature. •    Une représentation idéalisée des modèles, représentation issue de l’héritage gréco-romain.

Ce grand tour a contribué à l’évolution des goûts artistiques et des styles au XVIIe et au XVIIIe  siècles.

le grand tour xviiie siecle

A partir de trois vues de la villa Médicis (dessin, huile et photographie), le site "L'Histoire par l'image" retrace l'histoire de l'Académie de France à Rome. L'étude comporte trois parties : - le contexte historique qui permet de situer l'époque dans laquelle s'inscrit l'oeuvre, - l'analyse de l'image décrit l'oeuvre et dégage la signification des éléments offerts au regard de l'observateur, - l'interprétation met en évidence l'apport historique de l'image. (d'après www.histoire-image.fr)

le grand tour xviiie siecle

A l'occasion de l'exposition du Grand Palais intitulée "Nature et idéal : le paysage à Rome, 1600-1650, Carrache, Poussin, Le Lorrain", la Réunion des Musées Nationaux propose un dossier pédagogique qui invite à redécouvrir ce que l’on appelle le « paysage classique » : sa naissance dans une ville devenue un immense atelier, son épanouissement dans un milieu cosmopolite et son succès puisqu’il deviendra un modèle pour de nombreuses générations d’artistes. (D'après http://www.rmn.fr)

Portrait de John Talbot, 1773, Batoni, Getty Museum of Art C00 Les aristocrates commandaient des portraits les représentant durant leur voyage.

Le Grand Tour culmine au XVIIIe siècle. Il comporte une fonction sociale car il permet de montrer un certain niveau de richesse et d’éducation, et pour certains permet une ascension sociale.

La pensée des Lumières prône les échanges intellectuels et la valeur émancipatrice du voyage. Il est perçu comme une méthode empirique pour découvrir de la vie d’autrui et de ce qui ne s’apprend pas dans les bibliothèques. La transmission du savoir se réalise par l’expérience personnelle et non par l’autorité. Source de tolérance, le voyage permet de trouver sa place dans l’espace commun. Les intellectuels créent un genre littéraire autour du voyage en Italie : échange épistolaire, journal intime, récit de voyages.

L’écrivain italien Casanova peut être considéré comme un écrivain en quête de liberté voyageant pour s’émanciper et connaitre le monde.

Au XVIIIe siècle, les artistes et aristocrates voyagent de plus en plus loin. Certains iront jusqu’en Grèce et même dans l’empire ottoman ou en Perse. L’Italie, et plus particulièrement Rome et Venise, restent des destinations privilégiées.

Exemple de couverture d’un récit de voyage publié en 1796, M Dubourg, Metropolitan Museum of Art, COO

Les voyages en Italie sont aussi un moyen de redécouvrir l’Antiquité pour les artistes via les études de ruines. Au XVIIIe des fouilles archéologiques d’Herculanum (1738) et de Pompéi (1748) sont organisées, elles ont pour conséquence de jeter un nouveau regard sur les sociétés antiques et elles remettent au goût du jour le classicisme dans les arts. Les artistes et les voyageurs suivent avec attention ces fouilles car ils souhaitent avoir une image authentique de l’Antiquité.

L’architecte et décorateur Charles Percier remettra particulièrement à l’honneur l’Antiquité dans le mobilier et les projets architecturaux de la fin du XVIIIe siècle et sous le Premier Empire (1804-1815).

le grand tour xviiie siecle

Evocation du voyage. Meubles démontables ou pliables de la fin du XVIIIe siècle – lit en acier et bronze doré, secrétaire en acajou et acier, table-parasol– accompagnent des nécessaires de voyage et quelques objets liés au « tourisme ». (www.lesartsdecoratifs.fr)

le grand tour xviiie siecle

Une grande énergie anime la vie sociale. Fêtes officielles, opéra, théâtre, réceptions somptueuses, divertissements variés ponctuent le quotidien et étonnent les étrangers de passage. L’exposition évoque les derniers feux de la République avant sa chute en 1797, à travers des œuvres de médiums divers : peinture, sculpture, costume, objets d’art, instrument de musique, etc. En hommage à cette vitalité, musiciens, danseurs et comédiens dialogueront avec l’art et avec le public. (Réunion des musées nationaux - Grand Palais)

le grand tour xviiie siecle

En quoi ce tableau diffère-t-il d’une simple peinture de paysage ? (Panorama de l'art)

le grand tour xviiie siecle

L’éruption du Vésuve qui a enseveli la ville de Pompéi sous un amas de cendres en l’an 79 de notre ère a eu pour effet de la préserver pendant les 17 siècles suivants. Redécouverte fortuitement en 1741, puis fouillée jusqu’à aujourd’hui, Pompéi constitue le plus extraordinaire témoignage de la vie quotidienne à l’époque romaine.

le grand tour xviiie siecle

L’architecte et décorateur Charles Percier, lauréat du Grand prix d’architecture en 1786, séjourne à l’Académie de France à Rome durant ses jeunes années. Ce voyage en Italie est un moment déterminant de sa carrière, comme pour de nombreux artistes européens du XVII e au XIX e siècle. À l’éblouissement fondateur procuré par les beautés de la Ville éternelle, et à la confrontation in situ aux modèles révérés de l’Antiquité et de la Renaissance, s’ajoutent les liens personnels noués sur place et les premières occasions de faire connaître son talent.

Neuf grands albums contenant les 2.500 dessins italiens de Charles Percier sont aujourd’hui conservés par la bibliothèque de l’Institut. Numérisés, ils sont librement consultables et téléchargeables pour un usage pédagogique sur la bibliothèque numérique Minerv@ . Le présent dossier propose une introduction à ce vaste corpus.

Les enseignants en histoire des arts désireux d’aborder en classe un exemple du voyage d’un artiste en Italie y trouveront un descriptif du séjour de Charles Percier dans ses aspects institutionnels, pratiques et personnels. Trente images issues du corpus de Minerv@ en accompagnent la lecture, donnant à voir le talent et les goûts d’un architecte dessinateur passionné d’Italie.

A partir de 1789, durant la période de la Révolution française et du Premier Empire, la pratique du Grand Tour en France devient difficile à réaliser car les voyages dans le continent proche sont limités avec les guerres révolutionnaires puis napoléoniennes.

Monte Pincio, Rome, 1840/50, Jean-Baptiste-Camille Corot (1796-1875) Metropilitan Museum of Art COO Une vue pittoresque et idéalisée de Rome peinte par Corot

Le Grand Tour réapparait sous la période de la Restauration (1815-1848). Bien que moins fréquent, il est particulièrement prisé par les amateurs d’arts, collectionneurs et écrivains (Chateaubriand, Lamartine ou encore Madame de Staël). Les lettres et récits de voyages continuent d’être publiés. A la suite de ses séjours en Italie, l’écrivain Stendhal publie en 1817 un traité d’Histoire de l’art appelé Histoire de la peinture en Italie , et un récit de ses voyages dénommé Rome, Naples et Florence .

Au XIXe, les voyages en Italie restent néanmoins une source d’inspiration pour les artistes et une étape essentielle dans leur formation . Rome demeure l’épicentre : à la fois lieux de pèlerinage, du savoir et de paysage surprenant, ville qui attire tous les voyageurs.

Au XIXe, le voyage n’a plus uniquement une vocation initiatique, il sert à trouver un refuge, pour le plaisir des arts, des paysages, de la gastronomie… Le signe que le voyage entre progressivement dans une autre ère, celle du tourisme.   Il faut voyager pour fuir une civilisation urbaine, l’idée de conquérir des espaces exotiques loin des grandes villes. L’essor des transports et l’avènement d’une bourgeoisie de plus en plus nombreuse favorisent aussi la naissance du tourisme.

le grand tour xviiie siecle

Illustrant la modernité de Stendhal, ce site réalisé par Lectura et la Bibliothèque municipale de Grenoble donne à voir les différentes facettes de l’homme, de la pensée et de l’œuvre. (D'après www.lectura.fr)

le grand tour xviiie siecle

Au XIXe siècle, le développement des moyens de circulation et l'intérêt croissant pour l'archéologie contribuent à répandre la pratique du voyage en Italie au-delà des quelques lauréats du Grand Prix de Rome décerné par l'école des Beaux-arts de Paris. Le séjour transalpin devient alors un passage obligé de la formation architecturale. Le musée d'Orsay évoque les dessins de ces architectes inspirés par l'Italie, les études archéologiques qui se développe au XIXe s., les études de restauration, et présente le grand tour d'un architecte à travers l'exemple de Louis Boitte. (www.musee-orsay.fr)

le grand tour xviiie siecle

Depuis la Renaissance, le voyage en Italie constitue une étape essentielle de la formation des artistes, A partir des années 1850, des photographes ouvrent des ateliers ou séjournent à Rome, à Florence, à Naples, à Venise... aux côtés des peintres, sculpteurs et architectes. A la même époque, le développement du tourisme fait naître chez les voyageurs l'envie de rapporter des souvenirs des lieux visités, entraînant la multiplication des vues d'églises, de palais, de fontaines. L'exposition du musée d'Orsay de 2009 présente des photographies des collections du musée d'Orsay, des tableaux et des sculptures riches de ces témoignages. (www.musee-orsay.fr)

persee.fr

Du « grand tour » au tourisme : moments et lieux de la découverte touristique des merveilles du monde (XVIII e -XX e siècles)

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  • Référence bibliographique

Sacareau Isabelle. Du « grand tour » au tourisme : moments et lieux de la découverte touristique des merveilles du monde (XVIII e -XX e siècles). In: L’attrait d’ailleurs : images, usages et espaces du voyage à l’époque contemporaine. Actes du 130e Congrès national des sociétés historiques et scientifiques, « Voyages et voyageurs », La Rochelle, 2005. Paris : Editions du CTHS, 2010. pp. 147-157. ( Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques , 130-10)

www.persee.fr/doc/acths_1764-7355_2010_act_130_10_1719

  • RIS (ProCite, Endnote, ...)

Résumé (fre)

Cet article analyse, à partir de sources bibliographiques variées, la façon dont s’est constitué l’espace touristique contemporain à travers les pratiques de voyage fondées sur la découverte et la contemplation initiées à la fin du XVIII e siècle. Les arts et les sciences ont construit des représentations collectives du paysage et une curiosité pour le monde qui ont façonné un regard nouveau sur certains lieux, permettant leur invention touristique. S’inscrivant dans la filiation du « grand tour », le voyage touristique en renouvelle le sens et en élargit l’espace de circulation en accompagnant l’exploration et la colonisation européennes. Nous examinerons selon une approche géographique l’histoire de cette construction du regard et de cette conquête progressive du monde par le tourisme en repérant quelques périodes charnières où s’inventent des pratiques nouvelles dans des lieux particuliers. Nous montrerons que l’attrait de l’ailleurs et de l’autre est l’un des ressorts profonds du déplacement touristique et qu’il renvoie également à une quête identitaire qui passe par la recherche de repères collectifs (paysages, monuments, folklore).

  • À la découverte des merveilles de la nature : le tourisme ou la révolution du regard [link]
  • À la recherche du temps perdu ou le tourisme comme quête identitaire et découverte des territoires nationaux [link]
  • La diffusion et l’invention de nouvelles pratiques pour un nouveau monde [link]
  • L’industrialisation des pratiques touristiques au service de la quête de l’autre et de l’ailleurs [link]
  • Bibliographie [link]

Texte intégral

Du «grand tour » au tourisme : moments et lieux de la découverte touristique des merveilles du monde (xviiie-xxe siècles)

Isabelle Sacareau

Maître de conférences en géographie à l’université de La Rochelle

La recherche en sciences sociales en général, et la géographie en particulier, a longtemps

eu des difficultés à distinguer le tourisme des autres formes de mobilité et à en dater l’apparition, faute sans doute de se doter d’une définition suffisamment heuristique. Celle que

propose l’équipe de géographes MIT (Mobilité, itinéraires, territoires), réunie autour de Rémy Knafou, offre de nouvelles perspectives en fournissant un outil de compréhension de la nature de ce phénomène social dans sa dimension tant géographique qu’historique.

Selon l’approche géographique développée par l’équipe MIT, le tourisme peut être défini

comme «un système d’acteurs, de pratiques et d’espaces qui participent de la recréation des individus par le déplacement et l’habiter temporaire hors des lieux du quotidien » . C’est donc le déplacement librement choisi hors du lieu de vie habituel pour aller vivre temporairement ailleurs qui fonde la pratique touristique. Son ressort principal est le différentiel qui existe entre les lieux du quotidien et ceux du hors quotidien. S’y ajoute l’effet «recréatif » que ce déplacement provoque chez les individus. Cet effet «recréatif » ou «recréation » s’exprime sous trois grandes modalités : le repos et le soin du corps, le jeu, sous toutes ses formes (jeu de société, activité sportive) et la découverte d’autres lieux ou d’autres hommes . C’est cette troisième modalité qui nous intéresse ici et dont nous allons chercher à retracer l’origine, car elle fonde le voyage touristique, lequel tient une place essentielle, parmi d’autres pratiques, dans l’histoire de la constitution de l’espace touristique contemporain. Cette histoire peut être datée dans le temps et située dans l’espace. Le tourisme en effet n’a pas toujours existé. Il est né en Europe en même temps que l’ère industrielle qui lui

a offert les conditions de son émergence et de son affirmation entre la fin du xviiie siècle et la seconde moitié du xixe siècle. Si, depuis longtemps déjà, de nombreux voyageurs se déplaçaient à travers l’Europe pour leurs affaires ou pour leur enrichissement personnel,

personne ne songeait à qualifier ces déplacements de façon spécifique ou à les organiser de façon systématique pour en tirer profit. Or, c’est bien ce qu’il se produit au milieu du

xixe siècle. Le mot tourisme apparaît dans la langue française en 1841, soit trente ans après le mot tourist, qui, lui, émerge à partir de 1816, en référence au grand tour qu’effectuaient jeunes aristocrates britanniques en Europe entre le xviie siècle et la fin du xviiie siècle. L’apparition d’un mot nouveau dans la langue est l’indicateur de l’émergence d’une pratique

sociale suffisamment originale pour qu’elle soit désignée par un vocable qui la distingue d’autres formes de voyage. En effet, tout en se situant dans la filiation des voyages de formation, des voyages littéraires et artistiques ou des voyages d’exploration scientifique,

la pratique qui consiste à voyager pour son plaisir à la découverte d’autres lieux, d’autres paysages ou d’autres sociétés se distingue des voyages qui l’ont précédée par le sens nouveau qu’elle donne à la fréquentation de certains lieux et par l’élargissement social

L’Attrait d’ailleurs 148 et spatial qui a accompagné l’émergence de cette nouvelle pratique sociale au cours du

xixe siècle en lien avec la révolution industrielle. Nous distinguerons trois moments clés dans cette construction : le premier est l’invention au cours du xviiie siècle d’un nouveau regard sur la nature, à la fois esthétique et

scientifique qui distingue un certain nombre de hauts lieux en périphérie du territoire.

Le deuxième est l’épanouissement d’une curiosité nouvelle pour le passé et les racines de l’identité européenne qui accompagne la construction des États-nations et qui, en s’exportant dans le Nouveau Monde, se porte également sur les monuments de la nature. Le troisième est celui de la conquête coloniale du monde et de l’industrialisation des pratiques touristiques qui, tout en permettant le franchissement de nouveaux horizons d’altérité, ouvre à des populations toujours plus nombreuses l’accès aux merveilles du monde .

À la découverte des merveilles de la nature : le tourisme ou la révolution du regard

Pour que les touristes puissent «découvrir » des lieux autres, c’est-à-dire en faire individuellement l’expérience, il faut qu’ils aient été «inventés » , c’est-à-dire investis de

nouvelles significations, esthétiques ou scientifiques, portées à la connaissance des

contemporains. Au cours du xviiie siècle se produit un basculement décisif dans le regard que les Européens portent sur des lieux jusque-là ignorés, c’est-à-dire la mer et la montagne. Ce regard nouveau est celui d’une société urbaine appartenant aux villes émergentes du Nord de l’Europe. Il a été préparé de longue date, depuis la Renaissance, par les récits des voyageurs et des écrivains, par les oeuvres des peintres, puis par celles des écrivains

romantiques et enfin par le travail des scientifiques selon un processus cumulatif.

En effet, depuis le xviie siècle, le voyage en Italie des peintres flamands ou français a permis

de faire circuler en Europe du Nord des tableaux qui font connaître aux élites les paysages du Sud, que les jeunes Britanniques découvrent également en effectuant le grand tour. Ce

dernier peut être défini géographiquement comme un itinéraire en boucle, ponctué d’étapes obligées, où les jeunes gens venaient parfaire leur formation en allant contempler les

symboles de la civilisation européenne et en particulier les ruines. Le point d’apogée de

cette boucle était la baie de Naples, où ces voyageurs pouvaient s’émerveiller non seulement

des ruines de Pompéi mais aussi du spectacle merveilleux et effrayant du Vésuve en éruption. Situées sur la trajectoire du grand tour, les Alpes constituent alors un obstacle que traversent rapidement des voyageurs, qui pendant longtemps n’éprouvent que crainte et répulsion pour ces «monts affreux » . La montagne entre pourtant progressivement dans l’horizon mental des voyageurs qui pratiquent le tour ou qui ont pu voir les représentations picturales des paysagistes suisses ou des peintres qui font le voyage en Italie. Mais

c’est la combinaison entre l’affirmation du courant romantique, avec sa quête du sublime,

et la vogue du voyage pittoresque initiée à partir de la description par William Gilpin de

la région District en 1792, qui font définitivement basculer le regard des Européens. Pour

les adeptes du pittoresque, rien ne vaut le contact direct avec les merveilles de la nature, que l’on vient découvrir in situ. Le voyage est un moyen privilégié de traquer partout le pittoresque dans le paysage et de jouir de sa beauté, tandis que la quête du pittoresque permet de faire de chaque voyage une véritable exploration et une expérience tant émotionnelle qu’intellectuelle. L’invention de ce nouveau regard esthétique sur la montagne

149 Du «grand tour » au tourisme…

est d’autant plus importante qu’elle s’associe à une curiosité scientifique nouvelle pour les

sciences naturelles. Les montagnes glaciaires comme les volcans sont les manifestations tangibles des forces et des mystères d’une nature que la science moderne s’efforce depuis peu de comprendre. C’est ainsi que la montagne devient un objet d’étude pour les savants voyageurs qui commencent à l’observer, l’explorer et par là même à la désacraliser.

En cette fin du xviiie siècle, Genève est une étape où stationnent les voyageurs du grand tour avant leur traversée des Alpes et où séjournent de nombreux savants et artistes peintres.

Depuis les rives du Léman, célébrées par les romantiques, on peut observer la masse imposante du mont Blanc appelé alors mont Maudit, dont les glaciers, bien visibles de la ville, attirent la venue des curieux comme des naturalistes. Nouveau point d’apogée sur la route du tour, le mont Blanc vient pour la première fois faire contrepoids aux points d’apogée que constituent le Vésuve et la baie de Naples. C’est en effet à partir de la cité genevoise que partent les premières initiatives d’exploration de la vallée de Chamonix, dont la

postérité n’a retenu que celle de Windham et Pococke en 1741, parce qu’elle fit l’objet d’un

récit publié sous forme de lettres dans le Journal helvétique de Neuchâtel en 1743. Les visiteurs

ne cessent alors d’affluer. Quarante ans plus tard, en 1787, année de l’ascension du

mont Blanc par le Genevois Horace Bénédict de Saussure, l’intendant de Savoie dénombre déjà plus de mille sept cents étrangers venus visiter les «glaciaires de Chamouni » . La même année, le jeune Strasbourgeois Ramond de Carbonnières découvre de son côté les

Pyrénées, et se fait l’initiateur d’une forme d’exploration scientifique et esthétique qui se

joint à une pratique thermale déjà bien installée, la découverte touristique des paysages pyrénéens, et qui prend le nom de pyrénéisme. Des curiosités similaires se font jour à peu près au même moment pour les glaciers de l’Oberland bernois, accessibles depuis le petit village de Grindelwald. Les récits d’excursions des «savants montagnards » , conjugués aux oeuvres des écrivains romantiques, popularisent alors la pratique du voyage dans les Alpes, lequel suscite un véritable genre littéraire qui entretient en retour l’intérêt pour la montagne alpine. Entre 1775 et 1785, les récits de voyage émanent tous de touristes, qui, comme Théodore Bourrit, ont choisi de visiter les Alpes et pas simplement de les traverser pour se rendre en Italie. Les cols ne sont plus de simples points de passage obligés, mais

des lieux valorisés pour leur panorama. Les flux sont alors suffisants pour que des boucles

secondaires en direction de ces nouveaux points d’apogée se détachent de la boucle principale

du tour et finissent par s’en autonomiser . L’irruption de ces nouveaux points d’apogée sur la boucle du tour s’accompagne en effet

d’une modification sensible de la pratique de ce dernier. L’historien John Towner montre

que les années 1820-1830 marquent un tournant dans la pratique du tour : d’abord par son élargissement social, puisque les middle class britanniques constituent désormais plus de

la moitié des voyageurs ; par la modification de la structure des populations concernées ensuite, dans la mesure où les jeunes gens accompagnés de leurs précepteurs cèdent le pas à un public à la moyenne d’âge plus élevée, et où se rencontrent des femmes et des familles en plus grand nombre ; par sa durée, enfin, qui s’est raccourcie pour se concentrer sur les

mois d’été . Nous ajouterons à cette analyse la nouvelle dynamique spatiale qui se met en place : celle de la boucle touristique. À partir d’un itinéraire principal se détachent, en périphérie des territoires, des boucles autonomes, dont le point d’apogée devient central dans l’espace de circulation de ces nouveaux voyageurs, qu’il est désormais possible de

qualifier de touristes. Situés à la périphérie des territoires nationaux d’Europe, les Alpes

comme les Pyrénées voient leur destin tout entier basculer. Elles sont aménagées pour recevoir ces nouveaux visiteurs, qui ne trouvent pas dans ces lieux à l’écart des étapes

L’Attrait d’ailleurs 150 classiques du grand tour des moyens d’hébergement à la hauteur de leur rang. Auberges, hôtels et villas viennent alors remplacer l’hospitalité aristocratique qui s’offrait aux voyageurs de même rang dans les villes du tour.

À la recherche du temps perdu ou le tourisme comme quête identitaire et découverte des territoires nationaux

Cette révolution du regard qui s’est opérée au cours du xviiie siècle en Europe s’inscrit

dans un moment charnière de son histoire, où la philosophie des Lumières remet en question

les fondements culturels et politiques de la société d’Ancien Régime et prépare les révolutions à venir. Le xixe siècle est quant à lui celui de la révolution industrielle, de la construction des États-nations et de la conquête coloniale du monde par les Européens. Le tourisme émergeant participe pleinement de ce mouvement en exprimant un nouveau rapport au lieu et au monde qui ne s’appuie pas seulement sur la contemplation des merveilles de la nature mais également sur la quête du passé et des civilisations disparues. Cette curiosité nouvelle des voyageurs va de pair avec le développement de nouveaux courants artistiques dans le prolongement du romantisme et la structuration au cours du

xixe siècle de sciences nouvelles telles l’histoire, l’archéologie, l’anthropologie et l’ethnologie.

Elle témoigne d’une quête identitaire de repères collectifs au moment où la révolution

industrielle fait émerger une société et des paysages nouveaux. Cette quête du passé était déjà présente dans la pratique du grand tour, puisque le voyage en Italie était l’occasion d’aller à la rencontre des témoignages de la civilisation européenne, ruines antiques et monuments remarquables, concentrés pour la plupart dans les grandes villes qui jalonnent le grand tour. Mais au cours du xixe siècle, le goût pour les antiquités gréco-romaines marque le pas devant l’engouement des Européens pour la recherche de leurs racines celtiques et pour les témoignages de leur passé médiéval, longtemps dédaigné. La redécouverte de certains sites et de régions supposés être les dépositaires des racines de l’identité des nations européennes va servir de point d’appui à la mise en tourisme de nouveaux lieux. On sait le rôle des romantiques dans cette redécouverte du passé. Mais cet engouement nouveau n’est pas sans rapport avec la construction des États-nations. Comme le souligne

l’historienne Anne-Marie Thiesse, l’affirmation des cultures nationales et de leurs spécificités implique le rejet des référents communs, au profit de la recherche de l’histoire de

chaque peuple en particulier, quitte à l’inventer en se référant à des ancêtres mythiques.

C’est ce qui se produit à propos de l’Écosse à la fin du xviiie siècle. Les Britanniques se lancent dans l’inventaire des légendes et chants gaéliques dont ils se réapproprient l’héritage, vingt ans à peine après l’écrasement de la révolte des jacobites et le rattachement de l’Écosse à la couronne d’Angleterre. En mettant en exergue ses origines celtes, l’Angleterre fait coup double : elle fait du vaincu non pas un ennemi soumis mais un ancêtre

prestigieux de la nation, et elle affirme sa spécificité face à l’hégémonie culturelle française

imprégnée de culture gréco-romaine qui prévaut à l’époque . L’Écosse, territoire périphérique,

devient alors un haut lieu de l’identité nationale, où le touriste anglais peut retrouver

ses racines en se pénétrant du spectacle d’un paysage dont le courant romantique et le pittoresque ont construit en parallèle la représentation esthétique. Des constructions identitaires similaires se produisent dans toute l’Europe à travers l’invention du folklore tout au long du xixe siècle, mais aussi à travers la prise de conscience de l’existence d’un patrimoine historique que les révolutions et les guerres de l’empire ont mis en péril. En France, la monarchie de Juillet crée une commission des Monuments

151 Du «grand tour » au tourisme…

historiques, chargée de déterminer les monuments dignes d’être restaurés. Les architectes, comme Viollet-le-Duc, reconstituent alors les bâtiments tels qu’ils pensent qu’ils ont existé

afin de les présenter au public. Les témoignages d’un passé plus ou moins mythique, que

ce soient des monuments, des lieux particuliers, des paysages ou des coutumes populaires érigées en folklore, deviennent autant de signes d’identité collective dans un monde en pleine mutation, que le tourisme va permettre, via ses propres associations, de faire

connaître et de célébrer auprès d’un public de plus en plus nombreux et diversifié socialement.

Dans les années 1880-1890, par exemple, les associations d’excursionnistes développent, auprès de la petite bourgeoisie citadine, la pratique de la randonnée pédestre comme instrument de découverte et d’apprentissage des territoires nationaux. Les associations de cyclotourisme jouent un rôle similaire, de même que les automobiles-clubs qui font leur apparition dans l’entre-deux-guerres. C’est d’ailleurs au Touring-Club de France qu’il

revient d’avoir inventé le voyage touristique automobile itinérant. La fin du xixe siècle marque donc un intérêt nouveau pour la découverte des territoires nationaux, et de ce que Catherine Bertho-Lavenir appelle le tourisme des interstices . Les nouveaux modes de déplacement et de découverte que sont la bicyclette et l’automobile contribuent à individualiser les pratiques et à diffuser le tourisme sur l’ensemble du territoire jusque dans ses

moindres recoins. Ils contribuent également à densifier la trame de l’espace touristique en

voie de constitution, en lui ajoutant sans cesse de nouveaux sites de contemplation articulés

à des lieux de séjour ou à des itinéraires plus ou moins fixés. Enfin, dans ce nouveau dispositif fondé sur la quête du passé, des villes comme Venise

ou Bruges, qui ont conservé quasiment intact de leur passé prestigieux un riche patrimoine architectural mais qui ont depuis sombré dans le déclin, prennent une importance

nouvelle et s’affirment comme des destinations autonomes. Venise, située sur la route du

grand tour, est le haut lieu de la célébration romantique par des auteurs comme Byron, Chateaubriand, Musset, Barrès, Thomas Mann, tandis que la parution en 1892 du roman de Georges Rodenbach, Bruges-la-Morte, relance l’intérêt pour le patrimoine de la Venise du Nord. Ces artistes construisent le mythe d’une ville morbide, lieu de la mélancolie et du mal de vivre. Leur architecture remarquable conservée dans un centre-ville ancien

témoigne de leur gloire passée, dans un monde où la révolution industrielle impose les

nouveaux paysages de la modernité, en particulier dans les grandes métropoles comme Londres ou Paris. C’est donc dans les années 1880-1890 que s’invente, en contrepoint de

ces dernières, la ville historique touristifiée , c’est-à-dire une ville caractérisée par l’emprise quasi-totale du tourisme sur un centre-ville patrimonialisé, qui ne vit plus depuis longtemps des activités qui l’ont façonné .

La diffusion et l’invention de nouvelles pratiques pour un nouveau monde

Cette révolution du regard qui distingue des lieux périphériques ainsi que les lieux du passé n’est pas le seul fait de l’Europe. Au même moment, l’Amérique du Nord connaît un phénomène comparable, qui s’explique par l’exportation des pratiques des Britanniques dans le Nouveau Monde. Mais les conditions naturelles particulières du Nouveau Continent (dimension des phénomènes naturels et faible profondeur historique) en font, dans la seconde moitié du xixe siècle, un nouveau foyer d’innovation touristique au travers d’une nouvelle façon de mettre en scène le spectacle de la nature.

L’Attrait d’ailleurs 152 Les Européens qui se sont établis en Amérique du Nord y ont reproduit les pratiques inventées en Europe par les Britanniques, la circulation des élites favorisant l’adoption et la reproduction de pratiques adaptées au contexte du Nouveau Monde. C’est ainsi que les Américains pratiquaient une sorte de grand tour qui les conduisait au départ de New York jusqu’aux chutes du Niagara, à travers la vallée de l’Hudson et les monts Catskill, dont les paysages sont en tous points conformes aux critères du pittoresque en vogue à l’époque de part et d’autre de l’Atlantique. Tout comme la Savoie à la même époque, la région de Niagara, qui est connue depuis le xviie siècle par des récits de voyageurs, est une périphérie

en construction, une marche frontière, où les Britanniques et les Français luttent pour

le contrôle des nouvelles colonies. Après l’indépendance de ces dernières, la région peut recevoir des visiteurs de toute la côte nord-est du Nouveau Continent, comme des Grands Lacs. Dès la première moitié du xixe siècle, le site est aménagé pour faciliter la contemplation et il est relié aux grandes villes de l’Est par le canal Érié, puis par le chemin de fer. Deux nouveautés s’ajoutent au spectacle romantique des chutes, tel qu’il peut se concevoir en Europe : les voyages de lune de miel, attestés dès 1838 et la mise en scène d’un

lieu de mémoire, en l’occurrence le champs de bataille de Lundy’s Lane, où les indigènes

vendent aux touristes les reliques des soldats morts au combat. Niagara marque donc une première association originale et proprement américaine entre la mise en scène d’un grand site naturel et celle d’un lieu de mémoire dans un pays à l’histoire récente10.

Et c’est dans cette filiation que l’on peut situer l’invention dans l’Ouest américain de la

wilderness, ou «nature sauvage » , et de sa protection à travers une autre innovation typiquement américaine : le parc national. La création en 1872 du premier parc national du monde à Yellowstone manifeste l’invention aux États-Unis d’une autre manière de concevoir la nature et de la fréquenter, qui s’inscrit dans un moment bien particulier de l’histoire américaine en écho à la quête identitaire des Européens et à la patrimonialisation de leurs grands sites culturels. L’appropriation du continent américain par une société,

qui ne s’est fédérée que depuis la fin de la guerre de Sécession en 1863, est alors en voie

d’achèvement. La conquête de l’Ouest s’est accompagnée du massacre des Indiens ou de leur déportation dans des réserves, ainsi que d’une exploitation rapide et brutale des ressources

naturelles (fièvre de l’or), que dénoncent des groupes de pression naturalistes. La

région de Yellowstone n’est alors connue que par les récits fabuleux de quelques trappeurs et chercheurs d’or. Une expédition, constituée de militaires, mais aussi de naturalistes et d’un peintre aquarelliste, est envoyée en reconnaissance dans la région. Au retour, Yellowstone est mis sous la protection du gouvernement fédéral, qui décide d’en faire un parc ouvert au public. Les paysages sauvages de Yellowstone sont alors érigés en patrimoine d’une nation américaine en quête d’une identité, qu’elle ne peut trouver dans la profondeur historique. La

wilderness, exaltée dès 1858 par Henry David Thoreau et John Muir, joue ainsi le même rôle identitaire que le patrimoine historique pour l’identité européenne. C’est la raison pour laquelle il était nécessaire de porter ces monuments de la nature à la connaissance du plus grand nombre de citoyens, tout en les préservant à tout prix des dégradations,

que pourrait causer l’afflux massif des visiteurs. Bien que l’admiration pour les grands

paysages naturels ne soit pas une nouveauté et si là encore, comme en Europe, ce sont bien

des explorateurs, des artistes et des scientifiques qui sont à l’origine de cette création, ce

qui change, c’est bien la dimension patrimoniale et conservatoire qui s’y attache, en même temps qu’un souci de faire connaître ces lieux et d’en faciliter la fréquentation11. C’est ainsi que, très tôt, les parcs nationaux vont attirer des voyageurs en grand nombre et qu’ils vont devenir un peu partout dans le monde un puissant facteur de la mise en tourisme des

153 Du «grand tour » au tourisme…

grands espaces naturels, à travers des pratiques touristiques aussi variées que le trekking, le safari-photo ou l’écotourisme.

L’industrialisation des pratiques touristiques au service de la quête de l’autre et de l’ailleurs

Le même mouvement qui a conduit les Européens à rechercher leurs racines et à affirmer

leur identité les a poussés également hors de leurs frontières pour se confronter aux autres peuples. Or, aux portes de l’Europe s’étend un horizon d’altérité particulièrement fascinant, celui de l’Orient musulman. Celui-ci n’est véritablement franchi par le voyage touristique que dans la seconde moitié du xixe siècle, au terme d’un processus où les moyens

de l’ère industrielle vont pouvoir mettre en oeuvre l’imaginaire exotique que les orientalistes, les archéologues et les explorateurs coloniaux ont construit. Depuis le xviiie siècle est en effet apparu, au sein des élites européennes, un véritable engouement pour le Moyen-Orient de culture islamique. Il correspond à un premier rapprochement effectué par la diplomatie et le commerce entre deux civilisations géographiquement

voisines mais longtemps antagonistes. Cet intérêt se confirme au cours du

xixe siècle, lorsque l’expansion coloniale des Européens crée les conditions matérielles d’un nouveau courant artistique et littéraire, l’orientalisme, qui s’inscrit dans la continuité du romantisme et diffuse dans la première moitié du xixe siècle de nouvelles représentations de l’Orient. Ce dernier est également devenu un champ d’exploration pour une science nouvelle, l’archéologie, qui renouvelle l’intérêt pour les antiquités. La campagne d’Égypte de Napoléon Bonaparte en 1798 est à cet égard décisive. Les fouilles archéologiques et les découvertes s’y multiplient, à la suite de Champollion et de Mariette (Louqsor en 1833), ainsi qu’en Turquie et en Grèce, après l’indépendance de cette dernière en 1830. Désormais, la recherche des origines se situe dans un ailleurs toujours plus éloigné dans le temps comme dans l’espace. L’Antiquité ne se découvre plus seulement dans la proche Italie ni même en Grèce. Elle se situe en Turquie, espace de colonisation des cités grecques

antiques, en Terre sainte, où se trouvent les racines du judéo-christianisme, mais aussi en Égypte, où l’on découvre en même temps que la civilisation fascinante des pharaons, antérieure

à la civilisation gréco-romaine, une culture islamique contemporaine à l’antithèse de la culture technicienne de l’Europe industrielle. Des curiosités comparables se font

jour en Asie (découverte des ruines d’Angkor en 1865) comme en Amérique du Sud, où

des archéologues nord-américains partent dans la jungle du Yucatan et dans la cordillère des Andes à la recherche des pyramides aztèques ou mayas (Tikal en 1848) ou de temples incas (Machu Picchu en 1911), dont la découverte précède la fréquentation touristique. Les écrivains et peintres orientalistes ainsi que les archéologues jouent alors à l’égard de la fréquentation touristique de l’Orient un rôle comparable à celui tenu par les romantiques et les naturalistes du xviiie siècle dans la fréquentation touristique de la montagne. Ils inventent à l’usage de leurs contemporains un exotisme fait de sensualité et de mystère qui contraste avec le puritanisme de l’ère victorienne et le matérialisme de la société industrielle. Ils sont relayés dans la seconde moitié du xixe siècle par la photographie et le roman, ainsi que par les expositions coloniales qui popularisent les images de l’Orient,

poussant les contemporains au voyage à une époque où les routes terrestres et maritimes

se développent et deviennent plus sûres (ouverture du canal de Suez en 1869). Les jeunes aristocrates peuvent alors inclure plus fréquemment l’Égypte à leur grand tour, tandis que Casablanca, Tanger, Alger, Alexandrie deviennent les résidences d’hiver des aristocrates, ainsi que des escales à leurs croisières en Méditerranée.

L’Attrait d’ailleurs 154 Après la découverte de l’Orient musulman, l’achèvement de la conquête coloniale confronte l’Occident à l’altérité des peuples soumis. L’ethnologie, qui prend naissance dans cette seconde moitié du xixe siècle dans les bagages de la colonisation, propose une nouvelle

figure de l’autre, celle du primitif, telle que la définissent les théories évolutionnistes inspirées

de Darwin, mais aussi celle du bon sauvage vivant heureux à l’état de nature, loin des méfaits de la civilisation industrielle et technicienne. Le jardin d’Éden est désormais

situé dans les mers du Sud, dans ces archipels du Pacifique, décrits par les récits des navigateurs

comme Bougainville, des écrivains voyageurs comme Pierre Loti, Jack Londres ou Victor Segalen, puis par les oeuvres des peintres comme Gauguin. Le mythe des mers du Sud qui exalte la douceur des sociétés «sauvages » et la nostalgie du paradis perdu, tout en fustigeant les méfaits de l’Occident, se déploie pleinement au tournant du xxe siècle en réaction au triomphe de la société industrielle. L’île tropicale entre ainsi à son tour dans l’horizon des touristes. Elle correspond à une quête de l’autre et au désir de faire vivre dans un ailleurs une société de plaisir et de convivialité, idée reprise dans les années 1950 par le Club Méditerranée à travers l’invention du village-club de vacances dans des destinations exotiques. Les progrès des transports maritimes et les points d’appui que constituent les empires coloniaux permettent ainsi une première fréquentation touristique d’îles lointaines comme Bali, dans les années 1920. C’est aussi dans la première moitié du xxe siècle que

commence à faire fortune le qualificatif «authentique » , que l’anthropologue et linguiste

Edward Sapir applique en 1925 aux sociétés caractérisées par la richesse de leurs échanges symboliques, en opposition à l’aliénation des sociétés industrielles. Cette représentation de l’autre et de l’ailleurs demeure d’actualité dans bien des discours contemporains qui

sous-tendent certaines pratiques touristiques, où le voyage lointain se conjugue avec la

rencontre de sociétés dites «traditionnelles » . Cette phase de diffusion spatiale, qui repousse hors d’Europe l’horizon de voyage des touristes, s’accompagne d’une diffusion sociale, rendue possible par la révolution industrielle. Celle-ci vient parachever le basculement du tour au tourisme. En effet, pour la première fois, des industriels et des hommes d’affaires regardent les voyages de leurs contemporains comme une activité économique susceptible de produire de la richesse et d’accroître leur fortune. Le capitalisme s’empare alors d’une pratique sociale, jusquelà réservée à une frange étroite de la société, pour l’ouvrir socialement et lui donner les moyens de s’étendre spatialement. La seconde moitié du xixe siècle voit ainsi l’irruption de nouveaux acteurs, entrepreneurs et investisseurs, qui font du tourisme un nouveau champ d’activités et d’innovation. Le développement des nouveaux moyens de transport comme le chemin de fer, la rationalisation et la standardisation du voyage avec l’invention du forfait et la naissance de l’hôtellerie de chaîne, l’essor des guides imprimés favorisent la multiplication des voyages touristiques et l’extension de son espace de circulation. Après la Suisse, l’Égypte avec la visite d’Assouan est mise à la première page au catalogue des voyages Cook dès 1869. Un premier hôtel de chaîne est ouvert à Louqsor en 1887. En 1898, Cook développe les croisières sur le Nil à la découverte des sites bibliques et pharaoniques

en exploitant une flotte d’une quinzaine de bateaux-hôtels, modèles réduits des paquebots

de luxe et des yachts des armateurs grecs qui, depuis 1830, sillonnent déjà les îles grecques et les rivages de l’Égypte et de la Terre sainte12. Le bouclage du monde est achevé dès 1871 avec le premier tour du monde organisé par Cook. En standardisant et rationalisant la pratique du voyage lointain, le circuit organisé mis au point par Thomas Cook le rend accessible et favorise l’apprentissage du tourisme au plus grand nombre. Le voyage exotique n’est donc plus le seul apanage des artistes, des militaires, des aristocrates et des grands bourgeois, classes sociales qui avaient non seulement les

moyens matériels mais aussi culturels de se confronter à l’altérité et qui bénéficiaient dans

les pays étrangers de réseaux d’accueils qu’autorisait leur position sociale. La moyenne

155 Du «grand tour » au tourisme…

et la petite bourgeoisie y ont désormais également accès, ce qui n’est d’ailleurs pas sans susciter déjà des réactions de rejet de la part des élites, qui doivent désormais partager avec d’autres la fréquentation de leurs lieux de prédilection. En cherchant à échapper aux destinations trop courues selon elles pour découvrir d’autres lieux, ces élites favorisent d’ailleurs la diffusion du tourisme dans l’espace. Car désormais, c’est le monde entier qui

s’ouvre à la curiosité des touristes et l’on ne les arrêtera plus. Les flux touristiques s’accroissent

à mesure que les moyens de déplacement s’améliorent et que la conquête coloniale s’achève. La construction du canal de Suez en 1869 favorise l’ouverture d’une route

plus rapide et plus sûre vers les Indes, où l’Empire britannique est désormais consolidé

et peut accueillir de nouveaux visiteurs. Les investissements économiques, les échanges et les voyages entre métropoles et colonies se multiplient, tandis que les descriptions des mondes coloniaux se font plus précises et plus réalistes. Une culture de masse commence à se forger à travers le réseau d’information mis en place par les récits des explorateurs, les rapports des administrateurs coloniaux, les questionnaires envoyés par les chercheurs

et scientifiques, les objets rassemblés dans les cabinets de curiosité puis dans les musées.

Les grandes Expositions universelles et coloniales donnent à voir le monde au plus grand nombre et l’envie de le découvrir en utilisant les moyens nouveaux que l’ère industrielle met à disposition : chemin de fer, bateaux à vapeur, bicyclette, automobile, tout est bon pour jeter sur les routes les touristes curieux, en quête d’ailleurs, que celui-ci soit proche

ou lointain. En entrant dans l’ère industrielle, le tourisme, définitivement dégagé du grand

tour, peut aborder alors une nouvelle phase de son histoire, celle des grands nombres, de

la diversification des pratiques et de l’extension à l’ensemble du monde de l’espace touristique.

Le voyage touristique s’inscrit parmi l’avènement de pratiques sociales nouvelles qui ne constituent pas un fait isolé de l’histoire de la société occidentale, mais expriment son passage à l’ère industrielle. Il s’inscrit dans la continuité des pratiques antérieures, dont il renouvelle le sens et dont il élargit la portée géographique en donnant des raisons nouvelles

de fréquenter certains lieux. Il s’est nourri des découvertes scientifiques du temps et des représentations du monde qu’ont forgées les artistes, les scientifiques et les explorateurs.

Il s’est fait l’instrument de la construction des identités nationales, de la même manière qu’il a accompagné la conquête coloniale du monde en utilisant moyens techniques qu’offraient la révolution industrielle, pour devenir aujourd’hui une pratique de masse. Ainsi,

même si les pratiques touristiques se sont diversifiées depuis, la découverte d’autres lieux

et d’autres hommes est toujours un des ressorts principaux du déplacement touristique,

sans autre justification que la curiosité et le désir de se recréer en rompant avec le temps

et l’espace du quotidien. L’idée de ce qui est beau ou digne d’intérêt n’a pas radicalement

changé depuis deux siècles. Les lieux identifiés comme remarquables par les touristes de la fin du xviiie siècle et du début du xixe siècle témoignent d’une remarquable permanence dans le temps et ont servi de modèle à la distinction de lieux similaires partout dans le monde, favorisant la diffusion du tourisme jusqu’aux limites de l’écoumène.

L’Attrait d’ailleurs 156

Bibliographie

Bertho-Lavenir Catherine, «La découverte des interstices » , Les Cahiers de médiologie, no 12, 2001, p. 129-140. Boujrouf Saïf, Bruston Mireille, Duhamel Philippe et al., «Les conditions de la mise en tourisme de la haute montagne et ses effets sur le territoire. L’apport d’une comparaison entre le Haut-Atlas et le Népal mise en perspective à l’aide du précédent alpin (massif du Mont-Blanc) » , Revue de géographie alpine, no 1, 1998, p. 67-82. Corbin Alain, L’Avènement des loisirs, 1850-1960, Paris, Aubier, 1995. Davis Robert C. et Marvin Garry R., Venice, the Tourist Maze. A Cultural Critique of the World’s Most Touristed City, Berkeley, University of California Press, 2004. Équipe MIT (Mobilités, itinéraires, territoires, université Paris VII – Denis-Diderot), Tourismes I, Lieux communs, Paris, Belin (Mappemonde), 2002. Équipe MIT (Mobilités, itinéraires, territoires, université Paris VII – Denis-Diderot), Le Tourisme, acteurs, lieux et enjeux, Paris, Belin (Belin sup. Géographie), 2003. Équipe MIT (Mobilités, itinéraires, territoires, université Paris VII – Denis-Diderot), Tourismes II, Moments de lieux, Paris, Belin (Mappemonde), 2005. Équipe MIT (Mobilités, itinéraires, territoires, université Paris VII – Denis-Diderot), Tourismes III, La Révolution durable, Paris, Belin (Mappemonde), 2010. Gilpin William, Three Essays on the Picturesque, on Picturesque Travel, and on Sketching Landscapes,

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. R. Knafou et M. Stock, «Tourisme » , p. 931. . Équipe MIT, Tourismes, I, Lieux communs ; M. Stock et I. Sacareau, «Qu’est-ce que le tourisme ? » .

. Les matériaux et réflexions de cet article s’appuient sur les travaux récents de l’équipe MIT auxquels nous avons

contribué, concernant l’approche géographique de l’histoire des lieux touristiques. Les résultats de ces recherches ont donné lieu à la publication de deux ouvrages faisant suite à Tourismes I, Lieux communs sous le titre de Tourismes II, Moments de lieux, et de Tourismes III, La Révolution durable.

. S. Boujrouf, M. Bruston, P. Duhamel et al., «Les conditions de la mise en tourisme de la haute montagne et ses effets sur le territoire. L’apport d’une comparaison entre le Haut-Atlas et le Népal mise en perspective à l’aide du précédent alpin (massif du Mont-Blanc) » . . J. Towner, «The Grand Tour, a Key phase in the History of Tourism » .

. A.-M. Thiesse, La Création des identités nationales.

. C. Bertho-Lavenir, «La découverte des interstices » . . Voir la typologie des lieux touristiques établie par l’équipe MIT dans Équipe MIT, Tourismes, I, Lieux communs, op. cit. et dans M. Stock (éd.), Tourisme, acteurs, lieux et enjeux.

. Équipe MIT, Tourismes II, Moments de lieux.

10. Équipe MIT, Tourismes II, Moments de lieux.

12. A. Corbin, L’Avènement des loisirs, 1850-1960, p. 48.

le grand tour xviiie siecle

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le grand tour xviiie siecle

Naissance du tourisme au XVIIIe siècle

Avec la mode du Grand tour, venue d'Angleterre, on voit les jeunes nobles du XVIIIe siècle sillonner l'Europe en visitant les capitales, les collections d'art et les ruines antiques. On les surnomme les « touristes », terme qui va bientôt aussi désigner les amateurs de bain ou de villégiature.

Vue de l'arc de Constantin à Rome

Les voyageurs du Grand Tour ne sont pas avares de récits. Au fil de journaux ou de correspondances, ils racontent leurs pérégrinations aux quatre coins de l'Europe. Suivant ce qui les intéresse, ils mettent en avant la visite des monuments ou des galeries d'art, la musique ou les rencontres dans la bonne société. 

Les amusements des eaux d'Aix-La-Chapelle

En 1732, paraissaient les  Amusemens des eaux de Spa et des environs  du baron Karl Ludwig von Pöllnitz. L'ouvrage connaît un succès rapide que traduisent ses rééditions et ses adaptations. Mais au-delà du succès éditorial, il témoigne aussi de la vogue des stations thermales. Nobles et bourgeois se ruent à Bath, Spa, Aix ou Baden pour « prendre les eaux », mais aussi pour jouir des divertissements proposés par ces lieux souvent un peu en marge : jardins, théâtres et jeux d'argent. 

Ascension du Mont-Blanc. 1787.

Au XVIII e siècle, se forge une tradition de découverte des montagnes. Une génération de savants alpinistes allient l’exploration scientifique des Alpes à une fascination pour les glaciers. Sous l’influence de Rousseau, la montagne devient un lieu de promenade méditative. La Suisse et les glacières de Chamonix prennent une dimension mythique avec les voyages de Scheuchzer, von Haller, Windham, La Rochefoucauld ou Saussure. 

La sélection « L’Europe au siècle des Lumières » a été préparée par le service Histoire de la Bibliothèque nationale de France. Elle présente un échantillon des collections de la BnF disponibles en libre-accès dans Gallica... Mais il y en a bien plus encore dans les réserves de la bibliothèque !

N'hésitez pas à venir visiter nos salles de lecture !

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Une sélection de documents sur les stations thermales par ordre géographique

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Le Grand tour ou le mythe de l’Italie

Par Sabine du Crest · L'ŒIL

Le 1 mars 2002 - 1932 mots

Quatre expositions, à Los Angeles et à Paris, sont l’occasion de revenir sur l’histoire du Grand tour, ce voyage en Italie que les jeunes aristocrates et les artistes européens faisaient au XVIIIe siècle pour éveiller leur sens artistique, étudier et se nourrir de l’antique.

Dans l’histoire du désir qu’ont inspiré les contrées italiennes aux artistes et aux écrivains européens ou américains de Dürer à Poussin, de Corot à Turner, de Haëndel à Mendelssohn et à Dusapin, de Montaigne à Greeneway, il y a une généalogie faite de superpositions d’images, de constructions de théories et de multiples créations qui repose sur quelques moments phares du Grand tour. Surtout anglais, ce phénomène se développa après 1720 lorsque de jeunes aristocrates britanniques traversaient l’Europe pour accomplir en Italie un voyage qui devait être l’étape ultime du perfectionnement de leur éducation, aux sources mêmes de la culture classique qui les avait nourris. Pendant ce voyage, ces jeunes gens, souvent accompagnés d’artistes, faisaient l’acquisition d’objets antiques ou de quelques œuvres d’art qu’ils ramenaient chez eux, en souvenir de ces jours heureux, pour distraire l’ennui provoqué par les brumes du Nord et cultiver la nostalgie des paysages ensoleillés d’Italie. L’habitude sociale du Grand tour dans l’Europe du XVIIIe siècle s’inscrivait dans une longue tradition qui remontait bien au-delà. Le pèlerinage religieux dans la ville éternelle était doublé d’un pèlerinage antiquaire dans la ville impériale ou dans d’autres cités italiennes. La route de ces voyages passait essentiellement par Rome, Venise, Florence, Naples et les campagnes environnantes. Leur géographie privilégiait à chaque étape quelques sites : le Grand Canal à Venise, la Tribune des Offices à Florence, la villa d’Este à Tivoli, la promenade le long de la via Appia antica, le Pausilippe ou le lac Averne en Campanie, puis la Calabre, l’Apulie et la Sicile. Comportement social de l’élite européenne, le Grand tour a aussi été un « lieu » de fabrication de l’art en contribuant notablement à l’évolution artistique de l’Europe du XVe siècle à nos jours. Artistes, poètes, érudits, hommes du monde, mécènes et collectionneurs ont longuement balisé les routes de l’Europe du Sud. A la fin du XVe siècle, le court séjour vénitien d’Albrecht Dürer a été parmi les prémices annonciatrices de la grande fortune de ce genre. Il serait bientôt suivi par de nombreux peintres flamands, les « romanistes » dont le séjour romain dans la seconde moitié du XVIe siècle allait se révéler extrêmement fructueux dans le développement de leur art, surtout grâce aux fouilles de la « maison dorée » de Néron récemment mise au jour. Rubens passa quelques années productives à Rome et à Mantoue dans les toutes premières années du XVIIe siècle. Il succédait à Paul Brill qui avait laissé des visions poétiques et mélancoliques du Forum romain, le « campo vaccino » de ces temps-là. Au XVIIe siècle, la capitale du monde catholique allait devenir un véritable carrefour des nations : de nombreux artistes ressortissant de toutes les provinces de cette Europe sans frontières s’établissaient dans la ville des papes. Parfois, ils y résidaient presque leur vie durant, comme Nicolas Poussin, ou bien s’ils n’y séjournaient que peu de temps, leurs œuvres, elles, demeuraient à jamais marquées de l’empreinte romaine. La fascination de l’antique Parmi les moments phares de ce Grand tour avant la lettre, il faut citer le séjour romain de Charles Le Brun accompagnant Poussin à son retour définitif en Italie en 1642. A Rome, Poussin avait pris, près de vingt ans auparavant, le relais de Simon Vouet qui avait quitté la ville en 1627 pour installer à Paris son grand atelier qui permit l’élaboration d’un nouveau style de peinture. Noircissant feuillet après feuillet son album de dessins d’après l’antique, le futur grand maître de l’art sous le règne de Louis XIV allait trouver la matière des fondements de la doctrine académique française. La création de l’Académie de France à Rome, installée d’abord au palais Mancini puis à la villa Medicis, son superbe siège actuel, allait assurer pendant quatre siècles aux artistes français une résidence formatrice durant laquelle ils trouvèrent les moyens de l’éclosion de leur art, grâce à l’étude des modèles antiques et des maîtres des siècles précédents, et aussi grâce à la fréquentation de maîtres italiens. Tout cela s’est joué sur un fond d’éternelle fascination pour l’antiquité qui nulle part ailleurs n’est aussi présente, et pourtant sans cesse renouvelée. « On peut connaître la belle nature partout, l’Antique seul à Rome », pensait le Bernin. Au début du XVIIIe siècle, le musée capitolin ouvrait « pour la curiosité des étrangers, et dilettantes, et pour l’utilité des chercheurs », facilitant ainsi pour les artistes la copie d’après l’Antique. La « découverte » des villes antiques de Pompéi (1748) et d’Herculanum (1738) ensevelies par la lave du Vésuve au cours du premier siècle avant J.-C. a été une motivation déterminante dans la poursuite vers le Sud des voyages dans la péninsule. Naples devint l’une des destinations les plus prisées surtout pendant les années 1764 à 1800 lorsque sir William Hamilton, ambassadeur d’Angleterre dans le royaume des Deux-Siciles et sa jeune et belle épouse, Lady Emma, recevait l’Europe entière. Entre deux mondanités, Hamilton, passionné à la fois par les sciences naturelles et les antiquités, explorait les pentes du Vésuve et fréquentait les boutiques des marchands. Il réunit ainsi une importante collection de vases antiques et fit publier un texte savant qui fit longtemps autorité auprès des vulcanologues. Le voyage en Italie de Charles-Nicolas Cochin en 1758 dans la suite du jeune Vandières, frère de la marquise de Pompadour et futur marquis de Marigny, surintendant des bâtiments du roi, a été un moment clef de rupture dans le goût français qui conduisit à l’apogée du néoclassicisme dans l’art dans les années 1780. Ce Grand tour français fut sans nul doute une époque décisive fondée sur l’expérience renouvelée de l’antique, notamment dans l’architecture et l’ornementation, surtout grâce à Jacques-Germain Soufflot qui accompagnait Cochin. Plus tard, sous la conduite de Joseph-Marie Vien, son maître français de Rome, Jacques-Louis David devait accomplir le pas qui allait faire de lui le chef de file du néoclassicisme. Autour de la célèbre peintre Angelika Kauffmann (1741-1807) se pressait toute la société européenne de Rome. Parmi ses compatriotes allemands qui ne manquaient pas le rendez-vous, on comptait Johann Joachim Winckelmann, secrétaire du cardinal Albani et père de l’histoire de l’art classique qui amena plusieurs artistes au néoclassicisme, notamment Anton-Maria Mengs. Goethe fut l’un des plus fervents admirateurs de la belle Allemande. Avec lui, le voyage d’Italie prenait un autre sens, plus introspectif. Une science toujours plus affinée Le Grand tour devenait une quête intérieure favorisée par la poésie des ruines et la contemplation des civilisations disparues. Cette évolution fut relayée quelques décennies plus tard par la redécouverte du plein air qui influença durablement le XIXe siècle européen. L’expérience du luminisme naturel que Claude Gellée au XVIIe siècle fut sans doute le premier à porter à une si haute expression devait se répéter avec Jean-Baptiste Camille Corot et la cohorte d’artistes venus de toute l’Europe pour peindre des paysages d’Italie, comme si seuls ces territoires permettaient l’audace du plein air et la liberté du coloris. Dans le dernier quart du XVIIIe siècle, quelques Anglais avaient importé en Italie l’usage de l’aquarelle, technique commode pour mieux saisir l’animation des paysages et peindre sur le motif. Le long séjour italien de Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819) allait permettre d’associer à la grande tradition du paysage idéal servant de décor à une scène mythologique, religieuse ou littéraire l’étude de la nature en plein air pour la représenter telle qu’elle était dans son atmosphère, ses volumes, sa lumière. Il allait ouvrir la voie à de nombreux peintres comme François-Marius Granet (1775-1849) qui vécut à Rome les 20 premières années du XIXe siècle, se promenant, un pinceau à la main, partout dans la ville. Cette alliance si intime entre la nature et l’antiquité permit de prendre du plaisir à la découverte sans cesse renouvelée, à l’émerveillement toujours recommencé devant les chefs-d’œuvre du passé. Le savoir littéraire, archéologique ou historique, loin de le banaliser, a au contraire approfondi ce plaisir, comme si le filtre de la perception des lieux par les artistes et les écrivains plus anciens avait augmenté le pouvoir d’évocation des œuvres et des sites décrits, imaginés ou idéalisés. Dans les années 1820, Rome fut à nouveau un intense foyer de création qui reçut Canova puis Thorwaldsen, le Phidias danois, et séduisit ensuite Ingres, Géricault et les nazaréens français et allemands. La qualité des envois de Rome des architectes français en Italie du XVIIIe au XXe siècle, la précision du relevé architectural et topographique des grands sites antiques, la restitution des palais et des villas romaines n’enlevaient rien au pouvoir d’évocation de ce monde disparu que ces œuvres, reposant sur une science toujours affinée, ont rendu plus sensible, plus présent, presque accessible au regard du spectateur. Encore plus près de nous, le héros du Ventre de l’architecte de Peter Greenaway part pour Rome pour préparer une exposition sur Etienne-Louis Boullée, l’architecte de projets grandioses inaccomplis. Il redonne vie aux monuments antiques grâce à la vigueur de son imagination, mais ne peut aller jusqu’au bout de son destin car il est atteint d’une maladie qui le mine, métaphore de l’inachèvement de l’œuvre dont il est lui-même porteur, d’autant plus tragique qu’il a lieu dans la ville la plus accomplie qui soit. Dans Chambre avec vue, James Ivory, à la suite d’Henry James et de ces auteurs anglais amoureux des ciels limpides d’Italie, s’attache plutôt à décrire des atmosphères pour signaler le moment de la rupture avec les convenances. Si l’un et l’autre ont fait des films en costumes, la reconstitution historique a pour intérêt principal l’évocation de l’émotion de la découverte des paysages italiens, de leur lumière, de leur atmosphère que leurs héros étrangers ont ressentie et qu’ils transmettent au spectateur. L’Italie est depuis des siècles devenue la « patrie commune » des poètes, des cinéastes, des écrivains, des musiciens, des chercheurs de l’Europe et des Amériques parce qu’elle est la terre où la conjugaison du plaisir et du savoir se fait à tous les instants.

- Les expositions : La première regroupe une centaine de dessins consacrés à l’Italie antique et au monde romain qui font partie des Envois de Rome (plus d’un millier de documents), relevés archéologiques et restaurations graphiques de monuments faits par les pensionnaires de l’Académie de France, du XVIIIe au milieu du XXe siècle et conservés à l’Ensb-a. « Italia Antiqua », Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, 13, quai Malaquais, 75006 Paris, tél. 01 47 03 50 00 ou www.ensba.fr Jusqu’au 21 avril. A Los Angeles, le Getty Museum propose trois expositions relatives au sujet. La première, « Naples and Vesuvius on the Grand Tour » explore Naples comme destination touristique de 1764 à 1800 lorsque Sir William Hamilton y résidait comme ambassadeur britannique et y recevait, collectionneur passionné, les visiteurs du Grand tour, en leur montrant par exemple les quatre volumes illustrés répertoriant sa collection de vases. Getty Research Institute jusqu’au 24 mars. « Rome on the grand Tour » veut souligner, par des dessins, des toiles, des livres, des gravures, la prééminence de la Ville éternelle dans l’éducation des jeunes aristocrates anglais du XVIIIe siècle. Getty Museum, jusqu’au 11 août. Enfin, « Drawing Italy in the Age of the Grand tour » s’attache à la vogue des vedute très appréciées au XVIIIe siècle, qu’il s’agisse de dessins de Piranese ou de tableaux de Canaletto ou de Guardi. Même lieu, jusqu’au 12 mai. J. Paul Getty Museum, tél. 00 1 310 440 73 60 ou www.getty.edu

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°534 du 1 mars 2002, avec le titre suivant : Le Grand tour ou le mythe de l’Italie

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Le Grand Tour ou le voyage d'éducation aristocratique en Europe

Des générations d’aristocrates eurent le privilège de faire "le grand tour". pendant deux siècles au moins, jusqu’au premier xixème....

  • Gilles Bertrand Professeur d’histoire moderne à l’Université Grenoble Alpes, auteur de Histoire du Carnaval de Venise, (Pygmalion, 2013)

En trente ans d’échanges Erasmus, ils sont peut-être quatre millions de jeunes à être passés par les guichets administratifs et à s’être vus ouvrir les portes des échanges scolaires ou universitaires européens. Le but affiché d’Erasmus est d’enrichir les études entreprises dans le cadre national. La finalité réelle est de familiariser ses bénéficiaires avec un continent dont on souhaite qu’ils l’aient en partage. Quant à la méthode, c’est celle, empirique, de la vie en compagnie des autres : elle ne s’apprend pas que dans les livres et les bibliothèques.

Les promoteurs d’Erasmus insistent sur les couples qui en sont issus. Curieusement, ils disent parfois que les enfants de ces couples naissent avec du sang bleu – bleu comme le drapeau européen.

Le sang bleu, au temps des anciens régimes, c’était le sang des nobles. Or, bien avant Erasmus, l’aristocratie avait inventé pour ses rejetons… le voyage d’éducation en Europe. Il concernait évidemment moins de jeunes que les programmes Erasmus et il durait souvent plus longtemps. Le but en était de transmettre par l’expérience personnelle et non plus par l’autorité. De même qu’il pouvait être utilisé pour traiter des chagrins d’amour, il offrait un programme érotique inavoué. Ses maîtres-mots étaient : curiosité, disponibilité, sociabilité. Il s’agissait, en découvrant les lieux les plus forts de l’Europe classique, en fréquentant les meilleurs et les plus intelligents, d’apprendre à tenir sa place dans un espace commun.

La pratique précéda le nom : cela finit par s’appeler le Grand Tour. Et des générations d’aristocrates eurent le privilège d’en être. Pendant deux siècles au moins, jusqu’au premier XIXème.

Programmation musicale : La serva padrona (Récitatif Serpina et Uberto) de Pergolèse, Orchestre du théâtre de la Scala de Milan dirigé par carlo Maria Giulini

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« Grand Tour » et Lumières

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Les voyages : rêves et réalités

Ce livre est recensé par

Plan détaillé

Texte intégral.

1 Rien de plus antipathique au Grand Siècle – j’entends, ici, le xviii e siècle – que le repos dans une chambre, la réclusion solipsiste, le repli sur soi du sédentaire ; et rien de plus prisé que les voyages, quand ils permettent une double saisie du réel et de soi-même. Curiosité, mobilité, cette double exigence traverse l’époque. Pas de Lumières qui ne se propagent, ni d’homme éclairé qui ne se mette en branle : il importe à celui-ci, comme il est essentiel à celles-là, de s’étendre et de se répandre, de progresser par expansion. Mais en revenant au point de départ, enrichi d’un savoir neuf ; l’accroissement des connaissances n’exclut pas le retour à soi. Si linéaire que soit leur progrès, il y a une circularité des Lumières : l’origine les fascine trop pour qu’elles s’en éloignent à tout jamais. Aussi doivent-elles, idéalement, concilier le cercle et la ligne droite. Plus concrètement : à la conquête et à la quête, l’homme éclairé préfère l’enquête ; ses déplacements sur notre globe, non moins que de l’actuel tourisme, se distinguent assez nettement des pérégrinations humanistes et des Découvertes de la Renaissance.

2 En dépit de leur prestige, je ne dirai mot des bourlingueurs, ni des aventuriers et gens de Cour ; mon attention se portera sur des voyageurs moins téméraires, et dont le rapport aux Lumières est souvent problématique. Tels les adeptes du Grand Tour, c’est-à-dire du long voyage d’initiation, laïque sinon obligatoire, qu’à partir du xvii e siècle les rejetons de la noblesse – bientôt suivis par des bourgeois – ont entrepris dans toute l’Europe, en privilégiant la France et l’Italie. À ces équipées éducatives, prodigieusement diverses dans le détail quoique répétitives pour l’essentiel, les spécialistes prêtent aujourd’hui une attention fort justifiée 1  : on les analyse et les compare, on recense les grand-touristes, on (ré)édite leurs lettres et leurs mémoires lorsqu’ils ont laissé des traces écrites. Lesquelles regorgent d’informations sur les us et les coutumes, sur l’état des routes et des auberges, sur les arts et le commerce, sur la vie au quotidien ; mais il est permis d’en attendre plus qu’une moisson de realia. La valeur de ces documents n’est pas étroitement documentaire : à l’historien, ils révèlent les goûts et les manières, l’outillage conceptuel des voyageurs, les modes de pensée et de classement. À l’anthropologue, ils racontent pourquoi émerge, même chez les voyageurs les plus obtus, un sens nouveau du relatif ; ils disent comment l’identité, individuelle ou collective, affronte la diversité des cultures ; ils montrent – en entraînant l’observateur dans un lointain point trop lointain, puisque borné à nos contrées – l’importance du rôle de l’autre dans le rapport de soi à soi. Au lecteur plus littéraire, ils posent des questions de poétique : comment se mêlent, dans tous ces textes, la description et le récit, le tableau et la chronique, la dissertation et l’anecdote ? Ou bien : dans quelle mesure peuvent-ils devenir, ainsi que l’illustre le cas de Sade, un banc d’essai du romanesque ? Effleurant à peine de tels problèmes, je réduirai encore le champ d’étude, pour ne considérer les voyageurs que dans une perspective « philosophique » : en tant qu’ils ont quelque chose à enseigner sur la rationalité des Lumières, et sur les voies de traverse qu’elle a suivies.

Survol historique

3 Quelques repères pour commencer. Du long règne d’Elizabeth aux années de Révolution, le Grand Tour couvre plus de deux siècles ; selon certains, il perdurerait jusqu’aux alentours du congrès de Vienne. Au début de l’âge classique, l’a favorisé l’idée nouvelle (mais déjà chère à Montaigne) que les voyages forment la jeunesse ; avec le repli nationaliste, le romantisme lui sera fatal – qui, érigeant le moi en créateur, valorisant ses seuls émois et dépréciant le « monde réel », ne peut que frapper d’inanité les voyages éducatifs. Mais dès le deuxième tiers du xviii e siècle, il est patent que le Grand Tour va se boucler. Les jeunes gens ne sont pas rares que révolte son didactisme : tel Alfieri, qui plante là son précepteur et va promener seul ses états d’âme entre Lisbonne et Pétersbourg. De nombreux autres trouvent désolant qu’on se déplace à l’étranger : en 1771, John Scott démontre que des Anglais ne devraient jamais quitter leur île. Et quand Legrand d’Aussy parcourt l’Auvergne, en 1787-1788, c’est en pestant contre les Touristes : « Toujours des voyages, de Suisse, d’Angleterre, d’Italie, de tous les États du monde enfin ! et jamais des voyages de France 2  ! »

4 L’histoire lexicale est éclairante : c’est en 1636, lors d’un voyage en France de Lord Granborne, que l’adjectif « grand » s’accole à « tour » ; dès lors le mot est anobli, à côté de «  travel  » et de «  journey  ». Sa légitimation intellectuelle, il la reçoit en 1670, dans l’ Italian Voyage de Richard Lassels : «  No man understands Livy and Caesar, Guicciardini and Monluc, like him, who has made exactly the Grand Tour of France and the Giro of Italy.  » Le discrédit vient cent ans plus tard, quand le succès même du grand-tourisme l’a exposé à la critique. Qu’il soit, vers 1770, tout à la fois pratique courante et objet de raillerie, c’est ce qu’attestent notamment les Dialogues de Richard Hurd 3 .

5 Pour nous demeurent trois certitudes. En premier lieu, le rôle des Anglais est décisif en cette affaire : créateurs incontestés d’une grande mode européenne, ils lui ont aussi donné son nom, en détournant des mots français dont le sens était fort prosaïque (voir Littré et son Dictionnaire de la langue française  : « Tour » était une « expression honnête des besoins naturels ». Exemple emprunté à Diderot : « Il allait se coucher dans un coin et demandait à faire son petit tour et son grand tour… »). Deuxièmement, le grand-tourisme survit longtemps à ses censeurs : en témoignent diverses rééditions du manuel de Thomas Nugent, intitulé Grand Tour précisément. En 1789 encore, le comte Berchtold, chambellan de l’empereur d’Autriche, publie une « méthode pour voyager 4  » à des fins pédagogiques. Bien que le titre de son ouvrage mette en avant l’idée de patrie ( Essay to direct and extend the inquiries of patriotic travellers ), l’auteur demeure très attaché à la tradition cosmopolite ; avec le zèle d’un philanthrope, héritier de l’ Encyclopédie , il rédige ses instructions pour un public extrêmement large. Et point seulement pour de jeunes nobles ; car le Grand Tour – troisième remarque – s’est modifié chemin faisant. La durée moyenne a diminué, ainsi que le coût de l’entreprise ; de nouveaux itinéraires se sont ouverts, surtout en Italie méridionale après la découverte d’Herculanum ; et de nouveaux travellers ont pris la route, hommes d’âge mûr ou d’influence, bourgeois cultivés et femmes d’esprit. Les voyages transeuropéens, dirions-nous en notre langage, ont dès lors changé d’aspect : « travaux dirigés » pour les cadets, mais « formation continue » pour les aînés.

6 Si donc elles n’ont pas inventé le Grand Tour, et si elles en ont hâté la fin, le fait demeure que les Lumières correspondent à son âge d’or. Âge des Travel books , des Tagebücher , des Itinéraires , qui s’ouvre avec la « crise de la conscience européenne » analysée par Paul Hazard ; c’est-à-dire, suivant cet auteur, avec la mutation culturelle des années 1680-1715, dont le prodigieux essor des voyages est l’une des marques les plus visibles. Saint-Evremond, dans sa comédie Sir Politick Would-be , faisait déjà dire à un Allemand :

Nous voyageons de père en fils, sans qu’aucune affaire nous en empêche jamais ; si tôt que nous avons appris la langue latine, nous nous préparons au voyage ; la première chose dont on se fournit, c’est d’un Itinéraire , qui enseigne les voies ; la seconde, d’un petit livre qui apprend ce qu’il y a de curieux en chaque pays. Lorsque nos voyageurs sont gens de lettres, ils se munissent en partant de chez eux d’un livre blanc, bien relié, qu’on nomme Album amicorum , et ne manquent pas d’aller visiter les savants de tous les lieux où ils passent, et de le leur présenter afin qu’ils y mettent leur nom.

7 Et Paul Hazard de commenter, en forçant à peine le trait :

Cet Allemand-là n’épargnait pas sa peine : il lui fallait gravir les montagnes, jusqu’à leur cime ; suivre les rivières de leur source à leur embouchure, en comptant tous les passages et tous les ponts ; étudier les ruines des amphithéâtres et les débris des temples ; voir, en prenant des notes, les églises, les abbayes, les couvents, les places publiques, les hôtels de ville, les acqueducs, les citadelles, les arsenaux ; relever les épitaphes des tombeaux ; n’oublier ni les clochers, ni les carillons, ni les horloges ; et tout abandonner pour courir ailleurs, s’il entendait parler du sacre du Roi de France ou de l’élection de l’Empereur 5 .

8 Tout voir, tout consigner et ne jamais perdre de temps : les règles sont strictes, que formulent les Instructions à l’usage des grand-touristes. Soyez « appliqué » et « diligent », écrit Colbert à son rejeton, le jeune marquis de Seignelay ; pareil conseil sera donné à trois générations de voyageurs, qu’une longue absence ne rebute pas. Des précepteurs, le plus souvent, veillent au sérieux de l’entreprise : François Misson, dont le Nouveau Voyage d’Italie (1691) devient un ouvrage de référence, sert de guide au comte d’Arran ; et le jeune La Galaizière, fils d’un chancelier du roi de Pologne, est escorté par Morellet. Il n’est pas rare que ces précepteurs aillent bien au-delà de leur mission : en rendant compte de leur expérience, sous forme de guide ou de journal, ils deviennent des médiateurs ; en publiant leurs comptes rendus, ils orientent les pas et la pensée de ceux-là même que le Grand Tour laisse totalement indifférents.

9 Car il est temps de le rappeler : la cohorte des voyageurs, que même les guerres ne peuvent arrêter 6 , ne comprend pas que des Touristes. Montesquieu n’est pas du nombre, non plus que Smollett ou Laurence Sterne ; et ce serait un grave abus que d’assimiler leurs équipées à celles des voyageurs traditionnels. Si un Caylus ou un Cochin s’attardent longuement en Italie, c’est en qualité d’artistes ou d’« antiquaires » ; quand Boswell se rend en Corse, c’est en songeant à Jean-Jacques Rousseau, dont il emporte dans ses bagages le Projet de constitution  ; quand le futur auteur de l’ Esprit des lois visite l’Allemagne et la Hongrie, la Hollande et l’Angleterre, sans oublier Gênes et Venise (1728-1731), c’est à des fins philosophiques – et notamment pour se convaincre, en observant sur leur terrain les mœurs des nations les plus diverses, qu’elles dépendent du sol et du climat. Quand Jean-Marie Roland se rend à Genève, avant de descendre jusqu’en Sicile (« s’il est un pays que la philosophie puisse contempler avec émotion, c’est la Suisse », écrit alors le futur ministre), il ne fait que son métier d’inspecteur des manufactures. Lettrés et savants, artistes et ingénieurs – sans parler des étudiants, proches mais distincts des grand-touristes – ont d’autres ambitions et d’autres soucis que les adeptes du voyage pédagogique ; impossible de les confondre, même si leurs chemins se croisent souvent. Chacun, du reste, tient à marquer sa différence, en affirmant singulières sa sensibilité et sa méthode ; chacun veut se distinguer non moins de ses pairs que des Touristes. Diderot exècre Caylus, les lettrés éreintent les antiquaires et Sterne se moque de tutti quanti. Les divergences peuvent être profondes : certains ne parcourent que le monde mondain, élargissant à l’Europe entière l’espace étroit des salons ; d’autres veulent servir une République (celle des Lettres, bien entendu) et en assurer le développement. Certains ne voyagent que dans les livres ; d’autres se font archéologues et donnent à l’histoire des bases nouvelles. Certains projettent dans l’avenir leur rêve d’une culture universelle ; pour d’autres, c’est dans les monuments de l’Antiquité que l’universel se donne à lire. Les Lumières rayonnent en sens divers, et il n’y a pas de voyageur-type (tout au plus des stéréotypes, qui justement creusent les écarts : spleen des Anglais, prodigalité des Russes, arrogance des Français, persuadés qu’à l’étranger on marche à quatre pattes et mange du foin 7 ).

10 Individuelles ou « nationales », imaginaires ou attestées, ne minimisons pas ces différences ; mais constatons que les voyageurs, dans les récits qu’ils nous transmettent, ont en commun le goût du savoir et font de la curiosité un leitmotiv. « Si vous êtes curieux, allez voyager », enjoignait en 1683 Trotti de la Chétarderie, dans ses Instructions pour un jeune Seigneur  ; retournant la formule, les Lumières exigent bientôt qu’en voyage l’on soit curieux. « Tout m’intéresse, tout m’étonne », la phrase de Montesquieu est exemplaire. Et plus on avance dans le siècle, plus s’élargit la catégorie de l’ intéressant  : une part croissante de l’attention se porte sur la vie politique et religieuse, sur la législation et le commerce ; sans cesser d’être sensible à la beauté des œuvres d’art, on commence à s’émouvoir (près de deux siècles après les peintres) devant celle des paysages. Non que tous les visiteurs éprouvent le même intérêt pour la « nature », ni le même désir de connaissance ; mais on observe quelques constantes, des habitudes et des réflexes, des comportements ou des tendances, qui même chez les moins philosophes des voyageurs témoignent d’un esprit philosophique. La curiosité elle-même a changé de sens : éclairée, elle ne se contente plus, comme au siècle précédent, d’accumuler les notations, de collectionner des raretés, de repérer des curiosa pour s’enchanter de leur profusion ; c’est la permanence d’une nature qu’elle s’efforce de détecter, sous la variété des coutumes. Si « la culture produit des fruits divers », comme l’écrit Voltaire dans l’ Essai sur les mœurs , « le fonds est partout le même » ; et l’exploration de ce fonds commun, pour les plus exigeants des voyageurs, devient une tâche prioritaire.

Du pédagogique au philosophique

11 Insistons. Le voyage transeuropéen, aux yeux de ses premiers promoteurs, relevait plus de l’apprentissage que de la recherche : au xvii e siècle, depuis l’ Itinerary de Fynes Moryson (1617) jusqu’au Nouveau Voyage d’Italie de François Deseine (1688), on l’a réputé essentiel à la formation de l’honnête homme. « De même que la transplantation fortifie une plante », selon l’expression de Deseine, il devait « rendre l’homme plus complet ». Cette idéologie éducative, fondée comme tout le classicisme sur les couples indissociables de l’utile et de l’agréable, de l’instruction et du plaisir, les Lumières ne la récusent pas officiellement ; mais elles la retravaillent et l’infléchissent dans une perspective beaucoup plus large, subordonnant la culture individuelle au progrès général des connaissances. Tout en s’appropriant le grand-tourisme, elles le transforment en profondeur. Les voyages, au temps de Colbert, avaient pour rôle de dégrossir les jeunes élites, de les initier à la vie de Cour, de les préparer le mieux possible à servir le souverain ; pour Berchtold, cent ans plus tard, c’est à toute « l’humanité », non moins qu’à sa « patrie » et à lui-même, qu’un voyageur doit se rendre utile 8 . Comment ? En enquêtant sur le terrain, suivant un plan préétabli (que l’ Essay fournit obligeamment) ; en constituant, dans chaque ville, un réseau d’informateurs ; en repérant, dans chaque pays, ce qui mérite d’être imité et peut enrichir le genre humain. Thomas Nugent pense de même : pas de voyage qui ne civilise ; et pour Burmann, tout voyageur digne de ce nom doit contribuer au bien commun, en faisant connaître ce qu’il découvre. Ainsi se rapprochent étroitement les notions de voyage et de progrès 9  ; même le Grand Tour, si tributaire d’une pédagogie d’aristocrates, peut se faire « philosophique ».

12 Cette philosophie emprunte deux voies, qui ne divergent qu’en apparence : l’exaltation du genre humain et la dénonciation de ses sottises. Pour les plus optimistes des voyageurs, se frotter aux divers peuples, à la variété de leurs usages, conduit au joyeux constat de leur accord en profondeur. Dans toute l’Europe se laisse déceler une possible entente entre les hommes. Alors les Lumières se teintent de rose, comme le rappelle Attilio Brilli :

La fortune littéraire du voyage est due à la foi renouvelée de ce siècle dans l’unité profonde de la nature humaine, de ses passions et des principes moraux qui doivent nécessairement la régir : unité qui transcende les coutumes, les lois, les langues des peuples et des nations […]. Sans cet optimisme fondamental, cette foi rationnelle dans l’unité de la nature humaine, dont la variété des usages et des coutumes n’est que l’habit multicolore et chamarré, le développement du Grand Tour aurait été inconcevable ; car il est le fruit passionné de la raison des Lumières, de sa foi dans l’homme, de son esprit cosmopolite, de sa volonté de ne voir, représenter et décrire le différent, l’inhabituel ou l’étrange qu’à travers le prisme d’une idée ou d’une morale commune, d’une conception « moyenne » de la nature, d’un principe d’uniformité, éthique et esthétique, qui définit les hommes et les choses, les paysages et les villes 10 .

13 Reste que la plupart de nos auteurs ont adopté un autre ton : le « différent », l’« inhabituel » et l’« étrange », ils le soumettent à la critique, voire à la satire la plus féroce. S’écarter de la « morale commune », ou du « principe d’uniformité », c’est s’exposer à leurs sarcasmes, instruments d’une raison assez difficile à distinguer de l’universalisme ethnocentrique. Exemple tiré de Guyot de Merville :

Lorsque [les Pisans] haïssent quelqu’un, et qu’ils veulent lui faire du mal, ils ont une manière de le battre tout à fait particulière. Ils prennent un sac, qu’ils remplissent d’os de femmes mortes dans la même année. Ensuite, ils vont trouver la personne à laquelle ils en veulent, et lui donnent dix ou douze coups avec ce sac. C’est une chose étonnante que l’effet de ces os. La personne ainsi battue a à peine la force de marcher, et elle tombe insensiblement dans une espèce de consomption, en sorte qu’il ne lui reste que la peau et les os, et qu’elle ne vit ordinairement, à ce qu’on dit, qu’autant de jours qu’elle a reçu de coups. C’est ce qui a donné lieu de dire que la femme est le plus méchant animal qui soit au monde, parce qu’elle est méchante encore un an après sa mort 11 .

14 Mais la cible privilégiée, c’est la superstition sous toutes ses formes ; et le plus rude bretteur, à cet égard, est sans conteste François Misson. Théoricien du récit de voyage (genre mixte, explique-t-il, à mi-chemin du roman et de l’érudition historique), l’auteur du Nouveau voyage d’Italie fait aussi figure de polémiste : on l’a perçu comme un héraut de l’armée anti-papiste. Ennemi farouche du mensonge – « la plus vilaine des choses du monde » –, ce huguenot fournit de nouvelles armes à la lutte contre les dogmes ; inédits et souvent drôles, ses arguments sont repris par les Lumières et nourrissent leur propagande 12 . Voltaire en fait bon usage, notamment à l’article « Âne », dans son Dictionnaire philosophique. Le suaire de Turin, le sang de saint Janvier à Naples, les « fatras d’os et de haillons sacrés » que sont à ses yeux les reliques : autant de thèmes qu’exploite Misson pour dénoncer les miracles, pourfendre les parti-pris et signaler (comme le fera Sade) ce que le catholicisme a de païen. Revu et conté par ce voyageur, le Grand Tour reste une école, mais de doute philosophique ; l’un de ses bienfaits principaux étant de séparer foi et raison. Dans cette tradition protestante, on verra aussi s’inscrire le sceptique Burnet, le rationaliste Charles Étienne Jordan ( Histoire d’un voyage littéraire, 1736), le boulimique Blainville ( Travels through Holland, Germany, Switzerland, Italy , traduction anglaise d’un original perdu). Tant il est vrai qu’un lien étroit unit les Lumières à la Réforme : « Les diverses nations de l’Europe, note Addison, se sont tirées de leur ignorance à proportion qu’elles ont eu commerce avec les Églises réformées. »

La raison en vacances 13

15 Éloge du cosmopolitisme, critique des superstitions : les plus éclairés des voyageurs n’ont dédaigné ni l’un ni l’autre. Mais leur contribution aux Lumières peut s’avérer plus subtile ; sur un mode léger, voire spirituel, certains assimilent leurs aventures – tels Charles de Brosses et Dupaty – aux aventures de la raison. Entre celle-ci et le voyage, ils nouent un lien d’analogie. Suivant une remarque d’Enzo Cocco, leurs équipées prennent un sens métaphorique : elles représentent, en l’amplifiant, la dynamique même de la pensée ; elles extériorisent en quelque sorte, en les inscrivant dans un espace, les mouvements intimes de la raison. Elles traduisent son cheminement, elles rendent visibles ses procédures. Observation des phénomènes, mise à distance et ironie, séparation du sujet et de l’objet. Ce qu’est la rationalité critique, nos voyageurs – précisément parce qu’ils voyagent – savent l’exprimer fort concrètement ; et leurs gestes mêmes, en bien des cas, sont plus explicites que leurs propos. Caractéristique, à cet égard, est le comportement de Montesquieu, qui à peine arrivé dans une ville se perche sur le plus haut des monuments : tant il lui importe de dominer le chaos urbain, d’organiser ses sensations, de préserver toute sa personne des séductions de l’indistinct. Aux sens propre et figuré, il lui faut prendre de la hauteur, pour orienter ses analyses et bâtir son savoir méthodiquement. Par sa posture même, le voyageur dit l’éminence de la raison. Autre exemple chez Dupaty, qui raconte plus naïvement son plaisir d’être supérieur  :

Je ne pouvais me lasser de parcourir cette étendue de Forum  ; j’allais d’un débris à l’autre, d’un entablement à une colonne, de l’arc de Septime Sévère à celui de Titus ; je m’asseyais ici sur un fût, là sur un fronton, plus loin sur un pilastre. J’avais du plaisir à fouler sous mes pieds la grandeur romaine : j’aimais marcher sur Rome 14 .

16 Par de menus propos de ce genre, qui pullulent dans leurs récits, les voyageurs nous en disent long sur l’idéologie de leur époque, sur leurs passions et leurs espoirs, sur la subjectivité moderne et ses parcours. Ils nous racontent les rêves du siècle, la découverte du pittoresque, le triomphe des sensations ; disciples de Locke à leur insu, ils prônent une esthétique du sentiment ; et à les lire, on comprend comment se développe une conception nouvelle de l’expérience 15 .

17 Même en voyage, même en vacances, la Raison reste opérante ; elle agit seulement d’une autre manière, trop souvent inaperçue. Shaftesbury, dans ses Miscellaneous Reflections , compare les ouvrages majeurs des philosophes à des navires de haut bord ; les essayistes, au contraire, naviguent sur de petites embarcations 16 . Filons la métaphore : portés par des esquifs encore plus frêles, les auteurs de récits de voyage échappent aisément à l’attention ; personne ne semble les remarquer sur les voies royales de la connaissance. Ils les suivent pourtant, ou les balisent, ballottés dans les remous des grandes aventures intellectuelles. Et si la puissance leur fait défaut, il leur reste l’agilité 17 .

Notes de bas de page

1 Parmi bien d’autres, on peut consulter l’anthologie The Age of the Grand Tour , Londres, 1967, avec une introduction de A. B urgess et F. H askell  ; les études de G. T rease , A History of the Golden Age of Travel. The Grand Tour , New York, 1967 ; C. H ibbert , The Grand Tour , Londres, 1969 ; R. S hackleton , « The Grand Tour in the Eighteenth Century », dans L. T. M ilic (éd.), Studies in the Eighteenth Century Culture , 1971 ; A. B rilli , Il viaggio in Italia. Storia di una grande tradizione culturale dal xvi al xix secolo , Milan, 1987 ; G. E. V iola , Viaggiatori del Grand Tour in Italia , Milan, 1987.

2 Cité par Mona O zouf , « Voyages en France dans la décennie révolutionnaire », dans W. F rijhoff et R. D ekker (éd.), Le voyage révolutionnaire , Hilversum, Verloren, 1991, p. 15.

3 Le témoignage de H urd ( Dialogues on the Uses of Foreign Travel , 1764), comme celui d’Adam S mith ( The Wealth of Nations , 1776) et de John M oore , governor du duc de Hamilton et de lord Lauderdale ( View of Society and Manners in Italy , 1781), est invoqué par C. de Seta dans L’Italia del Grand Tour da Montaigne a Goethe , Naples, Electa, 1992, p. 63.

4 J’emprunte l’expression à E. C hevallier , « Une méthode universelle pour voyager avec profit, par le comte Leopold Berchtold », dans Dix-huitième siècle , n° 22, 1990, p. 13-20.

5 P. H azard , La crise de la conscience européenne, 1680-1715 , Paris, Fayard, 1961 ; réédition 1985, p. 5-6.

6 À ce propos, et bien qu’il évoque tout autre chose qu’un Grand Tour, on cite souvent ce passage du Voyage sentimental de Sterne : « J’avais quitté Londres [pour Paris] si précipitamment, qu’il ne m’était pas venu à l’esprit que nous étions en guerre avec la France. »

7 L’expression est de Grimm. Pour sa part, dans une lettre du 30 mai 1779, Sade a dit combien ses compatriotes l’exaspéraient en Italie : « On ne rend point l’excès de la fatuité, de l’impertinence avec lequel nos élégants voyagent ; ce ton de dénigrement avec lequel ils parlent de tout ce qu’ils ne conçoivent pas, ou de tout ce qu’ils ne trouvent pas chez eux. » Cité par Ch. T homas , Sade, Paris, Seuil, 1994, p. 52.

8 Voir la préface de B erchtold à son Essay  : « J’ai pensé qu’après avoir acquis une connaissance de son pays, on pouvait, avec quelques instructions préliminaires et avec une attention bien dirigée, se rendre capable d’entreprendre des voyages aussi utiles à l’humanité qu’à sa propre patrie. » Cité par E. C hevallier , art. cit., p. 14.

9 Voir à ce sujet R. P omeau , « Voyage et Lumières dans la littérature française du xviii e siècle », dans Studies on Voltaire and the Eighteenth Century , t. 57, 1967, p. 1269-1289.

10 A. B rilli , Le Voyage d’Italie , traduction française, Paris, Flammarion, 1989, p. 52-53.

11 M. G uyot de Merville , Voyage historique d’Italie , La Haye, 1729.

12 Voir à ce sujet la contribution de P. L aubriet , « Les guides de voyage au début du xviii e siècle et la propagande philosophique », dans Studies on Voltaire and the Eighteenth Century , t. 32, 1965, p. 269-325 ; ainsi que H. H arder , Le Président de Brosses et le voyage en Italie au xviii e siècle, Genève, Slatkine, 1981 ; et R. M ortier , « Les voyageurs français en Italie et le débat sur les institutions au xviii e siècle », dans Modèles et moyens de la réflexion politique au xviii e siècle , t. I, Lille, 1976.

13 L’expression est de F. M oureau (« L’œil expert : voyager, explorer », dans Dix-huitième siècle, n° 22, 1990, p. 6).

14 Ch. Mercier D upaty , Lettres sur l’Italie , Paris, 1788 (cité d’après mon anthologie Italies , Paris, Laffont, 1988, p. 67).

15 Sur le rapport entre expérience et science moderne, voir les remarques éclairantes de G. A gamben dans Enfance et histoire. Dépérissement de l’expérience et origine de l’histoire , Paris, Payot, 1989, p. 24-32.

16 La comparaison pourrait s’appliquer aux contes de Voltaire, note Enzo C occo , envers qui je suis heureux de redire ici ma dette. D’une manière générale, il faudrait rappeler l’importance des voyages fictifs, exclus du présent exposé.

17 Une variante du présent article, intitulée « Sur les routes d’Europe », a été publiée dans les actes du colloque L’Homme des Lumières , sous la direction de Ph. R oger , Naples, Vivarium, 1995.

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Tourisme, l’industrie de l’évasion

Du «   grand tour   » à Sciences Po, le voyage des élites

Parcourir le monde pour conserver sa place... Ou comment, depuis le XVIIe siècle, la domination locale se régénère à l’étranger.

P our qui aspire aux positions sociales les plus élevées, apprendre à être à l’aise dans des contextes sociaux et culturels divers représente un atout majeur. Au XVIIe siècle déjà, le «   grand tour   » parachevait l’éducation des jeunes aristocrates. Ce voyage de plusieurs mois les amenait non seulement à rencontrer des savants et à se mêler à leurs pairs d’autres pays, mais aussi à s’encanailler en vivant dans des conditions matérielles moins confortables qu’à l’accoutumée.

Le «   grand tour   » n’a pas disparu. Des écoles prestigieuses ont même intégré ce type de séjour à leur cursus : «   Dans un monde aux frontières de plus en plus ouvertes, la formation se doit d’être internationale   », peut-on ainsi lire sur le site Internet de Sciences Po. C’est que, comme l’explique le sociologue Norbert Elias, à mesure que la violence physique recule dans la vie sociale, la distinction se met à reposer sur des pratiques pacifiées : il ne s’agit plus de montrer sa force, mais ses qualités culturelles, son adresse, son prestige, sa capacité à alimenter les conversations mondaines. Autant d’aptitudes que les voyages aident à développer.

A l’origine, le «   grand tour   » — qui a donné le mot «   tourisme   » — représentait la dernière étape de la formation des jeunes aristocrates dans la quasi-totalité des pays européens, et en particulier en Grande-Bretagne. Au-delà de l’objectif éducatif attaché au voyage académique — visant à produire des jeunes scholarly trained («   familiers du monde des idées   ») —, il propose un autre but : devenir civilly trained («   familiers des civilités   »), selon la distinction opérée par sir William Cecil, secrétaire d’Etat de la reine Elisabeth Ire.

Certains se mettent en quête de sacré, d’autres d’érudition ou encore du sentiment de découverte, d’esthétisme. Mais, durant leur voyage, ils font largement ce qu’ils veulent, car, selon l’historien Marc Boyer, leurs apprentissages fondent avant tout ce qui les distingue en tant qu’élite par rapport aux autres. Qu’importe, dès lors, «   si les jeunes nobles fréquentent les académies (...)

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Dossier Tourisme, l’industrie de l’évasion

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L’avènement du tourisme de masse... Près de chez soi

En perspective, prisonniers de la mobilité, la fracture sociale de la «   mobilité   ».

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Traductions de cet article.

  • Español —  Del “gran viaje” a Sciences Po, el viaje de las elites
  • English —  Grand Tour with a degree

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La place du voyage dans les sociétés européennes (XVIe-XVIIIe siècle)

Loin d’être une activité marginale ou un luxe réservé aux élites, les voyages ont joué un rôle essentiel dans le façonnement des sociétés européennes à l’époque moderne, révélant combien les groupes humains n’ont jamais eu d’identités totalement stabilisées. À côté du Grand Tour qui se constitua dès le xvi e   siècle comme un modèle alternatif à celui des pèlerinages, l’Europe d’avant les chemins de fer connut de nombreuses autres pratiques du voyage, de l’administrateur au marchand ou à l’homme de science. Tous  ces voyages favorisèrent la répétition de modèles et servirent à confirmer ce que chacun savait déjà, à nouer des contacts entre partenaires qui se comprenaient, tels les nobles, ou encore à propager des idéaux auprès de ceux qui les ignoraient. Mais, en obéissant à une logique de dépaysement consubstantielle à la culture occidentale, la circulation des personnes bouleversa aussi les visions de départ et amena à recomposer la carte du continent européen. L’imposante activité d’écriture des relations de voyage contribua de son côté à marginaliser ou à rapprocher les espaces. Les voyages n’allèrent pas non plus sans provoquer des souffrances. Ils furent une expérience difficile et âpre, où chaque individu se heurtait à des obstacles, notamment physiques, et tentait de se prémunir contre les risques encourus en faisant pression sur les États pour qu’ils favorisent la sécurité et l’entretien des routes et en recourant à des instruments de guidage et de mesure de l’espace.

Far from being a marginal activity or a luxury that was the preserve of the elites, journeys played a vital role in the development of European societies in the early modern period. It demonstrates that groups of people have never had fully stable identities. There was the Grand Tour that offered from the 16th century onwards an alternative model to pilgrimages, but pre-railway Europe also witnessed other types of journeys involving administrators, merchants or scientists. All these journeys encouraged the repetition of models and helped to confirm what was already known, put similar people in contact with each other (as with members of the nobility), or to disseminate ideals. But with such changes of scenery within the western world, the circulation of people transformed their founding vision and brought about a reconfiguration of the map of Europe. The substantial writing activity that accompanied these journeys either marginalised or reduced distances. The journeys were not without suffering. They were difficult and harsh, every individual faced obstacles, some of which were physical, and sought to reduce risks by pressurising states into improving the safety and state of the roads and by using guidance tools and instruments to measure distances.

Texte intégral

  • 1 Maczak, Antoni, Travel in early modern Europe , Cambridge, Polity press, 1995 ; Black, Jeremy, (...)

1 Dans les sociétés européennes à l’époque moderne, le voyage fut tout sauf une activité marginale ou un luxe réservé aux élites. Il a joué un rôle essentiel dans le façonnement des groupes, révélant combien ceux-ci n’eurent jamais d’identités durablement stabilisées. On interrogera les modèles qui présidèrent à cette forme de mobilité en distinguant ici le voyage autant de l’errance des vagabonds, cherchant pitance sans savoir où ils allaient, que des grandes migrations collectives, ou « remues d’hommes », liées au travail ou à des contraintes religieuses et politiques. Certes ces dernières ont pu générer des expériences individuelles vécues comme des voyages. Mais en tentant de dégager quelques traits de ce phénomène en Europe, nous nous demanderons quelle a été, en premier lieu, la valeur heuristique du Grand Tour. Si cette pratique de voyage des élites en formation devint, dès les années 1530, une référence intellectuelle, sociale, esthétique, politique et morale, l’Europe n’en a pas moins connu de nombreuses autres sortes de voyages, du pèlerin au marchand et à l’érudit ou l’homme de science, sans oublier l’impact qu’eurent sur le continent les voyages des missionnaires, des explorateurs, des marins ou des soldats. Or, ces pratiques dessinent une cartographie façonnée par une série de modèles à travers lesquels la connaissance de l’espace s’est opérée et a modifié les relations entre les individus. En second lieu se pose la question des conditions de voyage. À l’époque antérieure aux chemins de fer qu’ont décrite Antoni Maczak, Jeremy Black et Daniel Roche 1 , où l’on se déplaçait au rythme du vent, du cheval ou de la marche à pied, il importe d’évaluer le poids des contraintes matérielles et politiques et la manière dont elles s’articulèrent avec des considérations d’ordre intellectuel, sachant que le voyage tire avant tout sa spécificité de la conscience de l’acte accompli et du désir d’en faire mémoire.

2 Nicot, Jean, entrée « Voyage », Le Thresor de la langue francoyse , Paris, David, 1606.

  • 3 Huguet, Edmond, « Voyage », Dictionnaire de la langue française du seizième siècle , Paris, Di (...)
  • 4 Chevalier de Jaucourt, article « Voyage », dans Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné d (...)

2 Le voyage est une activité humaine qui a évolué entre le xvi e et le xviii e siècle mais des éléments de définition récurrents peuvent être mis en évidence. S’écartant du vagabondage ou de la promenade, l’idée que l’on s’en fait alors se nourrit de ceux qui étaient pratiqués vers Rome ou vers Jérusalem. Il reste qu’au xvi e  siècle le terme « vient de ce mot Voye, et se prent pour le traict de tout un chemin entreprins par aucun, Profectio , Peregrinatio  » et il se dit « aussi pour une expedition de guerre, Expeditio 2  »   ; tandis qu’au xviii e  siècle il a perdu la connotation de « campagne de guerre 3  » pour n’être plus qu’un « transport que l’on fait de sa personne d’un lieu où l’on est en un autre assez éloigné 4  ». L’accumulation des connaissances et le divertissement y sont devenus prépondérants. La perspective d’un retour s’impose pour qu’un « voyage » soit vécu comme tel, même s’il existe des voyages sans retour.

3 Trois grands motifs vont nous aider à structurer une réflexion dont nous espérons que son degré de généralité ne la rendra ni trop abstraite, ni surtout erronée. Les voyages à l’époque moderne favorisèrent tout d’abord la répétition de modèles et servirent à confirmer ce que chacun savait déjà, à nouer des contacts entre partenaires qui se comprenaient, tels les nobles ou les marchands, ou encore à propager des idéaux auprès de ceux qui les ignoraient par le biais de l’évangélisation, du prosélytisme et de la propagande. Mais, en répondant à une logique de dépaysement consubstantielle à la culture occidentale, ils suscitèrent aussi des changements par rapport aux visions de départ. Ils participèrent à un remodelage continuel des identités, recomposant la carte du continent européen autant par la circulation des personnes que par celle des objets, des marchandises et même des valeurs et façons d’appréhender l’autre, en plaçant ce dernier au cœur ou aux marges d’un espace mental. Enfin, les voyages n’allèrent pas sans provoquer des souffrances. Ils furent souvent une expérience difficile et âpre, où chaque individu se heurtait à de nombreux obstacles, notamment physiques. Il y fallait sans cesse se prémunir contre l’incertitude et les risques encourus, en profitant de routes aplanies et régularisées, de guides, de descriptions, de cartes et d’instruments de mesure qui rassuraient et transmettaient des savoirs partageables.

Le voyage légitime et renforce l’ordre social et politique au sein de l’Europe

  • 5 Grendi, Edoardo, « Dal Grand Tour a “la passione mediterranea” », Quaderni storici , (...)

4 Le modèle le plus emblématique du voyage entre le xvi e et le xviii e siècle reste celui des jeunes nobles que l’historiographie du xx e  siècle a célébré sous le vocable de Grand Tour, en en faisant un critère de définition pour une Europe qui avait besoin de se légitimer dans sa structure et ses pouvoirs. Pour les élites en formation, futurs administrateurs de l’Europe des princes, la pratique voyageuse faisait écho aux guerres et aux pèlerinages, mais elle s’imposa comme un mode d’être et devint un épisode éducatif obligé à partir du xvi e  siècle. Un voyage de connaissance se construisit dans le sillage de la révolution éducative anglaise, où l’identité des plus riches Européens allait se forger à travers l’expérience de la rencontre et du contact avec les autres. Ce mode de déplacement supposait une durée assez longue et un retour dans la société de départ au bout de plusieurs mois, voire de plusieurs années. Il était motivé par la nécessité de connaître ses pairs et ses semblables en sillonnant le continent et il valorisait une Europe des villes et des cours, où les séjours se partageaient entre les académies, les églises, les salons, les théâtres, les bibliothèques et les collections d’art ou de science naturelle. Le modèle était certes plus complexe qu’on ne l’a parfois dit car on ne voyageait pas seulement du Nord au Sud de l’Europe, et les buts et la durée étaient variables. Les objets de la curiosité évoluèrent entre le xvi e et le début du xix e  siècle, des savoirs antiquaires à l’archéologie, des villes aux montagnes, des rivages de la Méditerranée jusqu’à des territoires situés aux confins de l’Europe « civilisée ». Le Grand Tour, en outre, ne recouvre pas toutes les pratiques de voyage de jeunes gens à cette époque, pas plus qu’il ne suffit à éclairer l’histoire des relations interculturelles. C’est pourquoi sa validité en tant que modèle explicatif des interactions culturelles fut critiquée par Edoardo Grendi dans le cas des relations anglo-italiennes 5 .

Le Grand Tour, une expression qui ne va pas de soi, mais qui désigne la circularité du voyage des élites

  • 6 Boutier, Jean, « Le “Grand Tour” des élites britanniques dans l’Europe des Lumières : la (...)
  • 7 Lassels , Richard, The voyage of Italy, or a    Compleat Journey through Italy, Paris/Londres, (...)

5 L’idée de Grand Tour n’en continue pas moins d’avoir un grand succès aujourd’hui, surtout en Italie, en Angleterre et dans une moindre mesure en France, pays tous profondément marqués par le concept de « civilisation » européenne forgé au cours des années 1750-1760 dans la continuité du principe humaniste de la « civilité ». Elle correspond à une pratique collective des élites européennes à l’époque moderne, à commencer par les Anglais dès les années 1530, ainsi que l’a montré Jean Boutier 6 . On n’utilisait pourtant pas encore l’expression de « Grand Tour » lorsque William Cecil en 1609, puis Lord Granborne en 1636 évoquèrent leur « tour de France ». L’expression se serait répandue, dit-on, à partir de l’ Italian Voyage de Lassels en 1670, mais en ne se référant qu’au tour dans un, tout au plus dans deux pays : « No man understands Livy and Caesar , Guicciardin and Monluc , like him, who hath made exactly the Grand Tour of France and the Giro of Italy 7 . » Il fallut plusieurs décennies, en passant par une période où l’on n’évoquait que le Grand Tour de France – iter gallicum –, d’Italie – iter italicum – ou d’Allemagne – iter Allemannicum –, pour en arriver au milieu du xviii e  siècle à l’idée d’un tour d’Europe, véritable parcours désormais généralisé au sein du continent. L’expression Grand Tour fut cependant peu utilisée à l’époque de sa splendeur supposée même si la critique contemporaine, notamment anglo-saxonne, s’est souvent plu à définir le xviii e comme le siècle par excellence du voyage. C’est surtout au xx e  siècle qu’on en a parlé, et encore guère dans l’espace germanique, polonais ou russe, les Allemands préférant l’idée du « monde expérimenté » ou celle d’« apprendre le monde ». Dans son article « Voyage » de l’ Encyclopédie , paru en 1765, Jaucourt l’ignore. On ne rencontre en définitive cette expression qu’une fois dans un titre du xviii e  siècle, à savoir chez Thomas Nugent dans The Grand Tour, or a journey through the Netherlands, Germany, Italy, and France . Paru en quatre volumes en 1749, réédité en 1756 et en 1778, cet ouvrage informait sur les auberges, les routes, les liaisons maritimes et les lieux du continent à visiter. Les autres guides, repris par certains journaux de voyage, s’en tinrent au mieux au « Tour », tels ceux de Thomas Martyn en 1787 ( The gentlemen’s Guide in his Tour through Italy ) ou de James Smith en 1793 ( A Sketch of a Tour on the continent in the year 1786-1787 ).

6 Il reste que rien ne nous interdit de qualifier de « Grand Tour » un type de voyage marqué par l’idée de circularité, fût-il limité à quelques pays du centre-ouest européen : le « tour » implique une ligne courbe et qui se referme, un mouvement sur soi-même. Si les itinéraires fluctuent, ils restent perçus comme circulaires et sont ponctués d’étapes obligées avant le retour au lieu de départ. C’est ce que nous montre la carte des voyages accomplis par Thomas Coke sur le continent de 1712 à 1718. Se bornant à la France, à l’Italie, à la Suisse et à l’Allemagne jusqu’à Vienne et Prague, celle-ci contraste avec celle que l’on peut construire en visualisant les parcours qu’énumère le courrier vénitien Giovanni Maria Vidari. Dans son manuel des routes publié en 1718 et réédité en 1764, le Viaggio in pratica , ce dernier propose une multiplicité d’itinéraires enchevêtrés qui couvrent l’ensemble de l’Europe, de l’Espagne à la Russie. Cette différence achève de nous prouver que le Grand Tour est sélectif, à l’instar de la géographie « lotharingienne » que le Nouveau Voyage d’Italie de Maximilien Misson dessine en 1691, des Pays-Bas à l’Italie en passant par le Rhin, la Bavière, le Tyrol et au retour la Suisse.

Une éthique du voyage cultivé entre lecture, expérience du monde et écriture

7 Le Grand Tour se définit en relation avec la conception que l’on se faisait du voyage cultivé aux xvii e et xviii e  siècles, en tant que partie intégrante de l’éducation, utile aux jeunes gens. Cette vision esquissée par Juste Lipse en 1578 s’affirma dans l’essai de Bacon sur le voyage, « Of travaile » (1625), et perdura jusqu’aux dictionnaires du xviii e  siècle : « Voyager est pour la jeunesse une forme de l’éducation, pour les aînés une forme de l’expérience. [… il faut] que les jeunes gens voyagent sous la conduite d’un précepteur ou d’un serviteur [… qui] possède la langue du pays […] ». Bacon énumérait ensuite les choses « à voir et à étudier ». Dignes « de mémoire » lui paraissaient les cours des princes et de justice ainsi que les assemblées ecclésiastiques, les églises, les monastères et leurs souvenirs issus du passé, les remparts et fortifications des villes, les ports, les antiquités, bibliothèques et universités, les navires de commerce et de guerre, les châteaux et jardins d’apparat, les arsenaux, marchés et entrepôts, les exercices d’équitation, les théâtres et cabinets de curiosité.

8 Ehrard, Jean, Montesquieu critique d’art , Paris, PUF, 1965.

8 Pourquoi voyageait-on ? Le motif social était déterminant, mais le désir de connaissance entrait en ligne de compte et c’est pour cette raison qu’on a parfois confondu le voyage des jeunes nobles avec celui des philosophes, bibliothécaires, hommes de lettres ou nobles d’âge plus avancé. De Leibniz, qui avait 43 ans en 1689, à Montesquieu, âgé de 39 ans en 1728, ou plus tard à Moszynski, noble polonais mort à Padoue en 1786 à l’âge de 55 ans, nous n’avons pas affaire à d’authentiques Grands Tours bien qu’ils aient parfois été ainsi qualifiés et qu’ils aient également été des voyages de découverte : ainsi Montesquieu découvrit-il l’art en Italie 8 . Le Grand Tour n’était pas un voyage d’adultes, mais une expérience de formation, élaborée en relation avec des théories éducatives. De ce fait, il était susceptible de s’appliquer aussi à de jeunes marchands ou artistes, pourvu que ceux-ci aient réalisé un tour articulé en ne se contentant pas de joindre leur destination en ligne droite ou en ne se limitant pas à leur activité professionnelle.

  • 9 Misson, Maximilien, Voyage en Italie , Utrecht, Guillaume van de Water et Jacques van (...)

9 De même que Baudelot de Dairval recommandait aux voyageurs en 1686 de « s’instruire par eux-mêmes des choses » ( De l’utilité des voyages ), le huguenot Misson exigeait d’eux dans son « Mémoire pour les voyageurs » qu’ils recourent aux services d’un connaisseur, examinent de leurs propres yeux ce qui se présentait à eux « sans regarder les livres autrement que comme des aides » et ne manquent pas « chaque soir, de transcrire les choses que l'on a observées » en vue de leur journal 9 . C’était là valoriser l’expérience personnelle, quand bien même Misson jugeait que le guide était nécessaire et dressait en même temps un « catalogue des principales choses dont on peut souhaiter d’être instruit ».

  • 10 Article « Voyage », dans Dictionnaire universel françois et latin , dit Dictionnaire de Trévoux , 174 (...)

10 Les dictionnaires du xviii e siècle allèrent dans le même sens : « on voyage par curiosité. Les voyages sont nécessaires à la jeunesse pour apprendre à vivre dans le monde. [Même si] Strabon dit que quiconque raconte ses voyages ment […], il n’y a rien de plus instructif que la lecture des voyages 10  ». Aux voyages physiques s’ajoutait la lecture de leurs récits. Jaucourt précise encore dans l’ Encyclopédie  : « Les grands hommes de l’Antiquité ont jugé qu’il n’y avoit de meilleure école de la vie que celle des voyages , école où l’on apprend la diversité de tant d’autres vies, où l’on trouve sans cesse quelque nouvelle leçon dans ce grand livre du monde, & où le changement d’air avec l’exercice sont profitables au corps & à l’esprit. »

11 Le but du Grand Tour à travers l’Europe était donc triple. En continuité avec la révolution éducative anglaise du xvi e  siècle, le voyageur devait réaliser une expérience physique en se déplaçant loin des livres, au contact avec les gouvernants, les hommes et les paysages des pays « réels ». Sans négliger le divertissement et la jouissance, l’objectif était ensuite d’apprendre en voyageant. Emboîtant le pas à une historiographie certes réductrice par rapport à la variété des itinéraires accomplis, la vedette de la Bibliothèque nationale de Paris indique que « les Tours d’Europe sont des voyages effectués dans les principaux sites touristiques d’Europe par des jeunes des hautes classes de la Grande-Bretagne et d’Europe du Nord pour compléter leur éducation, du xvi e au xix e  siècle ». La composante éducative qualifiait le Grand Tour par opposition aux voyages du marin, du prêtre, du soldat ou du marchand, qui, eux, étaient liés à une activité ou à une profession spécifique. Enfin, l’expérience physique était doublée par un acte de restitution, l’écriture ou éventuellement le dessin. Le texte était soit destiné au seul voyageur et à sa descendance, soit à des pairs ou amis auxquels l’auteur s’adressait par lettre pendant le voyage. Le voyage était donc narré par celui qui l’accomplissait. Cette forme non matérielle a justifié que l’on parle de « voyages » à propos des livres de voyage et elle commençait dès le moment de la déambulation, grâce aux notes prises sur un carnet afin de ne pas oublier les détails qui le soir ou les jours suivants étaient mis en forme dans un journal ou récit.

Un voyage confortable, aux antipodes du risque : l’Europe à l’usage des élites

12 Les motivations sociales du voyage justifiaient la primauté des parcours urbains. Ce sont eux que privilégièrent les jeunes membres des élites européennes dans le cadre du Grand Tour. Complétant la formation reçue dans les collèges ou auprès de précepteurs, ils suivaient à travers le continent des voies fréquentées et recouraient aux lettres de recommandation. Un courrier précédait à cheval la voiture afin de régler les détails logistiques et d’assurer le meilleur accueil à chaque étape. L’important à l’arrivée dans une ville était d’y être déjà connu, de façon à trouver ouvertes les portes d’un palais où loger, et à être mis en contact avec les personnes qui faciliteraient la participation aux mondanités et aux spectacles musicaux ou théâtraux.

  • 11 Chapron, « "Avec bénéfice d'inventaire" ? Les lettres de recommandation aux voyageurs dans (...)

13 La lettre de recommandation, dont la pratique nous est maintenant mieux connue grâce à Emmanuelle Chapron 11 , faisait partie de tout un ensemble d’« écritures » dont le voyageur se munissait avant de partir : passeports, lettres de crédit, billets de santé, certificats maçonniques, cartes et guides. C’était un accessoire de voyage destiné à créer du lien social dans un rituel de formation fondé sur la fréquentation des hommes. Grâce aux recommandations, le voyageur trouvait aisément un guide en chair et en os pour visiter les villes et leurs monuments. Il accédait à la sphère de la sociabilité urbaine en étant présenté aux gens de science et introduit dans les salons ou les loges d’opéra. Il bénéficiait des avantages matériels du logement, de la nourriture, du prêt de voitures, et était aidé pour préparer la suite de son voyage. Le nombre de ces lettres s’accrut toutefois si sensiblement, alors que l’on racontait de plus en plus les péripéties et aventures individuelles en voyage, qu’à partir des années 1770 elles suscitèrent une méfiance qui mit en cause leur valeur sociale. Leur pratique s’affaiblit. Il y eut des voyageurs déçus, une subtile rhétorique de la lettre permettant à celui qui l’écrivait de faire comprendre à son correspondant qu’il ne devait pas se sentir trop « obligé » vis-à-vis de la personne recommandée. Après avoir réservé des espaces d’excellence à des voyageurs de rang élevé, membres des salons et des cours, le guidage des relations interpersonnelles fit place à une économie pré-touristique tournée vers la consommation. L’affaissement du signe distinctif de la recommandation conduisit à en repenser l’usage : la lettre se transforma en un instrument de travail professionnel pour les musiciens, les diplomates ou les gens de science.

14 Qu’allait-on voir ? Que l’on cherchât les sources de l’art en Italie ou des modèles politiques alternatifs en Suisse, aux Provinces-Unies ou en Angleterre, l’Europe des voyageurs du Grand Tour se limitait aux villes ; elle était parcourue sans accorder d’importance aux paysages intermédiaires. Aux yeux de Montesquieu, qui à défaut d’accomplir un Grand Tour dont il n’avait plus l’âge n’en fit pas moins un tour d’Europe en 1728-1729, les montagnes étaient un « rien » et, pour être jugées dignes d’être observées par ce propriétaire viticole, les campagnes se devaient d’être bien cultivées. Il est vrai que Montesquieu vérifiait l’exactitude des distances indiquées sur les cartes de Delisle qu’il utilisait. Mais, dans la plupart des cas, les voyageurs n’ouvraient pas même les rideaux aux fenêtres de leurs voitures, à tout le moins jusqu’aux années 1770. C’est alors que se développa une attention à ce qui advenait durant la déambulation ainsi qu’aux paysages défilant sous les yeux du voyageur.

15 La force de ce centrage sur quelques lieux urbains au cours de l’expérience du Grand Tour ressort du récit qu’Edouard Gibbon fit de son périple de neuf mois sur le continent en 1764. Pascal Griener a montré la place capitale, réductrice des autres étapes, que Gibbon assigna, non dans son journal de voyage mais dans ses Mémoires, au choc éprouvé un jour d’octobre 1764 dans le forum romain :

12 Traduit d’après le passage cité par Pascal Griener , « Le Grand Tour comme expérience myst (...) « C’était à Rome, au 15 octobre 1764, alors que j’étais assis en contemplation parmi les ruines du Capitole, alors que les moines déchaussés chantaient les vêpres dans le temple de Jupiter, que l’idée d’écrire le déclin et la chute de la ville me vint à l’esprit pour la première fois 12 . »

13 Ibidem , p. 146.

16 À l’âge de 27 ans, Gibbon vécut à Rome un moment dont il décida qu’y avait germé l’idée de son grand ouvrage achevé 25 ans plus tard, The History of the Decline and Fall of the Roman Empire , publié de 1776 à 1788. Tout comme chez Montesquieu, le voyage était rentabilisé par les connaissances et les plaisirs accumulés au cours de son effectuation. L’argent investi dans le tour d’Europe pouvait être comparé au poids de l’œuvre qu’il avait permis d’accomplir. Face à son grand œuvre, Gibbon accordait une importance majeure, de l’ordre « du miracle », à un instant infime de son voyage 13 .

Le voyage agent de transformation des sociétés européennes

  • 14 Leed, Eric J.,  The Mind of the Traveler. From Gilgamesh to Global Tourism , New York, Basic (...)

17 Le voyage, à l’époque moderne comme en d’autres temps, fut aussi un facteur de changement et de redistribution des hiérarchies entre les espaces et les peuples européens. Ainsi que l’a montré l’anthropologue américain Eric J. Leed dans The Mind of the Traveler 14 , il provoqua des métamorphoses et ne laissa jamais ses acteurs indemnes. Il transformait les personnalités individuelles, qui y découvraient souffrance, liberté, volonté, plaisir, et bouleversait autant les sociétés des pays d’accueil que celles des pays d’origine, que les voyageurs retrouvaient à leur retour. Cela advenait dans le Grand Tour lui-même en dépit de sa composante ritualisée et bien que chacun tentât de vérifier sur place des connaissances déjà acquises. Cette énergie fut a fortiori à l’œuvre pour les voyageurs d’autres générations et groupes sociaux. Ainsi peut-on articuler la notion de Grand Tour, devenu un symbole quasiment abstrait, avec les expériences diversifiées des voyageurs européens et leurs modes d’effectuation concrets du voyage, aux durées et rythmes variables, tissés de rencontres, de séjours prolongés, d’objets et de lieux où les individus engageaient des processus de connaissance.

Une multiplicité d’acteurs

  • 15 Gomez-Géraud, Marie-Christine, Le crépuscule du grand voyage. Les récits de pèlerins à Jé (...)

18 La typologie des voyages est presque infinie puisque, conformément au vœu de Socrate, on voyageait à tout âge et quel que soit le sexe. Tout en gardant à l’esprit que le voyage se définit par la conscience de l’acte accompli et une volonté d’en mémoriser les moments saillants, ce qui suppose de revenir dans la société de départ et d’utiliser cette expérience pour y affermir sa place, on relève qu’il a existé entre le xvi e et le xviii e   siècle un large éventail de situations voyageuses. Antérieur à l'expansion du modèle du Grand Tour, celui des pèlerinages perdura, connaissant après deux phases de fléchissement au début et au milieu du xvi e  siècle une véritable relance au tournant des xvi e et xvii e  siècles 15 . Ce qui cependant fut commun aux voyages d’étude qui peu à peu leur succédèrent, ce furent les arts et règlements dans l’art de voyager, l’écriture de notes et d’un journal, la volonté de savoir, l’accompagnement du déplacement physique par la lecture, l’usage de guides et de cartes, le souci d’échapper aux risques de l’inconnu, le besoin de divertissement… De nombreux déplacements furent ainsi vécus comme des expériences dignes d’être consignées. Si les voyages de pèlerins et d'hommes d'Eglise subsistèrent, ils côtoyaient ceux des marchands, des diplomates et des gens de lettres, puis les missions d'ingénieurs complétèrent celles des savants. La diversité des destinations pose dès lors la question des frontières de l’Europe au nord comme à l’est, vers l’orient comme du côté de la Méditerranée. Le bagage des savoirs accumulés à usage individuel ou collectif par les voyageurs fit, en tout état de cause, évoluer le continent dans sa conscience des autres et de lui-même.

  • 16 Rohan , Henri de, Voyage du Duc de Rohan, faict en l’an 1600, en Italie, Allemaigne, Pays- (...)

19 De l’enchevêtrement des buts et des pratiques témoignent le célèbre voyage accompli par Montaigne pour des raisons de santé en 1580-1581, non moins que l’expérience européenne du duc de Rohan, proche d’Henri IV, à l’aube du xvii e  siècle. Après le traité de Vervins et au cours de la période la plus faste de sa vie, à laquelle succéda une phase plus controversée qui s’acheva au combat durant la guerre de Trente Ans, le jeune Henri II de Rohan (1579-1638) avait entrepris un grand voyage de vingt-deux mois, de mai 1599 à février 1601. Calviniste inconditionnel, il avait sillonné l’ensemble de la Chrestienté en combinant le voyage d’Italie « classique » avec une exploration plus inhabituelle des États protestants d’Allemagne, des nouvelles Provinces-Unies et des îles britanniques. Il aurait même voulu, sans y parvenir, « aller voir l’empire des Turcs : non par superstition […] mais […] pour passer autant de temps à voir la diversité de ces païs & de ces peuples-là 16  ». Son désir était d’observer l’histoire, les hommes et leurs institutions. L’abrégé de sa pérégrination, finalement limitée à la chrétienté, servit à soulager sa mémoire en s’avérant utile pour lui et agréable aux amis entre les mains desquels circula le manuscrit jusqu’à son impression à Amsterdam en 1646.

  • 17 Sur ce point, voir Roche , Daniel, op. cit.  ; Beaurepaire , Pierre-Yves, Pourchasse , Pierri (...)

20 Des gens de sciences aux femmes de lettres et des antiquaires aux archéologues, la péninsule européenne fut labourée par les voyages. L’abbé érudit allemand Martin Gerbert (1720-1793) accomplit de fréquents déplacements en Allemagne, Italie et France pour recueillir du matériel en vue d’une histoire médiévale de la liturgie et de la musique. Les voyages d’artistes s’ajoutèrent à ceux des administrateurs. Si le déplacement joua un rôle essentiel dans la carrière des artistes, on ne saurait cependant l’assimiler au rituel de connaissance par le voyage qui définit le Grand Tour. Paris et l’Italie étaient des cibles de choix pour les artistes venus de toute l’Europe, mais leur expérience se limitait souvent au séjour à Rome et les étapes franchies pour s’y rendre structuraient rarement un « tour » d’apprentissage. Le modèle romain était si prégnant pour de nombreux peintres et architectes qu’il leur était difficile de trouver ailleurs des sources d’inspiration. Peu mobiles sur place, les artistes habitaient durablement la capitale des papes. De leur côté, quelques architectes et « dessinateurs en voyage » se mirent dans la seconde moitié du xviii e  siècle à parcourir toute l’Italie, de l’Istrie et de la Dalmatie à Paestum. Mais ni les uns ni les autres ne partageaient les stratégies d’apprentissage des élites du Grand Tour. Leurs voyages étaient spécialisés et leur servaient à apprendre un métier. Même les artistes russes, plus enclins que les Français à s’arrêter en cours de route, perfectionnaient à Paris leurs techniques et apprenaient à voir la beauté de l’antique à Rome. Peu d’artistes laissèrent en outre de journal de voyage. À côté d’un Grand Tour instable, ces circulations d’artistes donnent la mesure de la diversité des acteurs du voyage 17 . Dans la multiplicité des expériences de l’Europe, le regard sur les populations appelées à susciter au xix e  siècle des images pittoresques, avec leurs costumes, s’ajouta à celui sur les lieux visités et leurs monuments, palais, églises cabinets et bibliothèques. L’image que renvoient ces voyages dépasse de loin les cadres du Grand Tour tournés vers les réseaux de pouvoir de l’Europe nobiliaire et la curiosité antiquaire.

  • 18 Boutier , Jean, « Le Grand Tour des gentilshommes et les académies d’éducation pour la (...)

21 De même que les déplacements des élites de l’époque moderne ne se réduisent pas au Grand Tour, ce dernier ne se confond pas avec le seul voyage des jeunes nobles. D’autres composantes de la société, comme les marchands, participèrent de ce modèle de déplacement, fût-il en perte de vitesse. En outre, après 1750, les académies nobiliaires virent s’écrouler l’afflux des étrangers qu’elles avaient connu au xvii e  siècle 18 , tandis que la composante de sociabilité mondaine et académique du Grand Tour se renforçait au détriment de celle « éducative ».

Une recomposition des géographies européennes

22 Combinant ses effets avec ceux des agents institutionnels de la transformation des territoires, tels les souverains, les administrateurs, les agronomes ou les urbanistes, le regard des voyageurs provoqua de nombreux bouleversements dans les hiérarchies de ce qui valait la peine d’être regardé et observé. Ils ont ainsi participé de la recomposition des paysages européens.

  • 19 Livet, Georges, Histoire des routes et des transports en Europe , Strasbourg, Presses univ (...)

23 Les destinations de voyage tout d’abord s’élargirent. Par-delà le déplacement à l’échelle locale du château, du village, du chef-lieu et de la ville de foire voisine, une série de voyages s’orientèrent à l'époque moderne vers des ports qui n'étaient plus seulement ceux de la Méditerranée sur la route du Levant, mais vers des villes de manufacture et des capitales politiques et culturelles, sièges de palais princiers et d’œuvres d’art, d’académies et de cabinets de curiosité, de physique et d’histoire naturelle. Les sites naturels devinrent au xviii e  siècle des lieux d’enquêtes, tels la Slovaquie et le Harz où Montesquieu visita des mines, le Dauphiné et l’Italie du nord examinés par Guettard, l’Écosse ou le Vicentin sillonnés par Faujas de Saint-Fond. La perception de la route elle-même évolua : « parent pauvre de la recherche historique », au statut resté longtemps faible parce que c’était moins la route que la ville qui attirait le voyageur, la route « se construit avec le voyageur et, ce dernier, avec la ville ou le paysage naturel qu’il recrée » : d’où l’intérêt « de considérer dans une vision d’ensemble l’image ou l’aventure de l’Europe et de ses confins dans le domaine routier » 19 . La route fut admirée quand les travaux commandés par les princes y devinrent spectaculaires, comme au passage des Échelles en 1670, dans les Alpes autrichiennes à la fin du xvii e  siècle ou au Mont-Cenis et surtout au Simplon sous le Premier Empire.

  • 20 Laboulais-Lesage, Isabelle, Combler les blancs de la carte. Modalités et enjeux de la con (...)
  • 21 Giacomoni , Paola, Il laboratorio de la natura: paesaggio montano e sublime naturale in et (...)

24 Cette expérience des espaces fit bouger les hiérarchies. Les centres urbains et les palais princiers l’emportèrent sur les campagnes dans la première moitié du xvii e  siècle, attirant les voyageurs de toute nature, y compris les pèlerins, mais ils furent concurrencés dans la seconde moitié du xviii e  siècle par les montagnes, les sites archéologiques, les rivages et les stations climatiques ou thermales (Spa, Bath). Les voyages favorisèrent un renouveau du regard sur certains espaces précédemment ignorés, considérés comme des « riens », formant dans les cartes des « vides 20  ». Ils accompagnèrent ou provoquèrent une évolution des goûts, dont ils étaient tantôt les effets et tantôt les causes, les deux allant de pair. Certes le désir d’une nature pittoresque ne fit pas délaisser les capitales politiques et les villes d’art, comme on le voit en Italie. Mais les montagnes acquirent à partir de la « découverte » du Mont-Blanc par les Anglais dans les années 1740 une force d’attraction qu’auparavant elles n’avaient pas. On se mit à contempler les paysages, on se tourna aussi vers la minéralogie et la botanique, transformant la nature en un « laboratoire 21  ». Sur la lancée de cette nouvelle forme de curiosité, les géographies européennes se dilatèrent. Aux villes et au Vésuve s’ajoutèrent par exemple en Italie l’Etna ou les restes volcaniques de l’Italie centrale et du Vicentin. L’intérêt pour les sciences expérimentales alla de pair avec celui pour l’archéologie. À Naples, les visiteurs délaissèrent les Champs Phlégréens et les églises baroques du centre au profit des villes ensevelies autour du Vésuve. Lancé par la découverte d’Herculanum en 1738, cet intérêt se généralisa avec les fouilles, à partir de 1748, du site de Pompéi, ville dont l’identification eut lieu en 1763. S’élargissant à Rome, à la Grèce, au Levant et à l’Espagne, l’attrait des ruines permettant de reconstituer les villes du passé se transforma en mode, au point qu’un site comme Velleia, près de Parme, parvint à susciter, au début des années 1760, un engouement fugace des voyageurs.

  • 22 Schnakenbourg, Eric (dir.), Figures du Nord. Scandinavie, Groenland et Sibérie. (...)

25 Sachant que les peuples visités furent largement modelés par le regard des étrangers, notamment des artistes et gens de lettres, on en déduit que les déplacements des individus contribuèrent à modifier les hiérarchies entre les espaces et participèrent de l’élaboration de lieux désirés et de marges dans l’Europe. Venise avait fonctionné comme une utopie au xvi e  siècle, à l’époque d’Érasme, et l’Italie resta au cours de l’époque moderne une destination privilégiée, à l’instar de la Suisse au xviii e  siècle. Certains pays attiraient parce qu’ils étaient le cœur d’une civilisation (l’Italie), le lieu d’émergence d’un modèle de la liberté (l’Angleterre et la Suisse), la destination privilégiée pour réaliser des projets économiques, éditoriaux ou artistiques (les Provinces-Unies). À l’inverse, face à ces pôles, des lieux déclinaient, comme la péninsule ibérique dont les universités avaient été très attractives au xvi e  siècle (Alcala de Henares), tandis qu’au xvii e  siècle montaient les Provinces-Unies ou que Leipzig bientôt l’emporta sur Francfort. D’autres marges étaient en expansion comme la Scandinavie. Relayant l’intérêt pour l’Orient comme figure de l’exotisme, le Nord suscita en effet une vague d’intérêt durable. On a récemment montré 22 que si la dimension septentrionale des curiosités européennes fut peu présente dans les grandes découvertes et demeura faiblement étudiée avant les années 1760, elle travailla pourtant le continent tout au long de l’époque moderne. Désignant un espace qui s’étirait du Groenland à la Sibérie, oscillant entre le « Nord », l’« espace nord-européen », l’« Europe du Nord », le « Grand Nord » ou les « îles de l’Extrême-Nord », cet espace aux marges incertaines formait une périphérie de l’Europe au climat extrême, diversement appréhendée selon que s’y rendaient des Vénitiens, des Anglais ou des Suédois. D’autres marges furent durablement ignorées par les voyageurs de l’Europe urbaine et policée. Il en alla ainsi du monde balkanique où les Uscoques, les Haiduks et les Morlaques de la Dalmatie étaient perçus comme des sauvages, à peine passibles d’être civilisés par Venise puis par la France du Premier Empire à l’époque de Marmont.

C’est le sens même des textes produits, des relations de voyage que de remettre de l’ordre dans ce désordre

  • 23 Voir aussi, plus récemment, l’anthologie de Bideaux, Michel, Européens en voyage, 1500-18 (...)

26 L’écriture du voyage se situe au cœur des stratégies déployées à l’époque qui nous occupe pour rendre compte de ce qui étonnait les voyageurs et les amenait à créer de nouveaux repères. Certes, un genre littéraire stabilisé ne se constitue pas avant la période romantique mais bien des textes de voyageurs fascinèrent le public au cours des siècles précédents, ainsi que le prouvent les compilations du Recueil de voyages au Nord de Jean-Frédéric Bernard (1716) ou l’ Histoire générale des voyages de l’abbé Prévost (1745-1759) 23 . La fonction de réorganisation du monde caractérise autant les relations des voyages de curiosité que celles, plus spécialisées, des administrateurs. François-Joseph Harvouin, receveur des finances de la généralité d’Alençon (1715-après 1787), fut chargé par le contrôleur général des finances Bertin d’enquêter sur les cadastres mis au point dans plusieurs capitales italiennes. Il se rendit de juillet 1763 à avril 1764 à Turin, Milan et Florence, visitant aussi Parme, Venise, Rome et Naples, alors que la France venait de décider en avril 1763 une réforme radicale du prélèvement fiscal direct par le recours au cadastre en vue de taxer les biens immeubles, donc fonciers, selon un principe de péréquation universelle. La réforme tourna court, mais Harvouin rédigea un journal circonstancié et technique sur son enquête. L’ingénieur des Ponts et chaussées Prony effectua pour le compte de Napoléon plusieurs missions en Italie de 1805 à 1811 et multiplia lui aussi les rapports à côté des notes quotidiennes de ses carnets de voyage, dessinant le programme d’un remodelage radical de l’Italie. Ce type d’écriture se faisait l’écho d’une volonté d’agir sur le monde.

  • 24 Gomez-Géraud, Marie-Christine, Écrire le voyage au xvi e siècle , Paris, PUF, 2000 ; Ouellet, Réal, L (...)

27 Après M.-C. Géraud-Gomez pour le xvi e siècle, Réal Ouellet s’est interrogé sur la relation de voyage alors qu’elle n’était pas encore un genre d’écriture littéraire et variait selon les attentes et la position du destinataire 24 . Opérant sur un cadre géographique américain parcouru par des Européens, R. Ouellet a voulu expliciter l’hétérogénéité formelle des textes produits par les voyageurs de la Renaissance aux Lumières, qu’il appelle des « relations » de voyage pour les démarquer du « récit », terme qu’il juge plus restrictif. Il observe ainsi l’écart entre ce qui a été vécu physiquement et ce qui est retenu dans les écrits publiés. Cela l’amène à distinguer le journal de bord de la lettre et à observer le passage des carnets à une relation définitive. Or, trois exigences à ses yeux coexistent dans la relation de voyage. La première est celle du récit, chargé de restituer la chronologie et l’itinéraire de l’expérience vécue. La seconde dimension est celle de l’inventaire encyclopédique qui a pour but de représenter le monde découvert en sélectionnant dans le foisonnement du réel les données botaniques, zoologiques et ethnographiques. Cette description est utile ou exotique, mais autonome par rapport au « récit » car elle vise une exhaustivité que ne peut nourrir l’expérience réelle. Enfin, la composante du commentaire est disséminée dans les textes, encastrée dans la narration sous forme de dialogues, de monologues ou d’énoncés impersonnels qui oscillent entre l’assertion, l’interrogation et l’hypothèse, ou génèrent une réflexion indépendante de l’aventure racontée et des nouveautés décrites.

28 Spécialiste de l’âge classique, R. Ouellet a posé à partir de l’exemple américain les bases d’une poétique de la relation de voyage à l’époque moderne, différente du genre littéraire du récit de voyage d’époque romantique dont l’Itinéraire de Paris à Jérusalem de Chateaubriand (1811) reste le point de départ. Dans sa typologie, certains éléments acquièrent un relief particulier. D’une part, la parole amérindienne rapportée par les auteurs de relations manifeste leur fascination pour l’éloquence sauvage alors que Dieu reste parfois le seul interlocuteur de leurs épanchements. La diversité des auteurs permet d’autre part de mettre en évidence la nature du rôle qu’a chez eux la culture érudite et religieuse, avouée ou non. Ainsi les relations de voyage des xvi e - xviii e  siècles sont-elles de savantes constructions littéraires et idéologiques, prises entre l’appartenance des auteurs à une collectivité et l’affirmation de personnalités organisant les conditions d’une lecture agréable.

Le voyage est rupture, souffrance que les sociétés s’emploient à adoucir

29 Le voyage est aussi une épreuve que les sociétés ont essayé d’apprivoiser en limitant les éléments d’incertitude et de risque et en multipliant les aides à l’effectuation des voyages. Il en est résulté un déploiement de structures relevant de la culture matérielle, cet outil intellectuel qui nous permet d’allier, pour le dire avec Daniel Roche, la matérialité de l’intelligence et l’intelligence des choses matérielles.

30 C’est ainsi que l’expérience du voyage va de pair avec la mémoire de ses conditions matérielles. Que ce soit parmi les élites ou chez des voyageurs plus humbles, le voyage laisse une mémoire, des traces de l’impact qu’ont eu une série de conditionnements vécus comme des obstacles qui se sont articulés avec des considérations d’ordre plus intellectuel à cette époque d’avant les chemins de fer où, comme nous l’avons dit, l’on se déplaçait à la voile, à cheval ou à pied. Dans le voyage en Europe, les contraintes l’emportèrent-elles sur le sentiment de la liberté ? Et comment la pensée sur les autres et sur soi-même en train de voyager a-t-elle été modelée par un ensemble de déterminations, telles que la qualité de l’accueil par des personnes de même rang, ou au contraire le sentiment d’étrangeté et d’abandon ?

31 Avec l’extension des circulations et du transport des biens, des personnes, des curiosités et des savoirs, il a fallu gérer un ensemble de ruptures opposant l’univers stable de la résidence au monde instable du voyage. Lorsque le chevalier de Jaucourt parle dans l’ Encyclopédie de l’hospitalité, il évoque le passage d’une économie du don à une économie de marché. L’accroissement de la mobilité a entraîné une multitude de transformations qui ont instauré un nouvel ordre d’exigences relayé par la pensée des Lumières.

Le vieux fonds d’immobilité

  • 25 Dictionnaire universel françois et latin , dit Dictionnaire de Trévoux , 1743 (1 r (...)

32 Le vieux fonds d’immobilité constitue un modèle qui peut être opposé au Grand Tour. Il relève d’une culture qui a anciennement insisté sur la puissance du local et des relations de proximité. On songe aux résistances manifestées à l’égard du voyage par Pascal, La Fontaine dans Les deux pigeons , le Suisse Béat de Muralt et jusqu’à Jean-Jacques Rousseau : tous invitèrent à ne pas se déplacer, alors qu’à l’inverse Descartes montrait que c’était le déplacement qui lui avait permis de penser. Aux xvi e et xvii e  siècles, les mobilités de voisinage dominaient entre des villages où l’on allait chercher épouse. D’ailleurs ces déplacements d’une paroisse à l’autre étaient qualifiés de « voyages », puisque le Dictionnaire de Trévoux indique que le voyage « se dit aussi d’une petite course qu’on fait d’un lieu en un autre, soit dans les endroits circonvoisins, soit dans la ville, soit même dans sa maison 25  ». On n’allait pas trop loin chercher foires et marchés, puis l’espace pour certains s’élargit, ainsi pour Marmontel qui du Toulousain monta à Paris. Ces mobilités à travers les villages élaboraient des espaces complexes au sein du monde rural, mais dans des rayons d’action réduits ainsi que l’illustrent les mémoires du sire de Gouberville au milieu du xvi e siècle.

26 Barbieri, Carlo, Direzione pei viaggiatori , Bologne, G. B. Sassi, 1771.

33 L’horizon est ici celui de la lenteur des déplacements. Un soldat marchait à raison de quatre kilomètres par heure. On se rend compte à quel point cette lenteur était ancrée dans les mentalités lorsqu’on observe qu’en France les paysans résistèrent souvent aux intendants désireux d’ouvrir de nouveaux chemins à partir du xvii e  siècle en y ôtant les cultures. Ces derniers n’étaient pas alors une donnée fixe. Entretenus à grands frais par les communautés, ils étaient également soumis aux aléas des saisons, des pluies et des inondations qui emportaient les ponts rares et fragiles. De ces incertitudes et de l’insécurité des voyages, un atlas italien de 1771 à l’usage des voyageurs porte la marque en indiquant scrupuleusement les gués et passages de fleuves qu’il était recommandé de bien connaître afin de prévoir l’éventualité d’interruptions par les crues 26 .

La conquête d’une régularité des déplacements face aux obstacles

34 La lenteur de déplacements qui se pratiquaient souvent à pied contrastait avec la rapidité de l’intellect. À leurs contraintes, les classes les plus élevées tentaient d’échapper. Le journal de voyage de Charles Le Maistre nous le montre voyageant à travers l’Europe en 1664-1665 depuis Paris vers les champs de bataille de l’Empire ottoman en carrosse fermé. Face à la monotonie quotidienne qui affaiblissait les sensations, la mobilité stimulait l’activité intellectuelle. Par le voyage se jouait une transformation du rapport avec le monde.

  • 27 Studeny, Christophe, L’invention de la vitesse : France, xviii e - xx e siècle , Par (...)

35 Face aux aspérités de l’espace, auxquelles tous les voyageurs étaient soumis, les populations cherchaient à conquérir une régularité qui s’accompagna d’un désir croissant de vitesse. À défaut de toujours se concrétiser, comme le révèlent les difficultés d’usage de la vapeur ou des montgolfières, ce besoin correspondait à une demande intellectuelle jusque-là inconnue 27 . D’ailleurs, les cahiers de doléances réclamèrent en 1789 une liberté de circulation que les améliorations du réseau routier justifiaient. La route était devenue au xviii e  siècle plus que jamais auparavant un objet de représentations, elle était mieux adaptée au relief grâce à l’empierrage qui assurait sa conservation et elle profita d’un volontarisme technique dans toute l’Europe. Les chemins royaux avaient en France un tracé régulier. Grâce à la corvée et à l’effort des Ponts et chaussées, 25 000 km de routes étaient prêts en 1789 et ne bougèrent plus jusqu’en 1830. En 1775 Turgot unifia un grand nombre de services de la poste en France et mit en place les turgotines, qui permirent de réduire de sept jours à trois ou quatre jours le temps de voyage de Paris à Marseille. Les attelages étaient de quatre chevaux, et une économie d’artisans était générée par ce système.

  • 28 Brilli, Attilio, Le voyage d'Italie: histoire d'une grande tradition culturelle du xvi e a (...)

36 D’A. Maczak à J. Black en passant par Attilio Brilli 28 , on s’est penché depuis longtemps sur les modes de transport et la perception des chemins et des auberges. On a évoqué du xvi e  au xviii e siècle les aléas de l’accueil, de la nourriture et du couchage, la diversité des monnaies, l’obstacle des douanes, des certificats de santé et autres procédures de contrôle. Ces dernières étaient destinées à protéger villes et ports contre les épidémies, notamment jusqu’aux dernières grandes pestes, celles de Marseille en 1720 et de Messine en 1743. Des registres d’hôteliers comme à Venise ou Bressanone, ou encore les listes d’individus auxquels furent délivrés des passeports offrent dans toute l’Europe, surtout au xviii e  siècle, la possibilité de saisir des signes concrets de la matérialité des voyages.

  • 29 Julia , Dominique, Gilles Caillotin, pèlerin. Le Retour de Rome  d'un sergier rém (...)
  • 30 Serna, Pierre, « Conclusion. La République est toujours un peu plus loin… », dans Bertran (...)

37 On peut souligner à la suite de Dominique Julia 29 la grande différence des manières de voyager entre le piéton pèlerin ou vagabond, le colporteur, voire l’homme de lettres qui cultive la marche à pied et les membres des hautes classes se déplaçant dans de puissantes berlines, que ce soit dans le cadre du Grand Tour ou pour des raisons professionnelles ou de curiosité à un âge plus avancé. L’association de l’exercice de la marche à la république est même au centre d’une investigation possible de l’espace à la fin du xviii e  siècle. Pierre Serna a montré que la promenade républicaine au temps du Consulat s’est faite découverte du monde et d’une connaissance partagée, républicaine, du monde 30 .

38 La problématique pourrait alors devenir la suivante, compte tenu de ce qu’on ne peut pas embrasser le sujet de façon exhaustive : quelle place occupe cette dimension matérielle dans le voyage des pauvres comme des élites ? A-t-elle engendré de l’impatience ou fait l’objet de développements particuliers ? La mémoire des voyages, inscrite dans les papiers manuscrits ou les récits imprimés, en a souvent fait un topos , marqué par des stéréotypes tels que celui des mauvaises auberges. De leur côté, les risques du réel, l’imprévu du voyage ont pu laisser des traces par le recours à l’anecdote qui, en s’insinuant dans le récit, donne de la véracité à la relation de voyage. Des textes manuscrits, comme au xviii e  siècle les notes tirées des voyages en Europe de Montesquieu, du baron de Castille ou d’Antonio Casati, nous aident à traquer les différentes facettes de la pratique voyageuse, même si l’on sait que jusque dans le manuscrit pénètrent des modèles subrepticement normatifs.

Guides de voyage et prégnance de modèles

  • 31 Doiron, Normand, L’art de voyager : le déplacement à l’époque classique , Sainte (...)

39 Au cours de l’époque moderne, les moyens intellectuels de compréhension de la mobilité se transformèrent, à commencer par ceux dont disposaient les voyageurs pour se confronter à l’espace. Les arts de voyager s’en firent l’écho, en prévenant des dangers et précautions à prendre, et en insistant sur la manière d’utiliser les cartes ou guides mis à la disposition des voyageurs 31 .

40 Pour la plupart des voyageurs, il était essentiel pendant le voyage d’être « guidés ». C’est ce qui explique que les itinéraires et la présence du précepteur ou d’un dessinateur, voire d’un artiste faisant fonction de « guide du goût », tel Fragonard avec Bergeret de Grancourt en 1773-1774, constituent un élément clé du voyage. À la grande époque de l’encyclopédisme, qui présuppose une curiosité variée, les voyageurs se concentrent sur des étapes où ils s’arrêtent plus longuement qu’à d’autres. En Italie par exemple, l’idée se répand dès le xvii e  siècle d’un parcours canonique conforté par les guides. On ne passe que quelques jours dans les villes du nord (Turin, Milan, Gênes, Bologne), avant de descendre vers le sud par Florence ou l’Adriatique. Puis on séjourne plusieurs mois à Rome jusqu’aux cérémonies de Pâques, en se ménageant quelques semaines durant l’hiver à Naples, avant de remonter vers Venise où l’on ne manque pas d’assister aux fêtes données à l’Ascension en y demeurant une quinzaine de jours.

41 Les guides et les récits, ainsi que ces livres de l’époque des Lumières qu’on peut appeler des « récits-guides », étant donné leur longueur allant jusqu’aux huit volumes de Lalande en 1769, nous renvoient à la continuité et à la force de ce modèle qui est tout à la fois une entreprise de connaissance (culture), de regard (exercice de l’œil, expérience concrète des espaces) et de dépense (donc une activité économique). On a également tendu à distinguer depuis le xvii e  siècle deux modes d’approche des objets de curiosité, en fonction de choix confessionnels. Du côté catholique se rangent des guides comme les Délices de l’Italie de Rogissart, motivé par la ferveur à l’égard des reliques, des églises, des sanctuaires, auquel succède l’abbé Richard encore fasciné en 1766 par le mythe de l’Italie fertile et regorgeant de « mirabilia », églises, reliques de saints et fragments d’antiquités relayant les médailles, monnaies et inscriptions. De l’autre côté, un voyage plus critique s’est installé, marqué par la défiance de huguenots comme Misson à l’égard de la catholicité romaine ou se situant dans la ligne de Cochin qui lance la critique d’art au sein du voyage d’Italie. Tous ces guides impliquent cependant les mêmes parcours, le même type de curiosité pour les monuments non seulement religieux, mais aussi de l’Antiquité, de la Renaissance et de la période baroque.

42 La vision donnée dans ces pages peut paraître relativement statique et générale. Il s’est agi surtout de mettre en lumière quelques clés d’interprétation pour appréhender la force entraînante des voyages comme agent historique qui influe sur le fonctionnement des sociétés. Celles-ci ne cessent de se recomposer, de recevoir et de donner aux autres sociétés des éléments que celles-ci s’approprient par le jeu d’influences, de transferts, et sous l’effet des déplacements d’individus autant que de la circulation d’objets, de livres ou d’idées. Il reste que par-delà ce schéma général il convient de prendre en compte la diversité des situations et des acteurs, et de saisir les évolutions qui se dégagent. Il faut se prémunir contre l’idée que le xviii e  siècle serait le siècle par excellence de la mobilité, comme d’ailleurs d’une démarche expérimentale, alors même que les siècles précédents ont eux aussi connu ces attitudes ainsi que le prouvent les exemples de Jacques Cartier ou de Montaigne. À l’intérieur de l’Europe comme vers les nouveaux mondes, le xvi e et surtout le xvii e  siècle ont été des siècles du voyage. Anton Maczak le montre parfaitement dans son ouvrage sur les Voyages et voyageurs dans l’Europe moderne . Il est donc temps sans doute pour nous de relativiser l’approche exagérée d’un xviii e  siècle perçu comme siècle du Grand Tour et des voyages devenus un mode d’être qui, depuis les élites, se serait peu à peu répandu aux autres classes de la société, jusqu’à donner naissance au tourisme au milieu du xix e  siècle.

43 C’est ainsi que l’on retrouve le vieux débat entre sociétés d’Ancien Régime rurales et sédentaires, d’une part, et, d’autre part, comportements des élites urbaines qui se caractériseraient par une mobilité accrue. Certes on peut s’accorder sur la très nette supériorité numérique des populations sédentarisées au cours des siècles antérieurs à la Révolution. Pourtant s’impose désormais avec évidence un phénomène que nous aide à déceler une histoire monde telle que celle esquissée par Timothy Brooks à partir de quelques tableaux hollandais du xvii e  siècle dans Le chapeau de Vermeer . À savoir que l’on ne peut faire l’économie de la dimension voyageuse, en tant que celle-ci est fondatrice du binôme associant l’ordre au désordre sans le double signe desquels il serait difficile de comprendre, entre xvi e et xviii e   siècles, l’histoire des sociétés européennes.

1 Maczak, Antoni, Travel in early modern Europe , Cambridge, Polity press, 1995 ; Black, Jeremy, The British abroad : the Grand tour in the eighteenth century , Stroud, A. Sutton, 1992 ; Roche, Daniel, Humeurs vagabondes. De la circulation des hommes et de l'utilité des voyages , Paris, Fayard, 2003, réédité sous le titre Les circulations dans l'Europe moderne, xvii e -xviii e  siècle , Paris, Pluriel, 2011.

3 Huguet, Edmond, « Voyage », Dictionnaire de la langue française du seizième siècle , Paris, Didier, 1967, t. 7, p. 519.

4 Chevalier de Jaucourt, article « Voyage », dans Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers , vol. 17, Neuchâtel, 1765. La définition est reprise de Furetière en 1690 : « transport qu’on fait de sa personne en des lieux éloignez ».

5 Grendi, Edoardo, « Dal Grand Tour a “la passione mediterranea” », Quaderni storici , avril 1999, n° 100, nuova serie, n° 1, p. 121-133.

6 Boutier, Jean, « Le “Grand Tour” des élites britanniques dans l’Europe des Lumières : la réinvention permanente des traditions », dans Martinet M.-M., Conte F., Molinié A., Valentin J.-M. (dir.), Le Chemin, la Route, la Voie. Figures de l’imaginaire occidental à l’époque moderne, Paris, PUPS, 2005, p. 225-242.

7 Lassels , Richard, The voyage of Italy, or a    Compleat Journey through Italy, Paris/Londres, John Starkey, 1670, t. 1, préface, p.  xi non numérotée. Dans la traduction française, le « Grand Tour » disparaît et il n’est fait allusion qu’à « celuy qui a fait avec soin le tour de la France, & celuy d’Italie » ( Voyage d’Italie , Paris, Billaine, 1671, préface, p.  xi non numérotée).

9 Misson, Maximilien, Voyage en Italie , Utrecht, Guillaume van de Water et Jacques van Poolsum, 1722 (1 re  éd. 1691), t. 3, p. 195.

10 Article « Voyage », dans Dictionnaire universel françois et latin , dit Dictionnaire de Trévoux , 1743 (1 re  éd. 1704).

11 Chapron, « "Avec bénéfice d'inventaire" ? Les lettres de recommandation aux voyageurs dans l'Europe du xviii e  siècle », Mélanges de l'École française de Rome - Italie et Méditerranée .

12 Traduit d’après le passage cité par Pascal Griener , « Le Grand Tour comme expérience mystique de la connaissance. Gibbon sur le Campo Vaccino », dans La République de l’œil. L’expérience de l’art au siècle des Lumières , Paris, O. Jacob, 2010, p. 131-148, ici p. 144.

14 Leed, Eric J.,  The Mind of the Traveler. From Gilgamesh to Global Tourism , New York, Basic Books, 1991.

15 Gomez-Géraud, Marie-Christine, Le crépuscule du grand voyage. Les récits de pèlerins à Jérusalem (1458-1612) , Paris, Champion, 1999.

16 Rohan , Henri de, Voyage du Duc de Rohan, faict en l’an 1600, en Italie, Allemaigne, Pays-Bas Uni, Angleterre, & Escosse, Amsterdam, Louys Elzevier, 1646, p. 1-2. Ce voyage fait l'objet d'un projet d'édition par Andreas Nijenhuis.

17 Sur ce point, voir Roche , Daniel, op. cit.  ; Beaurepaire , Pierre-Yves, Pourchasse , Pierrick (dir.), Les circulations internationales en Europe, années 1680-années 1780 , Rennes, PUR, 2010.

18 Boutier , Jean, « Le Grand Tour des gentilshommes et les académies d’éducation pour la noblesse. France et Italie, xvi e - xviii e  siècle », dans B abel R., Paravicini W. (dir.), Beihefte der Francia , vol. 60, Grand Tour , Ostfildern, Thorbecke, 2005, p. 237-253, notamment p. 242.

19 Livet, Georges, Histoire des routes et des transports en Europe , Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2003, p. 9-11.

20 Laboulais-Lesage, Isabelle, Combler les blancs de la carte. Modalités et enjeux de la construction des savoirs géographiques ( xvii e - xx e  siècles), Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2004.

21 Giacomoni , Paola, Il laboratorio de la natura: paesaggio montano e sublime naturale in età moderna , Milan, FrancoAngeli, 2001.

22 Schnakenbourg, Eric (dir.), Figures du Nord. Scandinavie, Groenland et Sibérie. Perceptions et représentations des espaces septentrionaux du Moyen Âge au xviii e  siècle , Rennes, PUR, 2012.

23 Voir aussi, plus récemment, l’anthologie de Bideaux, Michel, Européens en voyage, 1500-1800 , Paris, PUPS, 2012.

24 Gomez-Géraud, Marie-Christine, Écrire le voyage au xvi e siècle , Paris, PUF, 2000 ; Ouellet, Réal, La relation de voyage en Amérique ( xvi e -xviii e  siècle). Au carrefour des genres , Québec, Les Presses de l’Université Laval/Editions du CIERL, 2010.

25 Dictionnaire universel françois et latin , dit Dictionnaire de Trévoux , 1743 (1 re éd. 1704). Le passage ne se retrouve pas dans l’ Encyclopédie en 1765.

27 Studeny, Christophe, L’invention de la vitesse : France, xviii e - xx e siècle , Paris, Gallimard, 1995.

28 Brilli, Attilio, Le voyage d'Italie: histoire d'une grande tradition culturelle du xvi e au xix e siècle , Paris, Flammarion, 1989 (1 re éd. ital. 1987).

29 Julia , Dominique, Gilles Caillotin, pèlerin. Le Retour de Rome  d'un sergier rémois, 1724 , Rome, Ecole française de Rome, 2006.

30 Serna, Pierre, « Conclusion. La République est toujours un peu plus loin… », dans Bertrand G., Serna P. (dir.), La République en voyage, 1770-1830 , Rennes, PUR, 2013, p. 407.

31 Doiron, Normand, L’art de voyager : le déplacement à l’époque classique , Sainte-Foy/Paris, Presses de l’Université Laval/Klincksieck, 1995.

Pour citer cet article

Référence papier.

Gilles Bertrand , « La place du voyage dans les sociétés européennes (XVIe-XVIIIe siècle) » ,  Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest , 121-3 | 2014, 7-26.

Référence électronique

Gilles Bertrand , « La place du voyage dans les sociétés européennes (XVIe-XVIIIe siècle) » ,  Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest [En ligne], 121-3 | 2014, mis en ligne le 15 novembre 2016 , consulté le 19 juin 2024 . URL  : http://journals.openedition.org/abpo/2834 ; DOI  : https://doi.org/10.4000/abpo.2834

Gilles Bertrand

Professeur d’histoire moderne, Université de Grenoble Alpes, CRHIPA, EA 599 – Institut Universitaire de France

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le grand tour xviiie siecle

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Laura Foulquier - 1. Le Grand Tour. Artistes européens dans l’Italie du XVIIIe siècle.

  • Histoire de l’Art
  • Rêves éveillés
  • 1. Le Grand Tour. Artistes européens dans l'Italie du XVIIIe siècle.

Archives municipales de Lyon – Salle Conf.

Grand Tour

Le Grand Tour, c’est le voyage initiatique entrepris par les jeunes gens aisés, et bientôt les artistes et les écrivains, à travers l’Europe. Point d’orgue de ce périple, l’Italie. Ce cours propose d’explorer les pérégrinations de ces artistes et de comprendre en quoi elles ont influencé et enrichi leur œuvre.

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Le Grand Tour, le rêve de l'Italie au XVIIIe siècle. L'exposition à Milan

L’expression “Grand Tour” apparaît pour la première fois en 1670, sous la plume d’un prêtre catholique anglais, Richard Lassels, qui publie cette année-là à Paris un livre intitulé " Le voyage d’Italie “, dans lequel il décrit les villes, les monuments et les édifices vus au cours d’un voyage en Italie. Le livre commence par une préface dans laquelle Lassels énumère les avantages du voyage, et parmi les divers avantages de cette activité, il inclut la possibilité de mieux comprendre l’histoire que l’on lit dans les livres: ”personne“, écrit Lassels, ”ne comprend mieux Tite-Live et César, Guicciardini et Monluc que celui qui a fait le Grand Tour de France et le Tour d’Italie“. Cette distinction des termes, qui rappelle curieusement les épreuves cyclistes modernes, s’est perdue au fil du temps, si bien que l’on en est venu à parler plus génériquement de ”Grand Tour“, le fameux ”voyage de la formation de la classe dirigeante européenne", pour reprendre la définition concise de Cesare De Seta, le plus grand expert italien en la matière. Mais parler du Grand Tour, ce n’est pas seulement parler de voyage: c’est le principal mérite de l’exposition Grand Tour. Rêver l’Italie de Venise à Pompéi , présentée jusqu’au 27 mars 2022 à la Gallerie d’Italia, Piazza Scala, à Milan.

Une sorte de rite d’initiation de l’Europe moderne, avant même d’être un voyage qui amenait en Italie (et au-delà) les jeunes de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie de tout le continent. Et même une “institution”, selon De Seta. Une institution dont les racines remontent à des époques bien plus anciennes que celles auxquelles on l’associe généralement, puisque les prodromes du Grand Tour du XVIIIe siècle remontent même au règne d’Élisabeth Ire, lorsque la couronne anglaise finançait et la classe dirigeante promouvait de longs voyages éducatifs en Europe. Lassels lui-même, lorsqu’il écrivit son Voyage , travaillait à une époque où voyager en Europe était une pratique établie (le voyage durait généralement trois ans). Au XVIIIe siècle, le phénomène prend de l’ampleur et revêt des caractéristiques encore plus universelles. En Italie, on arrive pour se développer sur le plan personnel et pour commencer à construire son avenir, sa carrière. Et l’on rentrait dans son pays avec des valises pleines de connaissances et de souvenirs.

Celle de Milan n’est pas la première exposition sur le sujet (il faut rappeler, parmi les dernières, la belle exposition City of the Grand Tour qui s’est tenue à Carrara, au Palazzo Cucchiari, en 2017), mais certainement, si l’on exclut l’exposition de gestation anglaise Grand Tour. The Fascination of Italy in the 18th Century , commencée à la Tate Gallery de Londres en 1996 et transférée au Palazzo delle Esposizioni de Rome l’année suivante, est l’exposition la plus impressionnante jamais vue en Italie et la plus complète, avec un parcours savamment articulé en une série de neuf sections conséquentes (les œuvres étant toutefois parfois librement disposées le long des salles). On pourrait dire que les trois commissaires, Fernando Mazzocca, Stefano Grandesso et Francesco Leone, ont conçu un itinéraire qui permet de suivre un hypothétique voyageur de la fin du XVIIIe siècle (l’âge d’or du Grand Tour se situe entre la paix d’Aix-la-Chapelle en 1748 et la descente des armées françaises en Italie en 1796) dans son périple à travers l’Italie, sans omettre, au début, les raisons du voyage, et l’accompagner dans les capitales du Grand Tour, faire connaissance avec les artistes qui ont décidé de rester en Italie (certains d’entre eux deviendront même les précurseurs des guides touristiques d’aujourd’hui), observer les Italiens de l’époque et s’arrêter pour chercher un souvenir avant de rentrer à la maison. Sur le papier, il s’agissait d’une exposition difficile: parce que le sujet n’est pas l’un de ceux qui attirent le plus le grand public, parce que la documentation sur le Grand Tour est infinie, parce que le thème lui-même a des limites qui pourraient être démesurées (les voyageurs de différents pays se rendaient en Italie pour des raisons différentes: cela est bien illustré par les essais approfondis du catalogue, qui retracent l’histoire du Grand Tour du point de vue de quatre pays, à savoir la Grande-Bretagne, la France, la Russie et l’Espagne, d’où les touristes étaient originaires). Néanmoins, le résultat est une exposition extrêmement captivante, l’une des plus passionnantes de ces dernières années à la Gallerie d’Italia, malgré le volume d’œuvres que les conservateurs ont réussi à rassembler.

Hall de l'exposition Grand Tour. Rêve d'Italie de Venise à Pompéi

Nous commençons par une salle consacrée aux “Capitales du Grand Tour”, qui rassemble quelques vues des principaux centres d’intérêt des voyageurs de l’époque, identifiés à Rome, Florence, Naples et Venise, bien que le voyage des grands touristes se soit arrêté dans différentes villes, de Ravenne à Mantoue, de Bologne à Milan, de Gênes à Lucques. Mais les quatre capitales ne pouvaient être ignorées: les voyageurs arrivaient généralement par le nord (ou par la mer, en débarquant à Gênes ou à Livourne) et atteignaient Florence, puis descendaient par Rome jusqu’à Naples, et remontaient ensuite pour s’arrêter à Venise avant de rentrer chez eux. À Florence (rappelée par la vue de Thomas Patch qui ouvre l’exposition), ils s’arrêtaient pour la Renaissance, pour admirer les collections des Offices, pour observer les résultats du mécénat des Médicis. Rome étonne par ses ruines: la merveilleuse vue du Colisée de Gaspar van Wittel, en provenance de Norfolk, est l’un des sommets de l’exposition, et les deux vues de Michelangelo Barberi, l’une du Forum et l’autre de Saint-Pierre, rendent avec une clarté fantastique le contraste entre la Rome antique et la Rome moderne qui envoûtait les voyageurs. Et puis, Rome séduite par l’idée d’une grandeur antique perdue, attirée par la présence d’artistes et d’artisans qui en ont fait le meilleur endroit pour retrouver les souvenirs de son voyage . Naples a vibré pour le Vésuve et ses éruptions, nombreuses entre le XVIIe et le XVIIIe siècle (une section entière de l’exposition est consacrée au Vésuve lui-même, tant il a fasciné les voyageurs étrangers), et l’on s’est laissé bercer par l’agrément des paysages. Enfin, Venise était la ville de l’événement, vivant son irrémédiable déclin au milieu de fabuleuses festivités: la régate bondée sur le Grand Canal peinte par Canaletto en est la pleine démonstration.

L’Italie est également devenue une destination de voyage privilégiée car on peut y voir de près, comme dans aucun autre pays, les ruines d’un passé qu’il faut étudier et connaître pour pouvoir dire que l’on a reçu une éducation complète: La section sur la “fascination des ruines antiques” approfondit cet aspect, qui coïncide presque toujours avec les raisons mêmes du séjour en Italie, avec une série de tableaux parmi lesquels se distingue, outre le très célèbre Capriccio de Canaletto conservé aux Poldi Pezzoli de Milan, un tableau emblématique et symbole d’un tempérament culturel en ce qu’il est capable de fusionner l’ancien et le moderne et de susciter en même temps des sentiments d’étonnement et de nostalgie, deux tableaux moins connus comme la Vue idéale de Giovanni Paolo Pannini (Ilaria Sgarbozza la définit dans le catalogue comme “l’un des capriccios les plus beaux et les plus significatifs” de la production de l’artiste de Piacenza, “pour la qualité de l’architecture et des personnages et pour le remarquable état de conservation”, sans parler de sa rareté), qui aligne une série de monuments en réalité très éloignés mais présents sur la toile car ils étaient destinés à répondre à la demande précise d’un client, et le Capriccio avec le Panthéon d’Hubert Robert, provenant des collections des princes du Liechtenstein. Les ruines du peintre français, explique bien Mazzocca dans le catalogue, “sont un prélude à la vision dramatique et romantique de l’antiquité comme témoignage du caractère éphémère des civilisations et de la fragilité des destinées humaines”: l’iter chronologique de l’exposition s’arrête précisément à l’aube du romantisme. Il y a ensuite un intéressant groupe de peintures qui fait presque office de charnière avec la section suivante, consacrée aux paysages méditerranéens de l’Italie: Voici donc un autre tableau dense de sensibilité romantique, La tombe de Virgile au clair de lune de Joseph Wright of Derby, qui traduit bien le sens d’un paysage, le paysage italien, qui apparaissait (et apparaît encore aujourd’hui) “imprégné d’une mémoire historique qui allait au-delà des vestiges antiques dont il était parsemé” (ainsi Grandesso), et voici les ruines des temples siciliens (Sicile qui, d’ailleurs, était à l’origine en marge de l’Europe et de l’Amérique), La Sicile a d’abord été en marge du Grand Tour, étant donné les difficultés logistiques pour l’atteindre, et jusqu’aux années 1770 et 1880 elle est restée la destination de quelques téméraires, mais elle sera bientôt redécouverte), brillant dans la chaude lumière du soleil méridional des tableaux de Ferdinand Georg Waldmüller et, presque sans que nous nous en apercevions, nous conduisant vers le chapitre suivant.

Les touristes , en effet, étaient également attirés par l’extraordinaire variété des paysages italiens qui, écrit Francesco Leone, “offraient des décors inoubliables pour leur diversité mais aussi pour leur enchevêtrement avec la culture classique”. Difficile de séparer l’attrait pour le paysage de celui pour la mémoire des temps anciens, impossible de penser l’Italie en séparant le territoire de la trace de l’homme: avant les pères constituants, qui ont inscrit cette union indissoluble à l’article 9 de la Charte, les voyageurs du Grand Tour l’avaient bien compris. Décrire le paysage italien, c’est donc rendre compte de l’action que l’homme, souvent contraint de se défendre contre une nature avare dans de nombreuses régions de notre pays, a dû entreprendre pour s’adapter: le symbole de la section est un tableau de Jakob Philipp Hackert qui, bien qu’inséré parmi des tableaux appartenant à la section suivante, communique bien cette idée, avec les Faraglioni d’Aci Trezza qui dominent le bord de mer et auxquels répondent les bâtiments du village balnéaire sur la côte. Une section entière, occupant presque une pièce à elle seule, est consacrée à l’éclat du Vésuve: Vu la quantité de témoignages, de lettres et de descriptions de voyageurs étrangers impressionnés par l’activité du volcan, les conservateurs ont pensé lui réserver un chapitre, avec des peintures de grand, moyen et petit format, dont certaines (comme l’ Eruzione del Vesuvio alla luce della luna du Français Pierre-Jacques Volaire, spécialiste du genre) nous laissent pantois, nous investissant de ce sens du sublime qui a dû animer ces voyageurs qui, en l’absence de tout confort et de tout moyen de sécurité, ont tenté l’ascension du sommet et se sont ensuite arrêtés pour contempler le spectacle qui s’offrait à leurs yeux ébahis.

Thomas Patch, Vue de Florence depuis Bellosguardo (1767 ; huile sur toile, 111,5 x 224,5 cm ; Florence, Fondazione CR Firenze)

Quant aux deux sections suivantes, celles consacrées aux voyageurs et aux artistes (peut-être les moins intéressantes pour le grand public), il vaut la peine de s’attarder, plus que sur les histoires personnelles des différents personnages présents sur les murs, sur quelques épisodes (comme le splendide portrait de la famille Tolstoï par Giulio Carlini, qui revient en Italie cinq ans après l’exposition de Carrare mentionnée plus haut, bien qu’il soit très éloigné dans le temps, puisqu’il s’agit d’une œuvre de 1855, ou comme le singulier tableau de Franz Ludwig Catel à Naples représentant Karl Friedrich Schinkel à la fenêtre, symbole par excellence de la Sehnsucht et du sentiment romantique) et sur quelques points aigus que les conservateurs ont su insérer dans ces salles pour animer une section qui risque de rester indigeste si l’on ne nourrit pas une forte passion pour le sujet, ou pour le portrait du XVIIIe siècle. Tout d’abord, la possibilité d’observer la naissance d’un nouveau genre artistique, inventé par le grand Pompeo Batoni, peintre bien connu des critiques, l’un des plus grands Italiens du XVIIIe siècle, mais très sous-estimé par le public. Une réforme à part entière illustrée par tous ses portraits de l’exposition, qui représentent des gentilshommes étrangers debout, souvent en compagnie de leurs chiens, près de monuments anciens ou de statues: Batoni a ainsi imposé, explique Grandesso, “un modèle sophistiqué qui répondait aux attentes du goût et aux ambitions d’autoreprésentation du rang le plus élevé de l’aristocratie”. En pratique, Batoni réussit à fusionner un genre jugé trop imitatif comme le portrait avec des suggestions comparables à celles de la peinture d’histoire, créant ainsi des souvenirs du plus haut niveau et des produits innovants à la fois. Deuxièmement: la naissance du néoclassicisme. On s’attarde longuement devant deux tableaux du rival de Batoni, l’Allemand Anton Raphael Mengs, qui, contrairement à l’aîné Lucchese, avait voulu et réussi à interpréter les idéaux d’imperturbabilité et de calme de Johann Joachim Winckelmann, sujet de l’un des deux portraits de Mengs dans l’exposition (l’autre est Mengs lui-même, dans l’un des plus beaux autoportraits de l’époque). Troisièmement: le féminin. On est séduit par la fraîcheur et la délicatesse de l’autoportrait de Louise-Élisabeth Vigée-Le Brun, auteur d’une peinture riche et intense qui rivalise avec celle d’Angelica Kauffmann, présentée dans la section suivante, consacrée à la “beauté italienne”.

Ainsi, pour la première fois, l’Italie de l’époque, l’Italie moderne, à laquelle de nombreux artistes ont été inévitablement confrontés, est exposée. “Les attraits de la vie moderne”, écrit Grandesso, “comprennent également des aspects de la vie sociale, par exemple liés aux théâtres, donc à la musique et aux spectacles des célèbres poétesses improvisatrices, d’autre part aux fêtes populaires, le carnaval romain avec la course de chevaux berbères et les moccoletti, le tourbillon de feux au Château Saint-Ange, la fête d’octobre, le jeu de la palla col bracciale et les corridas au théâtre de Corea”. Les protagonistes de ces tableaux sont des personnalités de haut rang, comme les belles Domenica Morghen et Maddalena Volpato peintes comme deux muses dans la campagne par Angelica Kauffmann, mais aussi les roturiers des Premiers pas de l’enfance de Jacques-Henri Sablet, un peintre français particulièrement intéressé par ces moments de la vie quotidienne transfigurés en scènes de genre composées, ou les pauvres mais dignes Pèlerins de Rome de Paul Delaroche, un tableau où l’on est saisi par la fierté orgueilleuse de la mère au centre, sale et fatiguée, et manifestement idéalisée d’une manière presque irréelle, mais belle dans ses manières sévères. Le dernier acte de l’exposition, avant d’arriver aux deux annexes, est une scène de la vie sicilienne saisie dans Alle porte del monastero de Waldmüller, un peintre autrichien étranger à tout désir de dénonciation sociale (de nombreux voyageurs, surtout dans ses œuvres écrites, ne pouvaient s’empêcher de souligner le choc entre la splendeur du passé et les conditions misérables dans lesquelles beaucoup se trouvaient dans le présent), et l’auteur d’une peinture qu’Elena Lissoni résume bien en disant qu’elle saisit “avec l’enchantement de la nature méditerranéenne et des monuments anciens, la beauté du peuple sicilien, de ses coutumes et de sa vie en plein air, qui conserve encore un rythme primordial et une religiosité simple”.

Avant de quitter la Gallerie d’Italia, on se promène dans les deux dernières sections, qui clôturent l’exposition en tant qu’annexes, comme nous l’avons dit. L’une est consacrée aux souvenirs , aux objets d’art et aux manufactures de luxe: de grands vases en porphyre, des statuettes en bronze doré, des plateaux de table en pierre semi-précieuse, des bassins en marbre et même un incroyable centre de table (le Triomphe de Bacchus et Ariane, Apollon et les Muses de Giovanni Volpato, que l’on peut admirer dans la salle centrale) sont quelques-uns des objets que les grands touristes ont emportés avec eux au cours de leurs pérégrinations. Au milieu de la salle des portraits se trouve également une curieuse table en mosaïque de Michelangelo Barberi, décorée en émail de vues de Rome: une œuvre de très haut niveau, peut-être même exécutée pour le futur tsar Alexandre II, qui, âgé d’une vingtaine d’années, effectua son Grand Tour entre 1838 et 1839, et dont l’œuvre date de 1839. Autour de la salle centrale, une série de statues, anciennes et modernes, laisse au visiteur l’impression que la passion de l’antiquité a dû animer ceux qui étaient impatients d’arriver en Italie. Des statues, comme le Laooconte qui avait inspiré Winckelmann lui-même et certaines de ses pages les plus célèbres, qui se présentaient comme un modèle à célébrer et à copier: un nouveau goût de collectionneur était né, bien représenté par l’un des chefs-d’œuvre de Canova, le Cupidon ailé exécuté pour le prince russe Nikolaj Jusupov, amoureux de Rome et de l’art classique, et prêté par l’Ermitage de Saint-Pétersbourg.

Pompeo Batoni, Portrait de Henry Peirse (1774-1775 ; huile sur toile, 249 x 175 cm ; Rome, Gallerie Nazionali d'Arte Antica, Palazzo Barberini)

Par rapport à d’autres expositions qui ont retracé l’histoire du Grand Tour dans le passé, l’exposition de la Gallerie d’Italia se concentre davantage sur les différentes étapes du voyage, les histoires des voyageurs et des artistes, les raisons qui ont poussé les Grands Touristes et les sentiments que leur séjour en Italie a éveillés dans leur âme, plutôt que sur l’aspect historique et chronologique en tant que tel (qui est néanmoins bien mis en évidence lorsque c’est nécessaire, en particulier au début). Du point de vue des événements historico-artistiques, l’aspect le plus significatif de l’exposition est peut-être qu’elle met en évidence le fait que l’Italie a été un centre de production artistique au niveau européen, où l’expérimentation et l’innovation se sont poursuivies: dans l’exposition, cette attitude ressort des œuvres de Batoni, Canaletto, Piranesi et Canova, ainsi que de celles de nombreux autres artistes qui les ont suivis. L’objectif des commissaires, énoncé dans la préface du catalogue, à savoir réfuter le préjugé selon lequel l’Italie, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, n’a pas produit d’art à la hauteur de son passé, est donc bien atteint, démontré par les œuvres qui témoignent d’un vitalisme fertile, et le Grand Tour lui-même, dans ce panorama, a offert une contribution qui n’est pas secondaire.

Ceux qui le souhaitent peuvent enfin lire en filigrane l’idée du Grand Tour comme “miroir” qui sous-tend l’un des livres les plus célèbres de Cesare De Seta, bien que l’exposition du Palazzo Anguissola Antona Traversi se concentre davantage sur le point de vue des voyageurs que sur celui des habitants. Un point de vue qui a néanmoins été fondamental pour la formation de cette conscience de soi que l’Italie a pris “dans le miroir du Grand Tour”, écrivait De Seta. Une conscience qui s’est également formée avec la contribution des voyageurs étrangers, “à travers leur expérience directe, qui a l’avantage de s’adresser à une grande partie de la péninsule, comme on peut le déduire des sources littéraires, des carnets de voyage, des guides pratiques, jusqu’aux lourds ouvrages érudits sur l’histoire de l’Italie”. Les paysages, les villes avec leurs places et leurs palais, les monuments anciens et modernes, les ruines du passé sont les éléments qui composent ce miroir dans lequel se reflète le voyageur, “et ceux-ci, à leur tour, dans ses lectures et ses interprétations, reflètent l’image changeante du pays”. Le Grand Tour prend ainsi la dimension d’un moment fondamental de l’histoire nationale.

Avertissement : la traduction en anglais de l'article italien original a été réalisée à l'aide d'outils automatiques. Nous nous engageons à réviser tous les articles, mais nous ne garantissons pas l'absence totale d'inexactitudes dans la traduction dues au programme. Vous pouvez trouver l'original en cliquant sur le bouton ITA. Si vous trouvez une erreur, veuillez nous contacter .

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Le Grand Tour et l'Académie de France à Rome : XVIIe-XIXe siècles

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  • Points et trajectoires
  • Les artistes, le Grand Tour et l'Italie à l'époque des Lumières / par Gilles Bertrand
  • Peindre l'Italie. Le voyage des peintres nordiques et français à Rome au XVIIe siècle / Laurent Bolard
  • Le séjour romain des jeunes "grand-touristes" au XVIIIe siècle / Jean Boutier
  • La Société des Dilettanti. Du Grand Tour à la Renaissance grecque (1734-1800) / François-Charles Mougel
  • Marseille, porte du Grand Tour / Gilles Montègre
  • Permanences et inconstances
  • D'Avignon à Paris en passant par Rome - Ou comment le chemin le plus court entre deux points n'est pas forcément la ligne droite / Béatrice Gaillard
  • Entre exclusive et ouverture - L'Académie de France à Rome et ses rapports avec les artistes indépendants du siècle des Lumières. Le cas de Joseph Vernet / Émilie Beck Saiello
  • Girodet à l'Académie de France à Rome, entre indépendance et dissidence / Sidonie Lemeux-Fraitot
  • Paris-Romme, Rome-Paris : la modification
  • Des rives de la Seine aux bords du Tibre - L'influence du cercle amical de Claude-Henri Watelet et Jean-Baptiste Marie Pierre sur les paysages dessinés par les pensionnaires de l'Académie de France à Rome au milieu du XVIIIe siècle / Nicolas Lesur
  • Images pour le Grand Tour, motifs pittoresques ou représentations ? Le peuple romain au temps des Lumières / Olivier Bonfait
  • La lumière de Rome depuis la Villa Médicis - Le silence des âmes entre peinture et poésie / Marc Bayard.

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Le « Grand tour », l'ancêtre du tourisme moderne

D’essence aristocratique, ce sont les jeunes britanniques qui vont populariser  le « Grand tour  » avant que celui-ci ne devienne rapidement une mode dans toute l’Europe, la Russie et les Etats-Unis. Un projet que souhaite faire revivre Nicolas de Villiers, président du Puy du Fou.  La Revue Dynastie se penche sur l’histoire  du  « Grand tour  » , l’ancêtre du tourisme moderne.

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En novembre 2016 est créé The Grand Tour un programme télévisé qui succède à l’ancien Top Gear jusqu’alors diffusé sur la BBC. Les trois compères anglais férus d’automobiles, Jeremy Clarkson, Richard Hammond et James May, ont voulu renouveler leur émission. Si le trio continue de présenter divers modèles de véhicules de manières humoristiques dans une émission ponctuée de pitreries, il délaisse désormais la tranquillité du plateau télé pour renouer avec une très vieille tradition anglaise, celle du « G rand tour  ». Le nom choisi est loin d’être anodin, et sans accorder au «  show  » des trois Anglais une quelconque valeur historique, il n’en demeure pas moins que cette émission   télévisée reste fidèle en certains points à ce qui a été le « Grand tour » historique. On y retrouve le désir curieux du voyage et le parcours de longs itinéraires pour découvrir la culture, l’histoire et les paysages d’un pays. Plus récemment encore, Nicolas de Villiers, en collaboration avec la SNCF, a lancé ce qu’il appelle Le Grand Tour . Le président du Puy du Fou  entend ainsi mettre sur le rail un projet ferroviaire inédit, une sorte d’orient-express franco-français, dont la première édition en 2023 permettra à la trentaine de voyageurs chanceux de découvrir les « splendeurs françaises » à bord d’un train luxueux qui traversera le pays. Ainsi de part et d’autre de la Manche, il semble y avoir depuis quelques années un regain d’intérêt pour ce fameux « G rand tour » que les historiens considèrent comme l’une des premières formes dE tourisme moderne.

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Dolce vita pour la gentry britannique

L’origine de ce voyage remonte au XVIe siècle. Initialement, le terme de « G rand tour » désigne le trajet accompli par les jeunes nobles anglais, lorsqu’ils ont entre vingt et vingt-cinq ans, afin de découvrir l’Italie antique et de voyager  dans toutes les villes d’Europe dignes d’intérêt. Dès lors, ce « tour » bouleverse la conception du voyage que l’on avait jusque-là. Celui-ci n’est plus seulement religieux, comme l’étaient les pèlerinages qui motivaient la majorité des pérégrinations occidentales, puisque son objet est avant tout profane. En témoigne l’attirance première pour les vestiges italiens. Mais la rupture vient également du fait que le voyage de ces nobles itinérants s’émancipe de tout intérêt économique ou politique. En réalité, l’unique finalité de ce « tour » est son apport culturel ainsi que sa qualité formatrice. C’est pour cela que le « G rand tour » naît de la jeunesse anglaise, celle des gentlemen dont la qualité est de se distinguer. Le rôle des Anglais est donc décisif. Ce sont les créateurs du « G rand tour » qui devient rapidement une grande mode européenne. Ce sont eux aussi qui lui donnent son nom, en détournant, nous dit l’historien Yves Hersant [1] , l’expression française éponyme utilisée de manière plus prosaïque pour désigner les besoins naturels de l’homme…

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L’ancêtre d’Erasmus

Le « Grand tour  » est avant tout un rite initiatique, du moins au XVIe et au XVIIe siècles. Il sert à former un individu en lui donnant la possibilité d’accroître ses connaissances et d’acquérir un savoir-vivre. La dimension pédagogique de ce voyage est peut-être plus éloquente avec les mots que Colbert adresse à son fils [2] , le marquis de Seignelay, quand celui-ci s’apprête à faire son voyage à travers l’Europe et que son père lui demande d’être « appliqué » et « diligent ». En outre, si les itinéraires diffèrent, on retrouve dans tous les « Grand tour » de ces siècles une antienne commune, celle du goût pour le savoir et la curiosité. En somme, la volonté de s’intéresser à tout pour s’étonner de tout. Deux pays constituent alors les destinations privilégiées. D’abord l’Italie, où les principales routes empruntées par les voyageurs traversent Venise, Rome, Florence, Naples, Bologne ou encore Ancône. La France, ensuite, où à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle, la noblesse européenne est habitée d’une curiosité particulière pour Versailles. Bien que d’autres régions du royaume suscitent également l’intérêt des voyageurs. C’est le cas notamment de la vallée du Rhône qui ouvre la voie pour l’Italie. L’Allemagne comprend-elle aussi plusieurs itinéraires de voyages importants dont les trajets descendent vers l’Italie en passant par les terres autrichiennes et suisses. Dans une moindre mesure, ce que les Anglo-saxons appellent les « Low Countries  », et que nous nommons maintenant le Benelux, ont vu eux aussi des jeunes nobles débarquer dans leurs villes.

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Le début du tourisme européen

Au XVIIIe siècle, la philosophie supplante l’intérêt pédagogique du « G rand tour ». L’acquisition de connaissances par le voyage ne sert plus une curiosité individuelle, mais le progrès général de l’humanité. Les philosophes et les Lumières veulent ainsi clairement joindre l’utile à l’agréable, le second devant être subordonné au premier. Au cours du siècle il y a donc une attention croissante pour les questions philosophiques, mais aussi religieuses, politiques et économiques. On s’intéresse désormais à la législation, aux coutumes, aux institutions etc. L’intérêt pour l’art, et pour les vestiges antiques ne disparaît pas, mais à ceux-ci vient s’ajouter le désir de s’émerveiller devant des paysages singuliers. L’un des témoins de ce « G rand tour  » philosophique c’est Montesquieu qui a visité l’Allemagne, la Hongrie, la Hollande, l’Angleterre, – et sans manquer d’intérêts pour l’Italie – Gênes ainsi que Venise. Voyage à l’issue duquel il élabore sa théorie des climats. C’est peut-être aussi Rousseau, dont l’Émile du traité éponyme doit voyager à travers l’Europe pour devenir un parfait citoyen.

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Un voyage qui évolue au gré de la demande

Ainsi le « G rand tour  » n’est pas une pratique fixée. Au contraire, le voyage va évoluer avec l’air du temps. Si les guerres révolutionnaires empêchent les voyageurs de se rendre sur les routes, comme les guerres de Religion en leur temps, elles amorcent aussi le déclin du « Grand tour » traditionnel des nobles européens. Pourtant le « tour » ne disparaît pas, il change seulement de forme. À la chute de l’empire, il retrouve des adeptes et notamment des nouveaux venus d’Amérique. Au XIXe siècle l’attrait romantique s’impose. On délaisse alors les vestiges antiques pour les ruines médiévales. On quitte aussi les grandes villes pour se promener dans les Alpes, le Jura, dans les lacs du Nord de l’Italie ou encore dans la vallée du Rhin. L’époque impériale marque aussi les esprits et certains voyageurs font des détours pour visiter les champs de bataille où la Grande Armée a combattu et c’est notamment le cas de celui de Waterloo. Au cours du siècle, le « Grand tour » est de moins en moins réservé à une élite puisqu’il s’ouvre aux classes plus modestes et moins instruites du fait notamment de la révolution industrielle avec l’essor des chemins de fer à partir des années 1840. Les changements de forme du « G rand tour  » au XIXe siècle constituent, semble-t-il, une pratique pionnière dans ce que devient ensuite le tourisme. Avec le romantisme, les tenants pédagogiques du «  tour  » se sont effacés pour laisser davantage place aux loisirs de la promenade.

Enfin, peut-être que le « Grand tour  » n’a jamais disparu. Entre les voyages des gentlemans anglais de la génération des Tudors et les projets contemporains de réhabilitation, il n’y eut, en réalité, qu’une évolution dans la manière de pratiquer le «  tour  ». Avant même la création de l’émission britannique de 2016 et du projet de Nicolas de Villiers, rappelons que les universités européennes ont mis un point d’honneur à faire voyager leurs jeunes étudiants avec la création en 1987 du programme Erasmus. La formation par le voyage est donc une vieille tradition européenne.

Léopold Buirette

[1] Yves Hersant, « Grand Tour » et Lumières ». in : Jackie Pigeaud, Les voyages : rêves et réalités VIIe Entretiens de la Garenne Lemot , Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 69.

[2] Ibid., p. 70.

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98. A set of marble souvenirs of the Grand Tour, 19th - 20th century | Ensemble d'objets en marbre de souvenirs du Grand Tour, XIXe - XXe siècle

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A set of marble souvenirs of the Grand Tour, 19th - 20th century | Ensemble d'objets en marbre de souvenirs du Grand Tour, XIXe - XXe siècle

Auction Closed

March 19, 05:31 PM GMT

2,000 - 3,000 EUR

Lot Details

Description

A set of marble souvenirs of the Grand Tour, 19th - 20th century

comprising: a temple shaped casket, a rectangular basket, a pyramidal element, two door knobs, a covered inkstand and and a bronze two-handled red marble vase 

Height. 5 to 20 in.

__________________________________________

Ensemble d'objets en marbre de souvenirs du Grand Tour, XIXe - XXe siècle

comprenant: un coffret en forme de temple, un coffret rectangulaire, un élément décoratif pyramidal, deux heurtoirs, un encrier et son couvercle et un vase en marbre rouge avec anses en bronze

Haut. de 12,5 à 51 cm

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The Unique Burial of a Child of Early Scythian Time at the Cemetery of Saryg-Bulun (Tuva)

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Pages:  379-406

In 1988, the Tuvan Archaeological Expedition (led by M. E. Kilunovskaya and V. A. Semenov) discovered a unique burial of the early Iron Age at Saryg-Bulun in Central Tuva. There are two burial mounds of the Aldy-Bel culture dated by 7th century BC. Within the barrows, which adjoined one another, forming a figure-of-eight, there were discovered 7 burials, from which a representative collection of artifacts was recovered. Burial 5 was the most unique, it was found in a coffin made of a larch trunk, with a tightly closed lid. Due to the preservative properties of larch and lack of air access, the coffin contained a well-preserved mummy of a child with an accompanying set of grave goods. The interred individual retained the skin on his face and had a leather headdress painted with red pigment and a coat, sewn from jerboa fur. The coat was belted with a leather belt with bronze ornaments and buckles. Besides that, a leather quiver with arrows with the shafts decorated with painted ornaments, fully preserved battle pick and a bow were buried in the coffin. Unexpectedly, the full-genomic analysis, showed that the individual was female. This fact opens a new aspect in the study of the social history of the Scythian society and perhaps brings us back to the myth of the Amazons, discussed by Herodotus. Of course, this discovery is unique in its preservation for the Scythian culture of Tuva and requires careful study and conservation.

Keywords: Tuva, Early Iron Age, early Scythian period, Aldy-Bel culture, barrow, burial in the coffin, mummy, full genome sequencing, aDNA

Information about authors: Marina Kilunovskaya (Saint Petersburg, Russian Federation). Candidate of Historical Sciences. Institute for the History of Material Culture of the Russian Academy of Sciences. Dvortsovaya Emb., 18, Saint Petersburg, 191186, Russian Federation E-mail: [email protected] Vladimir Semenov (Saint Petersburg, Russian Federation). Candidate of Historical Sciences. Institute for the History of Material Culture of the Russian Academy of Sciences. Dvortsovaya Emb., 18, Saint Petersburg, 191186, Russian Federation E-mail: [email protected] Varvara Busova  (Moscow, Russian Federation).  (Saint Petersburg, Russian Federation). Institute for the History of Material Culture of the Russian Academy of Sciences.  Dvortsovaya Emb., 18, Saint Petersburg, 191186, Russian Federation E-mail:  [email protected] Kharis Mustafin  (Moscow, Russian Federation). Candidate of Technical Sciences. Moscow Institute of Physics and Technology.  Institutsky Lane, 9, Dolgoprudny, 141701, Moscow Oblast, Russian Federation E-mail:  [email protected] Irina Alborova  (Moscow, Russian Federation). Candidate of Biological Sciences. Moscow Institute of Physics and Technology.  Institutsky Lane, 9, Dolgoprudny, 141701, Moscow Oblast, Russian Federation E-mail:  [email protected] Alina Matzvai  (Moscow, Russian Federation). Moscow Institute of Physics and Technology.  Institutsky Lane, 9, Dolgoprudny, 141701, Moscow Oblast, Russian Federation E-mail:  [email protected]

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Savvino-storozhevsky monastery and museum.

Savvino-Storozhevsky Monastery and Museum

Zvenigorod's most famous sight is the Savvino-Storozhevsky Monastery, which was founded in 1398 by the monk Savva from the Troitse-Sergieva Lavra, at the invitation and with the support of Prince Yury Dmitrievich of Zvenigorod. Savva was later canonised as St Sabbas (Savva) of Storozhev. The monastery late flourished under the reign of Tsar Alexis, who chose the monastery as his family church and often went on pilgrimage there and made lots of donations to it. Most of the monastery’s buildings date from this time. The monastery is heavily fortified with thick walls and six towers, the most impressive of which is the Krasny Tower which also serves as the eastern entrance. The monastery was closed in 1918 and only reopened in 1995. In 1998 Patriarch Alexius II took part in a service to return the relics of St Sabbas to the monastery. Today the monastery has the status of a stauropegic monastery, which is second in status to a lavra. In addition to being a working monastery, it also holds the Zvenigorod Historical, Architectural and Art Museum.

Belfry and Neighbouring Churches

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Located near the main entrance is the monastery's belfry which is perhaps the calling card of the monastery due to its uniqueness. It was built in the 1650s and the St Sergius of Radonezh’s Church was opened on the middle tier in the mid-17th century, although it was originally dedicated to the Trinity. The belfry's 35-tonne Great Bladgovestny Bell fell in 1941 and was only restored and returned in 2003. Attached to the belfry is a large refectory and the Transfiguration Church, both of which were built on the orders of Tsar Alexis in the 1650s.  

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To the left of the belfry is another, smaller, refectory which is attached to the Trinity Gate-Church, which was also constructed in the 1650s on the orders of Tsar Alexis who made it his own family church. The church is elaborately decorated with colourful trims and underneath the archway is a beautiful 19th century fresco.

Nativity of Virgin Mary Cathedral

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The Nativity of Virgin Mary Cathedral is the oldest building in the monastery and among the oldest buildings in the Moscow Region. It was built between 1404 and 1405 during the lifetime of St Sabbas and using the funds of Prince Yury of Zvenigorod. The white-stone cathedral is a standard four-pillar design with a single golden dome. After the death of St Sabbas he was interred in the cathedral and a new altar dedicated to him was added.

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Under the reign of Tsar Alexis the cathedral was decorated with frescoes by Stepan Ryazanets, some of which remain today. Tsar Alexis also presented the cathedral with a five-tier iconostasis, the top row of icons have been preserved.

Tsaritsa's Chambers

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The Nativity of Virgin Mary Cathedral is located between the Tsaritsa's Chambers of the left and the Palace of Tsar Alexis on the right. The Tsaritsa's Chambers were built in the mid-17th century for the wife of Tsar Alexey - Tsaritsa Maria Ilinichna Miloskavskaya. The design of the building is influenced by the ancient Russian architectural style. Is prettier than the Tsar's chambers opposite, being red in colour with elaborately decorated window frames and entrance.

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At present the Tsaritsa's Chambers houses the Zvenigorod Historical, Architectural and Art Museum. Among its displays is an accurate recreation of the interior of a noble lady's chambers including furniture, decorations and a decorated tiled oven, and an exhibition on the history of Zvenigorod and the monastery.

Palace of Tsar Alexis

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The Palace of Tsar Alexis was built in the 1650s and is now one of the best surviving examples of non-religious architecture of that era. It was built especially for Tsar Alexis who often visited the monastery on religious pilgrimages. Its most striking feature is its pretty row of nine chimney spouts which resemble towers.

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    Copier CHABAUD Gilles, « Gilles Bertrand, Le Grand Tour revisité : pour une archéologie du tourisme : le voyage des français en Italie, milieu XVIII e siècle-début XIX e siècle, Rome, École Française », Revue d'histoire moderne & contemporaine, 2011/2 (n° 58-2), p. 190-192. DOI : 10.3917/rhmc.582.0190.

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    Il s'agissait, en découvrant les lieux les plus forts de l'Europe classique, en fréquentant les meilleurs et les plus intelligents, d'apprendre à tenir sa place dans un espace commun. La pratique précéda le nom : cela finit par s'appeler le Grand Tour. Et des générations d'aristocrates eurent le privilège d'en être.

  9. L'héritage du Grand Tour (XVIIIe-XIXe siècle)

    Le modèle du voyage de formation a été proposé par les humanistes de la Renaissance, puis par les Lumières. À cette époque, le Grand Tour est avant tout britannique, c'est celui de jeunes aristocrates qui traversent l'Europe pour parachever leur éducation. Cette pratique est essentiellement urbaine et dirigée vers Rome (visite des vestiges antiques) ; elle ignore largement la France ...

  10. Le grand tour revisité: Pour une archéologie du tourisme; Le voyage des

    Le grand tour revisité: Pour une archéologie du tourisme; Le voyage des français en Italie (milieu XVIIIe siècle-début XIXe siècle). By Gilles Bertrand. Collection École Française de Rome, volume 398. Rome: École Française de Rome, 2008. Pp. viii+791. €97.00. Bertram M. Gordon

  11. Les voyages : rêves et réalités

    Rien de plus antipathique au Grand Siècle - j'entends, ici, le xviii e siècle - que le repos dans une chambre, la réclusion solipsiste, le repli sur soi du sédentaire ; et rien de plus prisé que les voyages, quand ils permettent une double saisie du réel et de soi-même. Curiosité, mobilité, cette double exigence traverse l'époque. Pas de Lumières qui ne se propagent, ni d ...

  12. Du « grand tour » à Sciences Po, le voyage des élites

    P our qui aspire aux positions sociales les plus élevées, apprendre à être à l'aise dans des contextes sociaux et culturels divers représente un atout majeur. Au XVIIe siècle déjà, le « grand tour » parachevait l'éducation des jeunes aristocrates.Ce voyage de plusieurs mois les amenait non seulement à rencontrer des savants et à se mêler à leurs pairs d'autres pays, mais ...

  13. La place du voyage dans les sociétés européennes (XVIe-XVIIIe siècle)

    5 Grendi, Edoardo, « Dal Grand Tour a "la passione mediterranea" », Quaderni storici, ; 4 Le modèle le plus emblématique du voyage entre le xvi e et le xviii e siècle reste celui des jeunes nobles que l'historiographie du xx e siècle a célébré sous le vocable de Grand Tour, en en faisant un critère de définition pour une Europe qui avait besoin de se légitimer dans sa ...

  14. Le grand tour: une pratique d'éducation des noblesses européennes (XVIe

    Jean Boutier. Le grand tour: une pratique d'éducation des noblesses européennes (XVIe-XVIIIe siècles). Le voyage à l'époque moderne, n°27, Presses de l'Université de Paris Sorbonne, p. 7-21, 2004, Cahiers de l'Association des Historiens modernistes des Universités. �halshs-00006836�. Jean Boutier.

  15. 1. Le Grand Tour. Artistes européens dans l'Italie du XVIIIe siècle

    Le Grand Tour, c'est le voyage initiatique entrepris par les jeunes gens aisés, et bientôt les artistes et les écrivains, à travers l'Europe. Point d'orgue de ce périple, l'Italie. Ce cours propose d'explorer les pérégrinations de ces artistes et de comprendre en quoi elles ont influencé et enrichi leur œuvre. Fichier joint ...

  16. Le Grand Tour, le rêve de l'Italie au XVIIIe siècle. L'exposition à Milan

    Au XVIIIe siècle, le phénomène prend de l'ampleur et revêt des caractéristiques encore plus universelles. ... ont conçu un itinéraire qui permet de suivre un hypothétique voyageur de la fin du XVIIIe siècle (l'âge d'or du Grand Tour se situe entre la paix d'Aix-la-Chapelle en 1748 et la descente des armées françaises en ...

  17. (PDF) Le grand tour : une pratique d'éducation des noblesses

    Le Grand Tour européen - du XVIII e siècle surtout - fait figure à la fois d'origine du tourisme et de modèle de référence. ... Le récit de voyage en France du Moyen Age au XVIIIe ...

  18. Le Grand Tour et l'Académie de France à Rome : XVIIe-XIXe siècles

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  19. Le « Grand tour », l'ancêtre du tourisme moderne

    La Revue Dynastie se penche sur l'histoire du « Grand tour » , l'ancêtre du tourisme moderne. Les anglais à la campagne. Grand tour. Peinture de Carl Spitzweg, ca. 1845. En novembre 2016 est créé The Grand Tour un programme télévisé qui succède à l'ancien Top Gear jusqu'alors diffusé sur la BBC.

  20. A set of marble souvenirs of the Grand Tour, 19th

    A set of marble souvenirs of the Grand Tour, 19th - 20th century comprising: a temple shaped casket, a rectangular basket, a pyramidal el ... Sweden, first third of 18th century, in the manner of Buchard Precht | Miroir en bois doré, Suède, premier tiers du XVIIIe siècle, dans le goût de Burchard Precht. Estimate: 4,000 - 6,000 EUR. A Louis ...

  21. Walk Into History de la Freedom Trail Foundation®

    Le billet de la visite Walk into History de la Freedom Trail Foundation® inclut une excursion de 90 minutes sur 1,6 km dans le centre historique de la ville, avec des guides vêtus de costumes du XVIIIe siècle qui font revivre l'histoire des lieux. Suivez cette ligne rouge connue dans le monde entier et donnez vie à 250 ans d'histoire.

  22. The Unique Burial of a Child of Early Scythian Time at the Cemetery of

    Burial 5 was the most unique, it was found in a coffin made of a larch trunk, with a tightly closed lid. Due to the preservative properties of larch and lack of air access, the coffin contained a well-preserved mummy of a child with an accompanying set of grave goods. The interred individual retained the skin on his face and had a leather ...

  23. Savvino-Storozhevsky Monastery and Museum

    Zvenigorod's most famous sight is the Savvino-Storozhevsky Monastery, which was founded in 1398 by the monk Savva from the Troitse-Sergieva Lavra, at the invitation and with the support of Prince Yury Dmitrievich of Zvenigorod. Savva was later canonised as St Sabbas (Savva) of Storozhev. The monastery late flourished under the reign of Tsar ...

  24. Elektrostal Map

    Elektrostal is a city in Moscow Oblast, Russia, located 58 kilometers east of Moscow. Elektrostal has about 158,000 residents. Mapcarta, the open map.

  25. Kubinka

    Toll Free 0800 011 2023 ... Day tours. Tours by Region